Espace Associations départementales


Observations de l’AMF concernant le projet de loi sur l’eau [projet de loi 2002 : vote interrompu].

Le projet de loi présenté en Conseil des ministres le 27 juin 2001 a évolué sur un certain nombre de dispositions par rapport au projet initial. Cette note analyse le texte, tel qu'il est soumis à l'Assemblée nationale en première lecture en janvier 2002, en présentant l'avis de l'AMF sur chaque point.
-->Voir aussi, sur ce sujet, une note des services de l'AMF analysant le projet de loi, tel qu'il résulte des premiers débats à l'Assemblée nationale, ainsi qu'une note plus particulièrement consacrée à la réforme des redevances pour pollution introduite par le projet de loi.
 
Plusieurs points ont été très discutés. Il s'agit notamment de la création de nouvelles redevances et particulièrement de la mise en place d'une redevance pour excédents d'azote, dont les recettes nettes attendues sont de l'ordre de 250 millions de francs, frais de recouvrement déduits.
 
La tarification de l'eau (et notamment la possibilité d'une partie fixe) a également fait l'objet de débats. L'AMF a défendu le principe du maintien de la possibilité pour les collectivités locales de mettre en place une partie fixe représentative des coûts fixes.
 
La dernière version du projet de loi, sensiblement améliorée sur ce point, précise que la partie fixe correspond "aux charges de gestion du comptage et de facturation ainsi que de tout ou partie des charges d'établissement et de renouvellement des branchements". Cette définition demeure néanmoins perfectible dans la mesure où elle ne tient pas compte des coûts fixes d'entretien.
 
Un régime particulier est réservé aux communes touristiques (possibilité de traduire dans la partie fixe le coût du surdimensionnement des installations).
 
Les compétences du Haut Conseil des services publics de l'eau et de l'assainissement ont été revues : il ne dispose plus de la possibilité d'adresser des injonctions aux collectivités. Il émet notamment des avis et des recommandations sur la réglementation relative à l'eau et à l'assainissement, il peut être consulté par les collectivités préalablement à leur intention de déléguer le service.
 
L'énumération des compétences prévoit également que "tout service de distribution d'eau et d'assainissement...ayant conclu une convention... est tenu d'adresser au Haut conseil toutes les données..." . La liste des données à fournir sera précisée par décret.
observation : cette disposition institue une nouvelle obligation à la charge des collectivités qui n'est pas justifiée. Elle mériterait d'être amendée.
 
- La question de la police de l'eau est davantage prise en considération. Un toilettage législatif général pour savoir "qui fait quoi" en la matière reste néanmoins nécessaire.
 
- La suppression des dépôts de garanties, des demandes de caution solidaire et leur remboursement dans le délai d'un an à compter de la promulgation de la loi :
observations : ces pratiques de caution et de dépôt de garantie restent relativement marginales mais ont parfois conduit à certains excès. Elles sont indépendantes d'éventuels frais d'accès au service. A première vue, un alignement sur les modalités de la facturation d'autres fluides (gaz, électricité) milite en faveur de cette mesure de suppression. Il n'est néanmoins pas illogique que les services d'eau et d'assainissement demandent aux usagers des garanties financières dans la mesure où généralement, il n'est procédé qu'à un seul relevé annuel donnant lieu à facturation unique. Par ailleurs, dans d'autres secteurs, comme dans celui du logement, la pratique de la caution et du loyer d'avance est la règle. La suppression des cautions et garanties soulève la question du périmètre de la solidarité en cas d'impayés de factures d'eau : le bon niveau est-il celui des seuls usagers du service ou de la collectivité dans son ensemble ? Les collectivités ont besoin de délais pour les remboursements.
 
- Le passage au comptage individuel et à l'abonnement direct à l'eau pour les usagers relevant de l'habitat collectif, avec envoi systématique du règlement de service :
observation : c'est une des dispositions de la loi SRU. L'AMF s'est prononcée pour le comptage individuel mais contre l'abonnement individuel en habitat collectif (impayés de factures supportés par le service et risque de faire supporter aux services les coûts de mise aux normes des installations privées jusqu'aux compteurs individuels). Les collectivités ont besoin de délais pour l'application de la mesure relative aux règlements de service.
 
