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Note relative à la réforme des redevances pour pollution introduite par le projet de loi sur l’eau [projet de loi 2002 : vote interrompu].

Cette note ne traite que du volet financier du projet de loi et plus précisément du chapitre consacré aux redevances pour pollution des Agences de l’eau. Des engagements avaient été pris par le ministère pour une véritable remise à plat du mécanisme de la redevance de pollution domestique, l’objectif étant de tenir enfin compte de la pollution réelle. Le projet ne comporte que très peu d’évolutions satisfaisantes en ce qu’il entend perpétuer aux dépends de la mesure, le système forfaitaire initié il y a plus de trente ans.
 
La redevance de pollution domestique
Cette redevance a toujours représenté la plus grosse part du financement des Agences de l’eau. Son système d’évaluation a été artificiellement bâti sur un principe forfaitaire, selon lequel un habitant est censé rejeter quotidiennement une quantité déterminée de pollution dans le réseau. Les barèmes de ce système forfaitaire ont été établis à partir d’une seule étude, dont les résultats n’ont jamais été remis en cause. En trente ans, il n’y a pas eu une seule mesure à notre connaissance pour les confirmer.
 
  • Un système forfaitaire reconduit pour les collectivités
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  • La réalité des rejets devait être le principe de base de la révision de la redevance de pollution domestique. Le ministère s’était engagé au moment des négociations préparatoires à abandonner le système forfaitaire d’estimation de la pollution domestique au profit d’un système basé sur la réalité de la pollution brute émise par les habitants et rejetée en milieu naturel après traitement. Il n’en est rien, il apparaît dans le projet que la possibilité de recourir à la mesure directe de la pollution se limite aux seuls rejets en milieu naturel, c’est-à-dire après traitement.
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  • Qui plus est, ce dispositif n’est pas automatique puisqu’il sera mis en place uniquement sur demande du redevable. Notons que l’adoption de valeurs surestimées pour l’évaluation de la pollution émise par les usagers du système d’assainissement collectif, parallèlement la mesure directe de la pollution rejetée en milieu naturel, a pour conséquence immédiate de sous-évaluer le rendement épuratoire globa. (annexe 1).
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  • On comprend mal la volonté des rédacteurs d’interdire la mesure directe de la pollution brute. En effet, la détermination de la pollution réelle ramenée à l’habitant est facilitée par le projet lui-même, qui circonscrit le périmètre des redevables à celui des raccordés et raccordables au réseau, c’est-à-dire à l’ensemble des personnes soumises à la redevance d’assainissement collectif.
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  • Le projet de loi ne répond donc que très partiellement à la demande AMF et démontre clairement la volonté de s’en tenir à un système d’évaluation forfaitaire largement surévalué de la pollution domestique. Dans leur volonté de maintenir un système d’évaluation forfaitaire, les rédacteurs du projet ont néanmoins prévu de réviser les valeurs des différents paramètres de l’équivalent-habitant (EH).
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  • Des valeurs de l’EH révisées mais toujours insatisfaisantes
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  • D’après le projet, les nouvelles valeurs doivent être définies à partir de "résultats de campagnes générales de mesures de pollution ou d’études fondées sur des échantillons représentatifs" . Un arrêté du ministre tenant compte de ces études doit définir ces valeurs. Or, il est d’ores et déjà possible de retrouver implicitement les nouvelles valeurs dans le projet (annexe 2).
  • L’article du projet relatif aux seuils de perception de la redevance de pollution permet de déterminer les valeurs suivantes : MES : 70 g, DBO : 60 g, DCO : 135 g, N : 12 g, P : 3 g. Par comparaison, les valeurs précédentes étaient : MES : 90 g, Moad : 57 g, N : 15 g, P : 4 g. Il semble que les nouvelles valeurs retenues aient été établies à partir d’un document de synthèse remis à l’AMF en décembre 2000. Ce document est sujet à critiques. Il repose sur des études peu nombreuses, souvent anciennes (puisque certaines datent de 1974), réalisées sur des échantillons peu représentatifs de la population (estimations faites sur les rejets de 5 pavillons), et dont les résultats –" qui ne sont d’ailleurs repris que partiellement"- ne justifient pas les interprétations faites par le ministère. Le contenu de ce document semble suggérer un manque de données disponibles. Pourtant certaines Agences de l’Eau tiennent à la disposition du public, sur leur site web, ainsi que dans des rapports d’études, l’ensemble des données et informations nécessaires à la détermination des valeurs des paramètres de l’EH.
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  • Des valeurs largement surestimées
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  • Il ressort du traitement de ces données que les valeurs proposées par le ministère sont largement surévaluées. Un travail de l’AMF montre que le rapport entre la quantité mesurée et la quantité théorique va parfois de 1 à 2. C’est particulièrement le cas pour la valeur de la MES. Certains responsables du ministère et des Agences confirment d’ailleurs officieusement ces observations. Les "nouvelles" valeurs, présentes de manière implicite dans le projet, ne reposent pas sur des bases scientifiques solides et ne respectent donc pas les exigences formulées dans le projet pour leur détermination. Le projet devait être l’occasion de rendre plus objectives les valeurs de l’EH. Il n’en est rien.
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  • Mutualisation et / ou pollueur-payeur
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  • Le système de financement des agences par les redevances de pollution a souffert dès l’origine d’une ambiguïté. Basé exclusivement sur le principe du paiement en fonction d’une pollution ajoutée au milieu naturel, il portait en lui-même le germe de sa disparition. En effet, une fois la station d’épuration réalisée, une collectivité devait s’attendre logiquement à ne plus rien payer, dès lors qu’elle faisait le maximum techniquement réalisable. Cependant, afin de ne pas tarir la source, on a eu recours à deux instruments complémentaires :
