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Moderniser la fonction publique territoriale pour valoriser nos territoires : propositions de L’Association des maires de France.

Le statut de la fonction publique territoriale a bientôt vingt ans. Il est né avec la décentralisation et pour la décentralisation et n’a pas si mal fonctionné. Il a permis d’accompagner une forte croissance des effectifs, une diversification des compétences et l’apparition de nouveaux métiers. L’effort de formation et la dynamique de promotion ont été considérables et la haute fonction publique a pris corps. La fonction publique territoriale est une vraie fonction publique à l’image de la fonction publique d’Etat, respectueuse des spécificités des collectivités locales.

Le levier des ressources humaines est déterminant pour innover, adapter le service public et se donner des marges de productivité. Pour réussir, cela passe par une mobilisation des élus employeurs, des cadres territoriaux, des organismes de formation et de gestion, des organisations syndicales et professionnelles mais aussi par un bon statut de la fonction publique territoriale.

Cette exigence intervient dans un contexte particulier entre défi démographique avec la relève des fonctionnaires, effets du renforcement de la construction européenne, conséquences de la montée en puissance de l’intercommunalité et nouvelle étape de la décentralisation.

Il faut considérer toutes ces données comme autant d’opportunités formidables de changement et de développement du service public local.

Moderniser le statut, ce n’est pas le remettre en cause mais bien rechercher le meilleur outil opérationnel de gestion et de formation des agents, proposer des métiers et des carrières motivants, rendre plus attractive l’entrée dans la fonction publique territoriale.

Vaste programme ! En novembre 2002, lors du congrès, l’AMF avait présenté des propositions de réforme du statut. Sur de nombreux points, il a paru nécessaire de leur donner un contenu plus précis, de réfléchir sur de nouveaux points du statut et d’approfondir les aspects institutionnels. C’est ce à quoi s’est appliqué le groupe de travail depuis novembre dernier avec la volonté de participer activement à l’élaboration du projet de loi Fonction publique. L’AMF a en effet une vocation naturelle à fédérer les réflexions et à être une force de proposition et de dialogue avec les partenaires sociaux, le gouvernement et le parlement.

I - Faciliter les recrutements et améliorer leurs modalités

1) Anticiper les besoins des collectivités en matière de recrutement

Il faut s’engager résolument dans une gestion prévisionnelle dynamique des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) au niveau de chaque collectivité mais aussi au niveau régional (bassin d’emplois) et national. La GPEEC est source de réponses aux questions actuelles, notamment le départ en retraite de nombreux fonctionnaires qui pourrait se traduire par un manque crucial d’effectifs. Il est donc indispensable de créer des outils et de se mobiliser pour préparer les recrutements futurs, former le personnel en place à de nouvelles compétences et développer avec les agents des projets de carrière. Les centres de gestion pourraient aider les collectivités employeurs en mettant à leur disposition des outils d’aide à la gestion prévisionnelle. De plus, des enquêtes peuvent être menées, tant au plan local que national, en étroite relation avec les autorités territoriales qui doivent notamment valider les questionnaires utilisés.

2) Mieux faire connaître les carrières territoriales et les moyens d’y accéder

Un gros effort doit être entrepris pour faire connaître les carrières territoriales à un large public et faire connaître, aussi, les moyens d’y accéder. On constate en effet une grande méconnaissance des emplois et des carrières au service des collectivités locales et une ignorance plus grande encore concernant l’organisation des concours. Il faut donc faire de véritables campagnes de promotion et d’information.

Par ailleurs, le dispositif d’organisation des concours, excessivement complexe, est très mal connu des candidats potentiels et même des élus. L’organisation des concours par les centres de gestion permettrait de le simplifier et d’améliorer sa « lisibilité ». En lien avec la bourse de l’emploi, les centres deviendraient, dans chaque département, le « guichet unique »  auquel s’adresseraient aussi bien les candidats que les autorités territoriales.

3) Favoriser l’accès à la fonction publique de personnes qualifiées du secteur privé en prenant en compte leur expérience professionnelle antérieure

Il est également nécessaire de favoriser le recrutement de personnes qualifiées ayant une expérience dans le secteur privé. Les concours de la troisième voie sont un pas important dans ce sens, qu’il conviendrait d’étendre à tous les cadres d’emplois. Pour attirer les candidats, il faudrait aussi améliorer les règles qui président à leur classement lors de leur recrutement en prenant beaucoup plus en compte leurs activités dans le secteur privé.

