Espace Associations départementales


Demain, quelle(s) mobilité(s), quelles perspectives d’action dans nos villes : compte-rendu d'un séminaire de prospective urbaine.

A l'initiative de l'AMF, du GART, du CERTU et de l'AMVBF, un séminaire de prospective urbaine a été organisé entre des Elus et des chercheurs, au Sénat, le 30 janvier 2003, et a fait l'objet d'une synthèse, dont on trouvera ci-dessous le sommaire. Le texte intégral est accessible au format .PDF en cliquant sur son intitulé dans le cadre de droite.

Par ailleurs, dans le cadre de ce séminaire, une enquête a été réalisée auprès des élus, les interrogeant sur quatre sujets : les enjeux prioritaires des politiques de déplacements urbains dans les années à venir, les solutions à apporter idéalement au problème de la prépondérance de l’automobile, les principaux obstacles à lever pour mettre en œuvre les politiques évoquées par eux, et enfin les politiques concrètement mises en œuvre à court, moyen et long terme. Les résultats de cette enquête sont reproduits ci-dessous, après le sommaire.

SOMMAIRE

 

DEMAIN, QUELLE(S) MOBILITE(S) ?
Ouverture du colloque
Daniel HOEFFEL
Président de l’Association des maires de France

Introduction
François PERDRIZET
Directeur de la recherche et des affaires scientifiques et techniques au ministère de l’Equipement

ETAT DES LIEUX ET ENJEUX ACTUELS
Le bilan de vingt-cinq ans de mobilité urbaine
Jean-Marie GUIDEZ
Centre d’Etudes sur les Réseaux, les Transports et l’Urbanisme           

Mobilités et modes de vie : les politiques de transports urbains au cœur de nos contradictions
Vincent KAUFMANN
Ecole Nationale des Ponts et Chaussées - Laboratoire Technique, Territoires et Sociétés

Débat élus-chercheurs

La mobilité individuelle dans vingt ans
Marie-Hélène MASSOT
Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité

Nouvelles mobilités, nouvelles polarités

L’exemple du commerce et des loisirs
François BELLANGER
Transit Consulting

Les nouveaux services de mobilité urbaine
Jacques SAINT-MARC
Groupe Interministériel Mobilités et Véhicules Electriques

Débat élus-chercheurs

QUELLES PERSPECTIVES D’ACTION ?
Introduction
Michel DESTOT
Président du Groupement des Autorités Responsables de Transport

Cinq scénarios d’évolution de la mobilité urbaine
Yves CROZET
Laboratoire de l’Economie des Transports

Résultats de l’enquête de prospective sur la mobilité urbaine
Renée FELTIN
Ville et Banlieue

Débat élus-chercheurs

Conclusion
Paul ASTIER
Vice-président de Lille-Métropole

Synthèse : les points saillants de la journée
François ASCHER
Institut de la Ville en Mouvement

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Rapport de l’enquête effectuée auprès des élus dans le cadre du séminaire « Mobilités »
31 janvier 2003

Préambule

Le questionnaire d’enquête, volontairement court, avait été adressé aux villes membres de l’AMF, du GART et de Ville et Banlieue. Celui-ci interrogeait les maires et les élus des associations partenaires sur 4 sujets :

  • Les enjeux prioritaires des politiques de déplacements urbains dans les années à venir
  • Les solutions à apporter idéalement au problème de la prépondérance de l’automobile
  • Les principaux obstacles à lever pour mettre en œuvre les politiques évoquées par eux
  • Les politiques concrètement mises en œuvre à court, moyen et long terme

Une centaine de réponses nous sont parvenues, émanant des maires et des villes par définition les plus motivés par la question des transports. Mais ces élus ne peuvent pas être tous qualifiés d’élus-experts ou d’élus-militants, comme ceux du GART ; et se trouvent, de ce fait, assez représentatifs de l’ensemble des élus des villes et des agglomérations.

En revanche, compte tenu du faible nombre de réponses enregistrées rapportées à l’ensemble des communes urbaines de l’hexagone, les résultats présentés ne peuvent présenter de valeur statistique. Ils n’en constituent pas moins un précieux contrepoint aux discours des chercheurs, leur apportant un éclairage latéral, qu’ils confortent leurs propos, les contredisent ou les nuancent.

Par ailleurs, l’on notera que les villes et groupements intercommunaux ayant répondu au questionnaire sont, en majorité, de taille moyenne ; et que les villes de banlieue ayant participé à l’enquête appartiennent majoritairement aux première ou seconde couronnes urbaines, et très peu à la grande périphérie, où la question de la mobilité est pourtant cruciale.

