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Décentralisation : la position de l'AMF.

  • En ouvrant de nouveaux espaces de liberté pour les communes, les départements et les régions, la décentralisation a permis aux élus locaux de mieux répondre aux attentes et aux demandes des Français. Vingt ans après la réforme qui l'a instaurée et malgré ses lacunes, ses insuffisances voire ses dérives, elle constitue un acquis auquel les citoyens comme les élus locaux sont attachés.
  • Elle apparaît aujourd'hui, comme le système le plus adapté pour améliorer l'efficacité de l'action publique, en rapprocher l'exercice des citoyens, enraciner la République sur le territoire et faciliter l'insertion du pays dans l'Europe.
  • Il convient donc tout à la fois de la conforter dans ses principes et lui donner un nouvel et vigoureux élan.
  • Les Maires de France attendent de la seconde étape de la décentralisation qu'elle renforce le principe de la libre administration locale, repris sous une autre forme par la charte européenne de l'autonomie locale, contribue à établir des relations plus équilibrées et plus confiantes entre l'Etat et les collectivités territoriales, qu'elle leur donne plus de liberté et de moyens pour assurer leurs responsabilités et qu'elle favorise la participation des citoyens aux affaires locales. Ils attendent également qu'elle prenne en compte la nouvelle donne territoriale que constitue le développement de la coopération intercommunale et qu'elle s'appuie sur la capacité des structures intercommunales à organiser les agglomérations urbaines et les territoires ruraux. Ils attendent enfin qu'elle consacre la commune, dont l'identité doit être préservée comme le lieu privilégié d'exercice d'une administration de proximité. I - Renforcer le principe de la libre administration locale nécessite en premier lieu de garantir l'autonomie fiscale :
  • Les élus locaux en général et les maires en particulier ne peuvent se satisfaire de la poursuite d'une évolution dans laquelle une part de plus en plus importante des ressources des collectivités territoriales provient des dotations que l'Etat leur verse pour compenser partiellement les mesures d'exonération, d'abattement, de plafonnement, de réduction d'assiette, voire de suppression d'impôts locaux.
  • Cette évolution présente en effet l'inconvénient de priver les collectivités territoriales de l'accroissement des recettes fiscales, de réduire d'autant leur marge de manœuvre, d'inciter l'Etat, qui prend en charge aujourd'hui près d'1/4 des recettes fiscales locales, à mesurer la progression de ses concours actifs au secteur public local.
  • Elle comporte un risque, celui de distendre à l'excès le lien nécessaire qu'il faut non seulement maintenir, mais renforcer entre les contribuables locaux et leurs élus.
  • Elle tend à réduire la liberté et la responsabilité des élus locaux de lever l'impôt et se heurte au principe de libre administration locale inscrit dans la constitution.
  • Dans la mesure où cette évolution est directement liée à l'inadaptation du système fiscal local, elle ne peut être inversée que par une modernisation du système lui-même afin de le rendre plus équitable et plus lisible et de l'asseoir sur des impôts rénovés susceptibles d'assurer aux collectivités territoriales des ressources correspondant à la nature et à l'ampleur de leurs charges.
  • Les Maires de France préconisent que cette rénovation soit prioritairement engagée par une révision de l'assiette des taxes foncières et de la taxe d'habitation et que soient recherchés les voies et les moyens de fonder la fiscalité locale sur des impôts prenant en compte les nouvelles conditions de production et de distribution des richesses et des revenus.
  • C'est à cette condition et sous réserve des résultats de simulations faisant apparaître le sens et la portée des transferts entre collectivités et contribuables qu'ils pourraient accepter le principe despécialisation des impôts par niveau de collectivité territoriale.
  • Dans la mesure où la modernisation du système fiscal local laissera nécessairement subsister des écarts importants de richesse fiscale entre communes, ils considèrent que l'autonomie fiscale qu'il faut garantir pour chacune des communes doit être assortie d'un renforcement de la péréquation financière qui reste manifestement insuffisante. II - Renforcer le principe de la libre administration locale suppose en second lieu un accompagnement financier de la décentralisation :
  • Malgré quelques améliorations récentes, le contrat de croissance et de solidarité ne permet pas ou insuffisamment d'accompagner l'augmentation des dépenses des collectivités territoriales dont une partie non négligeable dépend directement ou indirectement de l'Etat. Aussi bien lorsqu'il fixe le niveau et l'évolution des rémunérations dans la fonction publique, que lorsqu'il détermine en matière d'environnement des objectifs à atteindre, et plus généralement lorsqu'il invite, dans le cadre ou non des politiques contractuelles, les collectivités territoriales à apporter leur concours financier.