4) Poursuivre l’effort engagé pour améliorer les règles d’organisation des concours et le contenu des épreuves

Comme en 2002, l’AMF réaffirme son attachement au principe du recrutement par concours. De nombreuses améliorations sont à apporter à l’organisation de ces concours afin de les adapter aux besoins des collectivités locales à court et à long terme, de leur permettre de recruter rapidement des fonctionnaires ayant les qualifications souhaitées mais également capables d’évolutions ultérieures dans leur carrière.

Un important effort pour concilier ces exigences parfois contradictoires  a été engagé depuis plusieurs années à partir des réflexions du groupe de travail « concours » du CSFPT. Participent à cet effort la mise en place de spécialités et parfois d’options, l’appel plus fréquent aux concours sur titres, l’aménagement de ces derniers. Il convient d’attendre d’avoir un recul suffisant pour juger des modifications introduites au fil des années.

5) Réformer le dispositif institutionnel d’organisation des concours selon les principes qui suivent.

-     Les concours doivent toujours être organisés par des organismes extérieurs aux collectivités qui recrutent.
-     Ils doivent être organisés par les centres de gestion. Une organisation régionale ou interrégionale des concours doit être mise en place par les centres de gestion pour les concours de la catégorie A.
-     Toutefois, une exception à la règle précédente doit être prévue pour les concours d’accès aux cadres d’emplois supérieurs de la catégorie A (dits A +) tels que celui des administrateurs, des ingénieurs en chef de première catégorie, des conservateurs etc… qui doivent être organisés au plan national.

6) Limiter la multiplication des contrats à durée indéterminée

Il existe un véritable risque de multiplication des contrats à durée indéterminée dans les collectivités locales qui pourrait mettre en péril, si leur nombre devenait excessif, le système même de fonction publique. Cela tient essentiellement à deux causes.

Une directive communautaire du 28 juin 1999 invite les Etats membres à prendre des mesures pour limiter le recours aux contrats à durée déterminée successifs, en limitant leur nombre ou  leur durée totale, ou encore en exigeant que leur renouvellement soit justifié par des raisons objectives. La distinction entre emplois publics et privés est ignorée. Le risque existe d’une requalification de CDD successifs en CDI par le juge administratif.

A cela s’ajoute la jurisprudence récente de la Cour de Cassation selon laquelle la reprise par une personne morale de droit public d’un service public, même à caractère administratif, auparavant assuré par une entreprise ou une association, oblige à la reprise des salariés de cette entreprise ou association et au maintien de leurs contrats de travail.

L’AMF estime donc nécessaire que la loi fixe les cas précis et limitativement énumérés pour lesquels des CDI peuvent être conclus.

II - Former les agents territoriaux tout au long de leur carrière

Dans le document d’octobre 2002 figurent des propositions détaillées sur la formation. Ses axes principaux sont la nécessité de rééquilibrer le dispositif de formation en faveur de la formation continue, de former les agents de tous grades, d’adapter les programmes et durées de formation aux acquis personnels des agents, de favoriser la conclusion de conventions entre les collectivités, les agents et le CNFPT.

A l’appui de ces principes, l’AMF formule plusieurs propositions nouvelles.

1) Réduire les durées de formation initiale même s’il en résulte des régimes différents de formation entre la fonction publique territoriale et celle de l’Etat.

Le rééquilibrage de la formation des agents territoriaux et des moyens qui lui sont consacrés au profit de la formation continue est indispensable. La fonction publique territoriale doit se voir reconnaître sa spécificité et son autonomie dans la mise en place d’un dispositif de formation adapté.

La durée doit pouvoir être réduite en fonction des acquis de l’expérience ou de la formation antérieure du fonctionnaire recruté. 

2) Conserver un institut spécifique pour la formation des cadres supérieurs territoriaux

La spécificité du travail au service des collectivités locales implique que la formation des cadres supérieurs territoriaux ne soit pas entièrement confondue avec celle des cadres de l’Etat. Rien ne s’oppose, en revanche, à l’organisation de séquences communes entre, par exemple, l’INET et l’ENA.

3) Mettre en place des formations très courtes (autour d’une semaine) au moment du recrutement pour tous les fonctionnaires de catégorie C et B, pour lesquels il n’est pas actuellement prévu de formation initiale, essentiellement destinées à leur apprendre ce que sont les collectivités territoriales et quelques « fondamentaux » de leurs futures fonctions.