- Le renforcement de la protection des occupants des immeubles collectifs avec l'interdiction des coupures d'eau en cas de non-paiement des factures d'eau,
observations : le dispositif de la convention solidarité eau permet d'ores et déjà d'éviter les coupures d'eau. Pour couvrir les impayés, la faculté pourrait être offerte aux collectivités d'abonder le budget annexe des services de l'eau et de l'assainissement par le budget général. L'impôt pourrait financer la solidarité.
 
- Le plafonnement du montant des redevances d'occupation du domaine public (RODP) versés par les délégataires,
observation : Pour les consommateurs, la RODP est perçue comme un contournement de l'interdiction des droits d'entrée. Pour le ministère de l'environnement, l'encadrement des RODP a pour objectif de "faire baisser la facture des abonnés dans les communes où cette redevance représente des montants importants". Il est prévu comme pour le gaz et l'électricité un plafonnement de la RODP en fonction de la population de la commune. Le nouveau cahier des charges pour l'exploitation par affermage des services de distribution d'eau potable laisse le choix entre la gratuité ou la redevance. Dans d'autres secteurs, notamment dans celui des télécommunications, la tendance est à la multiplication des opérateurs qui revendiquent tous la gratuité. En l'acceptant, les collectivités se privent de rentrées financières.
 
- La présentation obligatoire pour avis à la Commission consultative des services publics locaux du projet de règlement de service, des projets d'avenants au contrat de délégation, des projets de programmes pluriannuels de travaux, des tarifs de l'eau et de l'assainissement, du rapport sur le prix de l'eau (avant présentation à l'assemblée délibérante),
observation : A l'heure actuelle, les commissions d'usagers doivent théoriquement être mises en place dans toutes les communes de plus de 3500 habitants ou dans chaque groupement de communes comprenant au moins une commune de plus de 3500 habitants. Dans la pratique, il est particulièrement difficile de trouver des représentants d'associations de consommateurs pour siéger dans ces commissions. Il est question de faire supporter aux collectivités le coût de fonctionnement de ces commissions.
 
  Le nouveau système de la redevance de pollution perçue au profit des agences de l'eau : La nouvelle rédaction introduit la disposition permettant une contribution des agences de l'eau au budget de l'Etat par voie de prélèvement sur leurs recettes. Le texte prévoit que le Parlement encadre le volume du plafond global des redevances et les fourchettes de taux de redevance ainsi que les critères de modulation géographiques des taux. De leur côté, les agences adoptent -après avis conforme des comités de bassin- leurs programmes pluriannuels d'intervention ainsi que les taux des redevances dans les fourchettes définies par le Parlement. Elles peuvent, pour tenir compte de l'état écologique et de la sensibilité des milieux à la pollution, appliquer à ces redevances des coefficients de modulation géographiques dont la plage de variation est élargie.
observation : La marge d'autonomie des agences semble préservée.
 
L'exécution des programmes pluriannuels fait l'objet d'un bilan annuel annexé au projet de loi de finances et d'un bilan intermédiaire auprès du Parlement.
 
- La marge de manœuvre financière des agences de l'eau par rapport aux taux de référence des redevances de pollution fixés par le Parlement est de plus ou moins 20 % par rapport aux taux de référence. 
 
- La commune ou le groupement de communes, plus précisément le service d'assainissement communal ou intercommunal devient redevable à la place des habitants et des entreprises raccordées : la contre-valeur est supprimée.
observation : le Groupe de Travail Environnement s'est prononcé en faveur de ce mécanisme le 10 mars 1999.
 
- La population de référence est celle relevant des zones d'assainissement collectif.
 
- L'assiette de la redevance est la pollution nette annuelle rejetée (et non la pollution d'un jour normal du mois de rejet maximal).
 