  • Les Maires considèrent légitime que les collectivités territoriales bénéficient des retombées fiscales qui résultent pour une part non négligeable des activités qu'elles soutiennent et demandent en conséquence que le contrat de croissance et de solidarité soit indexé sur la moitié (contre le tiers actuellement) de l'augmentation du PIB. Ils demandent aussi que soit conduite d'urgence une réflexion sur la structure et l'évolution de la DGF qui n'est plus en mesure d'assurer à la fois le financement de la coopération intercommunale, de la péréquation entre les communes et d'accompagner la croissance incompressible des budgets communaux. III - Renforcer le principe de la libre administration locale passe ensuite par une clarification, voire une rationalisation de l'exercice des compétences pour mieux identifier les responsabilités :
  • La dynamique de la décentralisation d'une part, la contractualisation et la territorialisation des politiques publiques d'autre part ont abouti à une répartition des responsabilités et des financements très éloignée de la lettre et de l'esprit du schéma de répartition des compétences élaboré en 1982-1983. Cette évolution a certes permis, en additionnant les moyens, de démultiplier les réalisations, d'améliorer le niveau et la qualité des équipements et des services, de favoriser le développement local sous toutes ses formes. Elle s'est cependant faite quelquefois au détriment de l'efficacité de la dépense publique. Elle présente aujourd'hui l'inconvénient majeur de ne plus permettre aux citoyens de situer et d'identifier les responsabilités des différentes collectivités publiques.
  • La seconde étape de la décentralisation doit donc être mise à profit pour réaffirmer les principes qui avaient présidé à la répartition des compétences et en tirer toutes les conséquences aussi bien pour celles qui sont partiellement ou en totalité exercées par les collectivités territoriales que pour celles qui pourraient leur être transférées. Parmi ces principes, il convient tout particulièrement de veiller à l'interdiction de toute tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre, de subordonner tout transfert de compétences au transfert préalable de ressources équivalentes et de privilégier la logique des blocs de compétence en se fondant sur la vocation principale de chaque collectivité territoriale, de faire prévaloir le principe de subsidiarité.
  • Cette seconde étape doit aussi refonder la contractualisation entre l'Etat et les collectivités territoriales sur des bases plus justes et plus équilibrées de façon d'une part à ce qu'elle ne se réduise pas à l'apport d'un concours financier de la part de ces dernières et que l'Etat soit tenu de remplir ses obligations dans la durée.
  • Elle doit aussi être l'occasion de préciser le contenu et les modalités de la notion de chef de file qui seule peut permettre tout à la fois l'intervention coordonnée de plusieurs collectivités territoriales et de déterminer la collectivité maître d'ouvrage, porteuse de la responsabilité d'une opération ou d'une action.
  • Elle doit permettre dans chacun des domaines traditionnels et nouveaux d'intervention des collectivités territoriales (enseignement, sport, culture, action sociale, logement social, développement économique) de clarifier et de rationaliser l'exercice des compétences, de mieux identifier les responsabilités.
  • Les Maires de France considèrent que cet exercice de clarification et de rationalisation des compétences et des responsabilités mérite d'être prioritairement conduit dans 4 domaines : - celui de la sécurité civile où il est nécessaire que le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) soit rattaché entièrement à l'Etat ou au département, et soit financé par un impôt spécifique de nature à responsabiliser tous les acteurs et les citoyens. - celui de la sécurité publique, où pour mieux prévenir et traiter plus efficacement le développement de la délinquance, des incivilités et de la violence, il convient de reconnaître aux maires un véritable rôle d'animation et de pilotage du contrat local de sécurité, et d'envisager qu'à titre expérimental et à leur demande ils puissent assurer la responsabilité d'une police territoriale de proximité. - celui de l'environnement où il faut tout à la fois maintenir une gestion décentralisée de la politique de l'eau et fonder la gestion des déchets sur le principe pollueur-payeur, ce qui suppose que les industriels soient associés financièrement à la mise en place de filières dédiées de traitement des nouveaux déchets. Dans ce secteur, il convient en outre de lever les contraintes institutionnelles trop rigides liées à la mise en place des intercommunalités et surtout, que l'Etat sache fixer des objectifs clairs et cohérents et des échéances plus raisonnables, et intervenir en ce sens dans les instances européennes. - celui des technologies de l'information et de la communication où l'Etat doit participer aux côtés des collectivités territoriales à la mise en place des infrastructures permettant l'accès de tous les territoires à des réseaux de télécommunications à grande vitesse. IV - La nouvelle donne territoriale dans laquelle s'inscrit la décentralisation est essentiellement marquée par l'intercommunalité. Il faut donc s'appuyer sur cette réalité pour agir :
  • En s'organisant à travers les nouvelles formes de la coopération intercommunale que constituent les communautés, les communes, tant urbaines que rurales, sont désormais en capacité d'assumer des responsabilités qui gagnent d'être assurées au plus près des citoyens et que la réforme de la décentralisation avait confiées à un autre niveau de collectivité territoriale, compte tenu de la faiblesse du niveau communal.