4) Mettre en place des formations, obligatoires au moins pour partie, pour l’accès à certains emplois d’encadrement et en cas de changement de filière.

5) Organiser de manière effective la formation continue des agents de toutes les catégories.

6) Mettre en place des contrats individuels de formation pour les agents ce qui permettrait de suivre leur parcours de formation tout au long de leur carrière.

L’AMF rappelle qu’il est urgent que soient enfin prises les dispositions réglementaires permettant de valider les acquis de l’expérience ou de la formation antérieures en substitution de séquences de formation obligatoires, qu’il s’agisse de formation initiale ou continue

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III - Permettre une gestion des carrières motivante et favoriser les évolutions professionnelles

Les autorités territoriales doivent disposer d’outils adaptés de gestion des carrières  et d’une autonomie suffisante. En octobre 2002, l’AMF s’est prononcée en faveur d’un assouplissement des quotas : augmentation des quotas limitant les avancements jusqu’à 30 %  en moyenne ; suppression de toute limite réglementaire en catégorie C ; augmentation du nombre maximum de promotions internes par rapport au nombre de recrutements… Quelques précisions sont apportées sur les mesures à prendre.

1) Mettre en place progressivement, après expérimentation, la nouvelle méthode de régulation des avancements dite du « ratio promus promouvables » en respectant certaines conditions.

Cette méthode, dont il est prévu d’expérimenter d’abord l’application au cadre d’emplois des rédacteurs, présente un intérêt certain en ce qu’elle permet d’éviter les à-coups et les situations de blocage. Toutefois, il convient de :

-     ne pas introduire de ratios d’avancement là où il n’existe pas actuellement de quota d’avancement et ne pas en introduire non plus en catégorie C, car l’AMF demande que les autorités territoriales disposent d’une entière liberté dans la gestion des avancements de cette catégorie ;
-     prévoir des dispositions particulières pour éviter les situations de blocage dues aux faibles effectifs ainsi que celles qui pourraient exister durant la période de mise en place de la nouvelle méthode ;
-     faire précéder toute application à un nouveau cadre d’emplois de simulations.

Naturellement, la décision d’avancement doit rester de la compétence exclusive de l’autorité territoriale.

2) Accompagner les promotions internes d’un effort de formation

Les promotions internes ne devraient pas être considérées uniquement comme une récompense car elles ouvrent des perspectives de carrières ultérieures importantes que les promus doivent pouvoir assumer. La reconnaissance des acquis de l’expérience doit permettre d’ajuster la formation nécessaire.

3) Gérer les évolutions de carrières en prenant en compte les acquis de l’expérience.

La reconnaissance de l’expérience professionnelle et la validation des acquis de l’expérience doivent devenir des outils importants de gestion des carrières. Concernant l’avancement et la promotion interne, les acquis de l’expérience devraient pouvoir être pris en compte, par exemple en substitution partielle ou totale de l’examen professionnel. Cela devrait s’accompagner d’un réexamen du contenu des examens professionnels ainsi que des règles présidant à l’élaboration des listes d’aptitude et des quotas limitant les promotions internes.

IV -  Définir et mettre en place des procédures fiables de reconnaissance et validation des acquis de l’expérience

Il peut être beaucoup attendu de ce nouvel outil en matière de recrutement, de formation initiale et continue, d’accompagnement des évolutions de carrières. Aussi est-il indispensable de définir une méthode et un référentiel afin que les critères d’appréciation soient les mêmes sur tout le territoire. Les maires sont très attachés à l’encadrement du dispositif par des autorités indépendantes afin de garantir l’égalité d’accès aux emplois publics, ce qui ne doit pas exclure d’associer des professionnels et des élus au sein des instances de validation.

Ce nouveau dispositif, qui ne doit pas conduire à remettre en cause le recrutement par concours ou la logique de carrière, doit permettre, en cours de carrière, de faciliter les changements de filière  et les reclassements.

Il importe d’engager le travail de recensement et de comparaison des certifications professionnelles.

Les agents doivent bénéficier d’un accompagnement dans leur démarche qui ne doit pas s’en tenir à un simple dossier administratif.