- L'unité de référence de la redevance de pollution devient l'unité d'assainissement collectif, c'est-à-dire "un ensemble de zones d'assainissement collectif desservies par un système de réseaux placés sous la responsabilité d'une seule commune ou d'un seul établissement public compétent, ou bien interconnectés ". Toutes les communes redevables relevant d'une même unité d'assainissement collectif sont soumises au même régime de redevances, quelle que soit leur taille, le seuil d'exonération du paiement de la redevance étant calculé par unité d'assainissement. La référence était précédemment l'agglomération, c'est à dire l'ensemble des eaux usées traitées par un unique dispositif épuratoire.
 
- La valeur minimale du coefficient d'agglomération est ramenée à 1, au lieu de 0,5 et 0,75 pour les communes dont la population de référence est inférieure à 2000 habitants.
observation : cette disposition est pénalisante pour nos adhérents les plus ruraux et les justifications du ministère sont peu convaincantes (pour les rédacteurs du projet, les ruraux polluent autant que les urbains). L'AMF pourrait présenter un amendement visant à revenir à la situation antérieure.
 
- Le seuil de perception de la redevance pollution passe de 400 à 200 équivalents-habitants, conséquence de la suppression des coefficients d'agglomération inférieurs à 1.
 
- Le calcul du montant de la redevance pour pollution non domestique payée par les industriels repose sur la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale :
observation : il serait préférable que les collectivités n'aient qu'un rôle limité dans l'établissement des redevances des industriels et que le système continue de reposer sur les agences de l'eau.
 
- Le coefficient de collecte (multiplicateur de la redevance de pollution) disparaît au profit d'une redevance pour réseau de collecte censée, à recette de redevance globale constante, augmenter à terme la part contributive des industriels aux recettes des agences de l'eau. Cette redevance se substitue au coefficient de collecte qui n'est plus intégré à la redevance pour pollution domestique.
observation : l'AMF a toujours dénoncé le caractère arbitraire des coefficients de collecte. On ne peut que saluer l'annonce de leur disparition. Techniquement, les industriels seront désormais assujettis à la redevance pour sujétion de collecte.
 
- Il est prévu la création d'une redevance pour modification du régime des eaux. Un des faits générateurs de cette redevance est notamment l'imperméabilisation des sols.
observation : sont principalement concernées par cette redevance les aménagements urbains et les infrastructures de transport à l'origine d'une imperméabilisation des sols supérieure à un hectare et postérieure au 1er janvier 2003. Le taux de cette redevance due à raison de l'imperméabilisation des sols est fixée à 150 euros par hectare. Les collectivités qui rentrent dans ces critères n'échapperont pas à la redevance.
 
Dans le domaine de l'assainissement collectif :
 
- La réforme propose que les collectivités qui le souhaitent puissent, pour le compte des particuliers et moyennant remboursement, réaliser la partie privée du branchement au réseau et mettre hors service les dispositifs d'assainissement autonome (pour les particuliers qui se raccordent au réseau).
 
- L'approbation préfectorale pour le prolongement des délais de raccordement est supprimée.
 
- Le montant de la participation pour raccordement à l'égout baisse de 80 % à 50 % du coût de fourniture et de pose d'une installation autonome,
observation : on ne comprend pas les raisons de cette baisse. Les services d'assainissement ont de fortes charges inhérentes à la construction des réseaux. Contraints à l'équilibre budgétaire de leur service, ils risquent logiquement de compenser cette baisse par une augmentation de la redevance d'assainissement.
 
- Le remboursement des travaux de raccordement à l'égout exécutés par la collectivité pour le compte des propriétaires ne donne plus lieu à majoration de 10 % pour frais généraux,
observation : même observation que la précédente.
 
- Les conditions du raccordement à l'égout des industriels sont précisées : le raccordement est subordonné à autorisation préalable,
observation : c'est un point qui, à l'initiative de l'AMF, a été longuement discuté, notamment avec le ministère de l'intérieur.
 