  • - la taxation de la pollution résiduelle,
  • - une forte surévaluation des valeurs estimées forfaitairement, conduisant à surestimer cette pollution résiduelle, et donc à augmenter le montant des redevances. Tant qu’elle restait franco-française, cette méthode, pour contestable qu’elle soit sur le plan intellectuel, a porté ses fruits. On avait en quelque sorte une "pollution fiscale" différente de la pollution réelle. Aujourd’hui, cette position n’est plus tenable même en révisant les valeurs de l’équivalent-habitant légèrement à la baisse, comme ce serait le cas avec le nouveau projet de loi. Lors des débats préparatoires à la rédaction du projet, plusieurs scénarii avaient été exposés, allant d’un système de capitalisation purement fiscal au système actuel rénové.
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  • Pourquoi ne pas étudier une autre hypothèse, la plus proche possible de la réalité et qui ne remette pas en cause les finances des agences ? Par exemple, en scindant la redevance pollution domestique en deux sous-parties :
  • - une partie "pollueur-payeur" conforme à la réalité de la pollution résiduelle émise,
  • - une partie mutualiste, reflet de la solidarité entre collectivités et dont le niveau ne tiendrait pas compte de leur degré d’équipement en assainissement (performance des stations, état des réseaux…).
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  • Cette proposition n’a pas pour objet de remettre en cause le montant global de la contribution des collectivités au budget des agences : les communes ne souhaitent pas nuire à au bon déroulement de la mission des agences. Au contraire, la proposition présente l’avantage de mettre un terme à un système artificiel purement financier.
  • Par ailleurs, la distinction entre les parties pollueur-payeur et mutualiste de la redevance pollution permettrait :
  • - de ne plus afficher au niveau européen des performances épuratoires très faibles, sans rapport avec la réalité,
  • - de refléter le coût réel de l’environnement.
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  • La possibilité pour les industriels de recourir à la mesure réelle de la pollution brute
  •  Le sort réservé aux industriels pour la détermination de la pollution apparaît plus enviable que celui envisagé pour les collectivités. Contrairement aux collectivités, le projet donne aux industriels la possibilité de faire pratiquer, sur une période représentative, une mesure de référence de la pollution brute engendrée par l’activité de l’établissement afin de déterminer, sur la base de grandeurs caractéristiques adaptées, des coefficients spécifiques de pollution brute. Ils peuvent néanmoins s’en tenir à un système d’évaluation forfaitaire, basé sur une mesure de référence de la pollution brute engendrée par leurs activités, réalisée par l’agence de l’eau et renouvelable chaque année. Ils disposent également de la faculté de déterminer la pollution supprimée à partir des dispositifs qu’ils auront installés. La différence de traitement entre collectivités et industriels est flagrante. L’AMF souhaite que les collectivités, qui sont les principaux contribuables, puissent elles aussi bénéficier de ce système plus souple.
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  • Points divers
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  • - L’unité d’assainissement, retenue comme critère de référence de la redevance de pollution risque de dissuader les communes à se regrouper en syndicats ou à les inciter à en sortir pour échapper à la redevance. D’autre part, le choix de cette unité entraîne immanquablement un éloignement de la réalité des rejets des collectivités concernées.
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  • - Certains articles du texte présenté sont absolument incompréhensibles. L’exemple le plus flagrant étant celui de l’article traitant des modulations de zones. Plusieurs relecture collectives n’ont pas permis d’en éclaircir le sens.
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  • - Le coefficient d’agglomération, coefficient multiplicateur de la redevance se voit augmenté et uniformisé pour les communes de 200 à 10 000 habitants, sans qu’aucune étude solide présentée n’ait montré qu’il n’y a plus aujourd’hui de différence entre la charge polluante journalière générée par un habitant d’une petite commune rurale et celle générée par un habitant d’une commune de 2 000 à 10 000 habitants. Dans l’état d’avancée actuelle des recherches, une telle disposition n’est pas justifiée et devrait elle aussi s’appuyer sur des « campagnes générales de mesures de pollution ou d’études fondées sur des échantillons représentatifs ».
  • A ce sujet, notons d’ailleurs que dans l’hypothèse d’une mesure directe de la pollution rejetée en aval de la phase d’épuration, le coefficient d’agglomération n’a plus lieu d’être puisqu’il se trouve intégré dans la nature quantitative et qualitative des rejets.
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  • - On peut s’interroger sur les raisons qui soustraient les industriels non raccordés au paiement de la redevance pour réseau de collecte.
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  • Annexe 1 : le rendement de dépollution et l’assiette des redevances pour pollution
  • Le choix de l’estimation forfaitaire pour la pollution domestique totale a un impact sur le rendement de dépollution mais aussi sur le calcul de l’assiette des redevances pour pollution .
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  • Le rendement de dépollution Il est défini dans l’article L 213-10 7°) comme :
    R = Pollution réelle supprimée / Pollution domestique totale (forfaitaire)
  • Si le dénominateur est surestimé, le rendement R, résultat du rapport précédent, sera au contraire sous-évalué.
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  • L’assiette des redevances pour pollution Elle est définie dans l’article L 213-11 II comme :
    A=(Pollution domestique totale, estimée forfaitairement) – (Pollution réellement supprimée par la station). Avec : (Pollution domestique totale) = (population) x (valeurs forfaitaires (MES ;N..)) x (coeff. d’agglo). (Article L 213-12 et L 213-11 III 1°) (Pollution réellement supprimée) = (Pollution entrant dans la station) – (Pollution sortant) (Article L 213-10 I 6°) 
  • La surestimation de la pollution domestique totale entraîne automatiquement celle de l’assiette des redevances pour pollution
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    Annexe 2 : Révision des valeurs de l’équivalent-habitant
     