  • Sans préconiser une redistribution de ces compétences au profit des communautés urbaines, des communautés d'agglomération, des communautés de communes, les Maires de France sont favorables à ce que la seconde étape de la décentralisation, en application du principe de subsidiarité, favorise et organise des procédures de délégation de compétences exercées actuellement par le département ou la région dans le cadre de conventions conclues entre ces collectivités et les communautés.
  • Les Maires de France préconisent également que le maintien, l'organisation et la réorganisation des services publics soient recherchés dans le cadre de la coopération ou de la politique des pays.
  • Favorables à la poursuite et à l'amplification de la coopération intercommunale sur tout le territoire, ils considèrent qu'elle doit continuer à relever de la seule liberté des élus de s'organiser sur des territoires pertinents autour de projets d'aménagement et de développement, et d'en fixer le périmètre et de définir le meilleur partage des responsabilités entre la structure intercommunale et les communes.
  • Ils souhaitent que l'Etat sache se donner les moyens de favoriser la constitution des communautés et leur assure un financement stable.
  • Ils estiment que l'élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct ne peut être envisagée qu'à une triple condition : la circonscription électorale doit être la commune, chaque commune doit être représentée, le cumul entre mandat communal et intercommunal doit être maintenu. V - Cependant, cette nouvelle donne que constitue notamment l'intercommunalité ne peut être durablement acceptée et comprise par les citoyens que si elle enrichit la démocratie locale :
  • La décentralisation ne saurait se réduire à la recherche d'une plus grande efficacité de l'action publique et à l'accroissement des pouvoirs et des responsabilités des autorités locales. Elle doit aussi se traduire par un enrichissement de la démocratie locale à travers une plus grande participation des citoyens aux affaires locales.
  • Cette participation à la fois nécessaire et souhaitable ne se décrète pas et ne saurait par conséquent être imposée d'en haut. Si la loi peut en favoriser et en faciliter l'exercice, elle ne saurait mettre en place des structures et édicter des dispositifs qui auraient pour effet de remettre en cause les pouvoirs et les responsabilités que les autorités locales tiennent de la loi et du suffrage de leurs concitoyens. VI - La nouvelle étape de la décentralisation implique une adaptation de la fonction publique territoriale :
  • L'extension des domaines de compétences relevant des collectivités territoriales, le développement de la coopération intercommunale, la complexification de l'administration et de la gestion municipales rendent plus nécessaire que jamais que les élus-employeurs puissent s'appuyer sur des collaborateurs qualifiés, disposant d'une capacité d'expertise juridique, technique et financière et qui doivent bénéficier tout à la fois de réelles garanties de carrière et de rémunérations attractives. Cette nécessité est d'autant plus forte que les années à venir vont se traduire par le départ à la retraite de nombreux fonctionnaires territoriaux et qu'il faudra prévoir leur remplacement dans un contexte fortement concurrentiel. Il convient donc tout à la fois de faciliter les recrutements, notamment dans la filière technique, d'assouplir, dans le respect de règles statutaires, les règles et les dispositifs qui président actuellement à la gestion des fonctionnaires territoriaux, notamment toutes celles qui instituent des seuils et des quotas, et d'améliorer, d'alléger l'organisation des concours. VII - Enfin, il faut créer un environnement favorable à l'exercice des libertés locales :
  • La décentralisation constitue le système le plus adapté et le plus conforme à la tradition républicaine pour favoriser le développement des libertés locales sans affaiblir l'Etat. Encore faut-il que celui-ci et son administration sachent se départir de la culture de méfiance qui les caractérise encore trop souvent dans leurs rapports avec les collectivités territoriales et qu'il crée un environnement administratif, juridique et financier favorable à l'exercice des libertés locales. Il lui appartient de limiter sa production législative et réglementaire qui, si elle doit respecter l'unité du droit sur l'ensemble du territoire, ne doit pas nécessairement entraîner une application uniforme et rigide mais laisser aux collectivités territoriales le droit à l'initiative, à l'innovation et à l'expérimentation. Il lui appartient aussi de mieux afficher ses objectifs, notamment dans le domaine de l'environnement, de simplifier la réglementation, d'alléger les procédures, de ne pas multiplier les dispositifs, les schémas et les zonages. Il lui appartient également de veiller à ce que les élus locaux ne soient pas soumis à un contrôle d'opportunité dans leur gestion et que le contrôle de la légalité de leurs actes et de leurs décisions soit assuré réellement et de façon homogène sur l'ensemble du territoire, de les faire bénéficier d'une capacité d'expertise. Ce changement de positionnement de l'Etat suppose qu'il sache enfin se déconcentrer et s'organiser territorialement par le redéploiement fonctionnel et géographique de ses services départementaux et régionaux, assurer une meilleure coordination de leur action et faire en sorte que les élus locaux puissent disposer d'un interlocuteur unique.
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    mots-clés : decentralisation ; prospective ; evolution ; proposition ; AMF ; fiscalite locale ; cooperation intercommunale ; transfert de competence
  • Référence : BW7641
    Date : 8 Oct 2002
    Auteur : AMF


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