Au plan géographique enfin, il est à noter que moins de 20% des réponses émanent de l’Ile-de-France, où la question se pose dans des termes assez radicalement différents du reste du territoire, tant pour ce qui concerne la densité de la circulation automobile que pour ce qui touche à l’offre de transports en commun.

 

Les enjeux prioritaires des politiques de déplacements urbains pour les années à venir

A cette question, deux types d’enjeux arrivent en tête des suffrages des élus interrogés :

  • La réduction de la présence de l’automobile en ville (41% des réponses) et l’amélioration de l’offre de transports en commun (45% des réponses exprimées), traduction du consensus existant entre les élus comme parmi les populations pour déclarer « indésirable » l’usage de la voiture en centre ville.
    Sur ce point, il s’agit bel et bien, pour les élus interrogés, d’opérer un transfert dans le choix des modes de déplacement de l’automobile vers le bus, le tramway ou les autres modes collectifs de transports, car l’amélioration des infrastructures et de l’accessibilité routière ne représentent pas du tout des enjeux prioritaires.
  • L’articulation entre politiques d’urbanisme et politiques de déplacement (42% des réponses) d’une part, et entre politiques de déplacements des différents niveaux de collectivités territoriales d’autre part (38% des réponses)

De façon tout à fait logique, au croisement de ces deux thématiques, la desserte des espaces péri-urbains ou des nouvelles centralités de périphérie par les transports en commun, sont également citées en bonne place.

En revanche, trois thèmes d’intérêt national, sur lesquels l’affichage présidentiel et gouvernemental est fort, recueillent des scores moyens ou faibles :

  • La lutte contre l’insécurité dans les transports en commun (17% des réponses) … alors que les maires y voient souvent, en dehors de cette enquête, un frein important à l’utilisation des transports collectifs et qu’ils ont eux-mêmes signé des contrats locaux de sécurité « Transports » dans de nombreuses agglomérations.
  • L’amélioration de la sécurité routière (11% des réponses)… alors que des objectifs quantifiés ont été fixés nationalement, avec des moyens financiers non négligeables.
  • L’accessibilité aux transports pour les personnes à mobilité réduite (9% des réponses)… alors qu’il est question de mettre en place une politique nationale beaucoup plus volontariste en faveur des personnes en situation de handicap.

Enfin se retrouvent mal ou très mal considérés :

  • Le développement des circulations douces (marche et vélo) et la préservation de l’environnement (9% des réponses) Ainsi, ni la réduction des gaz à effet de serre, ni les économies d’énergie dans les transports, ni l’amélioration de l’offre à destination des piétons et des cyclistes ne paraissent retenir l’attention des élus.
  • Le désenclavement des quartiers défavorisés et le développement d’une meilleure accessibilité pour les populations de ces quartiers (9% des réponses) : un objectif majeur des politiques de la ville dans les agglomérations et un domaine d’action où l’enjeu d’égalité devant le service public s’avère pourtant important.
    L’on aura ici confirmation que les élus représentant les couches urbaines de la population française ne replacent pas spontanément leur politique de déplacements en fonction d’objectifs de développement durable.
    La question se pose donc de savoir si les options écartées à travers ces dernières réponses quand on les interroge sur les enjeux de demain le sont parce que les élus ne s’intéressent pas à ces questions, parce qu’ils ont tout simplement d’autres priorités politiques compte tenu des réalités auxquelles ils doivent faire face, parce qu’ils estiment ne pas disposer des bons leviers d’action, ou parce que ces thèmes sont déjà ceux des défis d’aujourd’hui…

Enfin, l’on observera que les élus s’étant prononcés résonnent bien davantage en termes de modes de transport ou d’espaces desservis que de populations-cibles, qu’ils s’agissent des personnes à mobilité réduite ou des habitants défavorisés. Signe que les politiques locales de déplacements apparaissent davantage liées aux politiques d’aménagement qu’aux politiques sociales au sens large du terme.

Entre le souhaitable et le possible, les moyens de réduire la place de l’automobile

La diminution du trafic automobile nous étant apparu comme un enjeu probablement prioritaire pour les élus locaux, nous les avions interrogés sur les moyens qui seraient, selon eux, les plus efficaces et les plus réalistes pour atteindre cet objectif.