- Côté sanction, le montant de la redevance assainissement collectif peut être majoré jusqu'à 300 % (contre 100 % aujourd'hui) en cas de refus par le propriétaire de se conformer aux prescriptions du service d'assainissement collectif,
observation : cette mesure va dans le bon sens.
 
- Les autorisations de raccordement délivrées par le maire chargé de la collecte devront au préalable être soumises pour avis à l'autorité (maire ou syndicat) chargée de l'épuration à l'aval.
 
Dans le domaine de l'assainissement non collectif :
 
- La réforme envisage l'extension des compétences des services d'assainissement non collectif aux opérations de réhabilitation des dispositifs d'assainissement autonome
observation : pour que les collectivités soient incitées à exercer la compétence, il faudrait qu'elles disposent pour ce faire d'un privilège d'exclusivité, quitte à le déléguer.
 
- La réforme prévoit que l'usager du SPIC de l'assainissement non collectif dont le dispositif n'est pas conforme voire inexistant s'expose à une pénalité de 3 à 10 % du coût de fourniture et de pose d'un dispositif réglementaire,
observation : cette mesure va dans le bon sens.
 
Divers :
 
- Les SAGE (schémas d'aménagement et de gestion des eaux) : la réforme prévoit que leur élaboration et leur suivi peuvent être confiés à un groupement d'intérêt public, à une communauté locale de l'eau, à une entente interdépartementale, ou à un établissement public territorial de bassin.
 
- Le projet confirme que la définition d'un SAGE n'est pas obligatoire en tout point du territoire. Le mode de fonctionnement des commissions locales de l'eau est simplifié.
 
- L'élargissement des compétences du département en terme d'assistance technique aux collectivités dans les domaines de l'assainissement non collectif et de l'assainissement pluvial est envisagé,
observation : les SATESE exercent déjà des compétences en matière d'assainissement collectif. Les départements souhaitent se positionner sur ces nouveaux secteurs d'activités. Cette situation place les communes dans une sorte de dépendance technique. Il est sans doute préférable de créer des syndicats mixtes au sein desquels les départements pourraient prendre place.
 
- Le projet envisage la décentralisation de la gestion du domaine public fluvial de l'Etat et son transfert aux départements. - Les VIIèmes programmes sont prolongés d'une année,
observation : les VIIIèmes programmes ne débuteront qu'en 2003.
 
- Les périmètres de protection immédiate des captages d'eau sont rendus obligatoires,
 
- La transposition de la directive cadre sur l'eau (définitivement adoptée par le Parlement européen le 7 septembre 2000) : elle se traduit par la création de districts hydrographiques dont les limites sont légèrement différentes de celles des agences, ce qui implique également une modification des SDAGE. Il est envisagé que le préfet coordinateur de bassin approuve le plan de gestion du district proposé par le comité de bassin et valide le programme de mesures réglementaires prises en application du plan de gestion.
 
Concernant le mode de gestion, le projet prévoit :
- Une durée maximale de douze ans pour les contrats de délégation d'eau potable et d'assainissement, - Le retour en fin de contrat à la collectivité délégante des provisions non affectées constituées par le délégataire, - La possibilité de voter les budgets eau et assainissement en suréquilibre pour permettre la réalisation d'investissements importants approuvés par l'assemblée délibérante.
----------------------------------------------
Mots clés : assainissement ; eau ; projet de loi ; avis ; AMF ; gestion ; redevance ; pollution ; calcul ; collectivite locale ; pollution de l'eau ; traitement de l'eau
Référence : BW7729
Date : 11 Avr 2002
Auteur : Gwénola Stéphan ; Guillaume Duparay


Partager :

La reproduction partielle ou totale, par toute personne physique ou morale et sur tout support, des documents et informations mis en ligne sur ce site sans autorisation préalable de l'AMF et mention de leur origine, leur date et leur(s) auteur(s) est strictement interdite et sera susceptible de faire l'objet de poursuites.