V - Disposer des outils nécessaires à une bonne gestion des services et des agents

1) Réformer le système indemnitaire dont l’AMF ne cesse depuis longtemps de dénoncer l’inadaptation à la gestion locale

Des textes récents ont accru la marge d’autonomie dont disposent les élus et les maires y sont attachés. Toutefois, des difficultés demeurent s’agissant de certains grades.

Aussi, malgré ces textes, les demandes de l’AMF de réforme des régimes indemnitaires des agents territoriaux, qui figurent dans les propositions d’octobre 2002, gardent toute leur pertinence.

2) Ajuster le régime juridique du compte épargne temps à la gestion territoriale

Un décret instaurant un compte épargne temps au sein de la fonction publique territoriale devrait être publié prochainement. Il devrait ne constituer qu’une étape car il n’apporte pas de réponse satisfaisante s’agissant de la prise en charge des comptes ouverts en cas de mutation. Une solution devra être trouvée ultérieurement, impliquant une gestion « mutualisée » des comptes après mutation.

VI - Faire de l’action sociale en faveur des agents territoriaux un facteur d’attractivité et un outil de gestion des ressources humaines

L’action sociale en faveur des agents territoriaux est un facteur d’attractivité qu’il conviendrait de développer face, notamment, à la concurrence du secteur privé et aussi de la fonction publique de l’Etat. Elle est à la portée des petites collectivités qui peuvent proposer à leurs agents des prestations intéressantes pour un coût modéré, grâce à la mutualisation des moyens et à la mise en concurrence des prestataires.

Les politiques des collectivités dans ce domaine sont extrêmement diverses, en ce qui concerne les prestations, les montants qui leur sont consacrés, les organismes qui en sont chargés.

L’AMF est attachée à ce que chaque collectivité détermine en toute autonomie la nature des prestations dont elle entend faire bénéficier ses agents et choisisse de les gérer elle-même ou de cotiser pour cela auprès du ou des organismes de son choix.

Toutefois, il lui paraît nécessaire que toutes les collectivités consentent un effort minimum en ce sens et elle propose qu’un pourcentage minimum de la masse salariale, qui pourrait être de 0,2 ou 0,3 % , soit consacrée à l’action sociale en faveur des agents.

Ce pourcentage minimum ne viendrait en aucun cas s’ajouter aux montants actuellement  consacrés à l’action sociale par de nombreuses collectivités, ces dernières s’acquittant déjà de l’effort minimum requis.

VII - Mettre en place une instance de représentation nationale des employeurs territoriaux

L’AMF souhaite la mise en place d’une instance de représentation nationale des employeurs territoriaux qui serait chargée, aux côtés de l’Etat, de mener les négociations sociales, y compris en matière de rémunération.

Un collège au sein du Conseil supérieur de la FPT (CSFPT), composé des représentants des collectivités locales, pourrait assurer cette représentation. On observe d’ailleurs que ces représentants ont été élus sur les listes présentées par les trois grandes associations d’élus (AMF, ADF, ARF).

VIII - Réformer le dispositif institutionnel lié au statut

1) Clarifier les missions respectives des centres de gestion et du CNFPT et pour cela :

-    mettre en place un organisme national de gestion, non paritaire ;
-    recentrer le CNFPT sur sa mission essentielle, la formation, pour laquelle le paritarisme s’impose.

2 ) Mettre en place une nouvelle organisation des centres de gestion

La compétence des centres de gestion pour l’organisation des concours implique notamment deux réformes :  

-    la mise en place d’un régime particulier d’affiliation, limité aux missions communes à toute la FPT (organisation des concours, bourse de l’emploi, prises en charge en cas de suppression d’emplois), à l’exclusion de la gestion des agents des collectivités affiliées et de leurs carrières ; ce nouveau régime d’affiliation obligatoire concernerait les collectivités et établissements publics actuellement non affiliés ; sa création impliquerait leur représentation dans les conseils d’administration des centres de gestion au sein d’un collège spécial ;
-    pour que l’organisation des concours, notamment de catégorie A, soit assurée dans de bonnes conditions, il est indispensable qu’une organisation des centres de gestion au plan régional et interrégional soit mise en place.

L’ensemble de ces propositions vise à moderniser le statut de la fonction publique pour le rendre plus attractif. L’enjeu de la gestion des ressources humaines dans les collectivités locales conditionne la réussite de la décentralisation, la qualité du service public de demain, la valorisation de nos territoires et l’adhésion des français à notre démocratie locale.

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Référence : BW7474
Date : 26 Nov 2005
Auteur : AMF


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