Cinq mesures apparaissent à la fois comme « très efficaces » et « tout à fait faisables » :

  • La limitation drastique du stationnement en ville (efficace pour 78% des élus, réalisable pour 66%) mesure de dissuasion universelle pour faire renoncer à l’usage de la voiture.
  • La généralisation des parcs relais au bout des lignes de transport en commun (efficace et réalisable pour 82% des élus), mais l’on peut supposer que parmi les villes ayant répondu à notre enquête, rares sont celles qui se situent en bout de lignes.
  • Le partage de la voirie (82 et 84%), ainsi que le recommande le Certu.
  • La priorité systématique des transports collectifs aux carrefours (60 et 73%), dont on peut se demander pourquoi elle est très efficace et faisable sans être jamais mise en œuvre.
  • La création de lignes de transports cadencées entre les pôles urbains (83 et 80%), une offre susceptible d’attirer vers les transports en commun un certain nombre d’usagers captifs de la voiture.

Dans les mêmes registres, sont également citées parmi les mesures efficaces et réalistes :

Des mesures pénalisant clairement les déplacements en voiture individuelle privée :

  • La création systématique de zone-trente en centre ville, généralisation d’une mesure appartenant à l’arsenal classique.
  • Des mesures financièrement incitatives pour un usage partagé de l’automobile en ville (voiture en libre service, location de courte durée, taxi, transport à la demande), formes remettant en cause le statut de conducteur-propriétaire et qui ne sont aujourd’hui que très marginalement développées par les collectivités.

Des mesures visant à redonner des avantages comparatifs aux transports en commun :

  • La création de lignes de transports collectifs de rocade, solutions encore peu mises en œuvre en dehors de Paris.
  • Le développement privilégié des transports collectifs dans les quartiers défavorisés, qui n’avait pas été mentionné comme un enjeu prioritaire à la question précédente.

Parmi les mesures jugées « très » ou « assez efficaces » jugées « irréalistes », citons :

  • L’interdiction de circuler en voiture en centre-ville (efficace pour 75% des élus mais réalisable pour 33%).
  • L’ouverture de zones à l’urbanisation sous condition de desserte en transports en commun (72% contre 48%), en contradiction avec ceux qui réclament une articulation des politiques urbaines et de transports.
  • La gratuité des transports en commun (48% contre 20%), préjudiciable au développement de transports publics de qualité pour les responsables des autorités organisatrices qui, pour la plupart d’entre elles, ont mis en place des réductions, voire la gratuité, pour les personnes les plus démunies et les jeunes.

Enfin parmi les mesures jugées peu intéressantes, simultanément « inefficaces et irréalistes » par les élus de toutes les associations, il faut noter :

  • Les péages aux entrées de ville, sans doute jugés trop évidemment discriminatoires.
  • La fiscalité écologique appliquée aux carburants en fonction de leur pouvoir polluant, ce qui montre que les élus ne sont pas prêts à mettre en place des politiques environnementales potentiellement conflictuelles.
  • Le transfert des « compétences transports » aux départements, mesure sans doute peu lisible au plan de l’efficacité opérationnelle.
  • L’instauration de bureaux du temps, mesure dont l’utilité n’est sans doute pas comprise, elle non plus.

Les obstacles à lever

Les deux principaux obstacles aux mesures précédemment choisies sont pour les élus :

  • Les obstacles financiers (49%) réponse à travers laquelle on aperçoit qu’on n’a peut-être pas investi aussi fortement qu’il eût été nécessaire dans les transports publics.
  • La culture automobile trop forte (40%)où perce déjà la crainte de l’impopularité, crainte confirmée par l’invocation de la peur de l’électeur.

On peut également faire l’hypothèse que les élus qui ont répondu ne sont pas en situation décisionnaire suffisamment forte pour faire les choix financiers nécessaires aux politiques qu’ils veulent mettre en œuvre ou qu’ils s’estiment culturellement minoritaires sur les décisions « Transports » dans leurs agglomérations.

Par ailleurs, l’on ne peut que s’étonner de constater que les contraintes de l’urbanisme sont ici peu souvent citées comme un obstacle à la diminution du trafic automobile en ville (et pour aucun élu du Gart ayant répondu à l’enquête), ce qui paraît entrer en contradiction avec les réponses à la question précédente.

Dès lors, plusieurs interprétations sont envisageables :

Soit les élus pensent qu’il s’agit d’échelles de temps différentes, l’action sur l’urbanisme relevant du temps long, les politiques de déplacements se gérant plutôt sur le temps court.

Soit reconnaissent que les logiques de la ville sont plus fortes que toutes les politiques volontaristes et en prennent acte. Ce qui n’empêche pas les discours incantatoires.

Soit cette articulation urbanisme-transport n’est qu’un thème de congrès et/ou un discours technicien, sans beaucoup de réalité ni de prise sur les politiques locales.

Dans tous les cas de figures, ces politiques d’urbanisme et de transports devraient être ré-analysées conjointement ce qui nous renvoie à un précédent séminaire sur la forme des villes, et peut-être à d’autres séminaires futurs du Certu.