    Titre III- Reforme des Agences de l’eau
     
    Chapitre IV Redevances
     
    Les valeurs "révisées" de l’équivalent-habitant ne sont pas explicitement données dans le projet de loi. On peut toute fois les déduire de certains articles du texte.
    Art L.213. 10-II : « Pour évaluer l’assiette des redevances visées au II de l’art L.213-9, les éléments physiques, chimiques ou biologiques constitutifs de la pollution à prendre en considération, leurs unités de mesure et les seuils correspondant au rejet annuel au-dessous duquel, pour chaque élément, les redevances ne sont pas dues, sont les suivants :

    élémentUnités Seuils (par an)
    MESKg 5 200
    DCOKg9 900
    DBO5Kg4 400
    MIKg équitox50
    NRKg 880
    NOKg880
    PKg 220

    Art 8 titre I du décret n°75-996 du 28 octobre 1975 :
     
    "La redevance n’est pas perçue lorsqu’elle est inférieure au montant de la redevance correspondant, dans la même zone de tarification, à la pollution à prendre en compte pour 200 habitants, en application de l’arrêté prévu par l’article 10 du titre II."
     
    A partir de cela, on peut déduire les valeurs de l’équivalent-habitant pour chaque type de polluant.
    MES :
    - Seuil / an = 5 200 Kg
    - Seuil/ jour = 5 200 / 365 = 14,24 Kg = 14 240 g, 14 240 g/J correspondant à 200 habitants, on a :
    EH (MES) = 71 g
    DCO : - Seuil / an = 9 900 Kg EH (DCO) = 135,6 g
    DBO5 : - Seuil / an = 4 400 Kg
    N Réd: - Seuil / an = 880 Kg EH (Nred) = 12 g
    Nox: - Seuil / an = 880 Kg
    EH (Nox) = 12 g
    P: - Seuil / an = 220 Kg
    EH (P) = 3 g
    EH (DBO5) = 60 g
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    mots-clés : projet de loi ; assainissement ; eau ; redevance ; pollution ; redevance pour pollution

    Référence : BW7728
    Date : 11 Avr 2002
    Auteur : Gwenola Stéphan ; Guillaume Duparay


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