Les politiques de déplacements concrètement mises en œuvre à court, moyen et long terme

C’était la question–test, la plus concrète, interrogeant les pratiques des élus et plus seulement leurs opinions.

Pour le court et le moyen terme, les mesures d’amélioration de l’offre sont le plus souvent citées (45%) : avec tout ce qui peut favoriser un transport de meilleure qualité et de plus grande densité, moins cher, plus accessible. Une réponse en parfaite cohérence avec les enjeux mentionnés question 1.

A cette réponse, il faudrait ajouter la diversification de l’offre (avec le développement des pistes cyclables), l’harmonisation des différents modes de déplacements (intermodalité) et les améliorations qualitatives indirectes de l’offre (comme la sécurisation des transports collectifs).

Parallèlement, comme à la question 2, les élus évoquent souvent une politique de stationnement restrictive (16% des réponses)

De façon à peu près stable aux trois échelles temporelles, les élus mentionnent aussi la modification des voiries comme un outil permanent d’ajustement et de progrès. Jamais au cours de l’enquête, il n’en avait été fait mention : il s’agit donc d’une pratique technique, fréquente, presque naturelle, mais non un objet de théorisation ou de revendication politique.

De nouveau, la mise en cohérence urbanisme-transport réalise le plus mauvais score  parmi les mesures à court terme et un score faible dans les mesures à moyen terme.

En revanche, parmi les mesures à long terme, cette cohérence revient en force (19% des réponses) sans que l’on voie proposer de nouveaux moyens pour la mettre en œuvre

Conclusions

De façon transversale, les élus se déclarent donc favorables aux mesures qui permettent un rééquilibrage des modes de transports urbains en faveur du transport en commun mais ils semblent hésiter à prendre de front ce qui est tout à la fois un usage dominant et une passion française : l’automobile. Il y a là, reconnaissent-ils eux-mêmes, une barrière culturelle de premier ordre faisant obstacle à leurs choix de transports.

L’on notera un assez large consensus entre les élus des trois associations sur l’ensemble des points abordés. Mais les élus de Ville et Banlieue jugent encore plus que les autres « les péages à l’entrée des villes inefficaces » : peut-être parce que leurs habitants en seraient les premières victimes et qu’ils en rejettent l’idée au plan politique.

Par ailleurs, on retiendra le faible impact des grandes politiques nationales comme les politiques de sécurité routière, de développement de l’accessibilité des transports en commun pour les personnes à mobilité réduite, ou de développement durable. De ce point de vue, la France ne semble pas près de rattraper son retard avec l’Europe du Nord.

Et l’on pourrait faire la même remarque s’agissant de la politique de la ville où pourtant l’objectif de développement des transports en commun a été maintes fois réaffirmé.

On peut en tirer deux conclusions non contradictoires : qu’il faut maintenir des politiques nationales fortes et que des politiques décentralisées et locales fortes sont encore à inventer.

Les élus paraissent se concentrer sur l’amélioration de l’offre de transports en commun, à la fois enjeu et moyen, considérant que notre vrai handicap est là et que les autres politiques suivront. Ce à quoi les techniciens répondront qu’une offre qui ne s’appuie pas sur une véritable régulation foncière et une régulation de la circulation automobile n’est pas efficace.

De nouveau on pourra insister sur les chaînons manquants dans l’articulation urbanisme-transports, là où les mesures concrètes sont des obstacles ou sont trop difficiles à prendre. En tout cas, cette articulation reste bel et bien à définir.

La contradiction de fond entre les grands enjeux portés par les élus et les difficultés à mettre en œuvre les politiques qui leur correspondent, peut s’analyser là encore par la faiblesse des politiques locales et leur insuffisant portage par les  collectivités locales, notamment les agglomérations, dont ils font partie.

Ce qui s’illustre par un aveu significatif de manque de moyens financiers pour le développement des transports publics : c’est bien le signe que la volonté politique locale n’a pas été suffisamment forte et partagée pour, au-delà de l’utilisation du versement de transport, dégager sur le budget propre des agglomérations, les moyens financiers  permettant d’offrir un transport collectif de qualité, véritable alternative à l’automobile.

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Mots-clés : plan de deplacement urbain ; deplacement ; agglomeration urbaine ; appropriation de l'espace urbain ; amenagement urbain ; transport urbain de personnes ; trafic urbain ; transport en commun urbain ; circulation urbaine ; transport ; transport en commun ; transport public ; autorite organisatrice de transports ; circulation ; prospective ; automobile; enquete

 

Pour aller plus loin
Référence : BW7331
Date : 5 Mars 2004
Auteur : CERTU (Ministère chargé de l'Equipement, du Logement et des Transports)


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