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Compte rendu de la Commission Culture et communication : séance du 30 mai 2006.

 
André CAYOT, Conseiller et responsable du pôle musiques actuelles au ministère de la culture

André CAYOT a souhaité rappeler brièvement l’historique de la politique du ministère en matière de musiques actuelles avant d’aborder son actualité et ses enjeux à venir.

Les musiques actuelles ont été prises en compte pour la première fois par le ministère de la culture à partir de 1981- 1982. Le ministère se devait d’intervenir dans un champ où les collectivités locales commençaient à s’y intéresser de près, dont Poitiers, Rennes, Amiens au début des années 80, et pour être en phase avec les revendications des professionnels, notamment en terme d’équipement.

Considérant que le territoire français n’était pas suffisamment pourvu d’équipements adaptés aux caractéristiques des musiques actuelles, le ministère s’est lancé dans une politique de construction de lieux dédiés à ces musiques, dont les zéniths (actuellement 17-18 zéniths). La ville d’AGEN fait figure de précurseur en matière de lieu de musiques actuelles avec le Florida.

La politique d’aménagement du territoire en la matière a été poursuivie avec la création des scènes de musiques actuelles (SMAC) en 1996, l’objectif étant d’homogénéiser les équipements de quartier. La circulaire de 1998, qui sous tend l’attribution du label SMAC à la constitution notamment d’une équipe professionnelle sur la base d’un projet artistique et culturel, est toujours en vigueur. Malgré cette politique qui apporte une aide à plus de 140 équipements, des zones d’ombre existent toutefois.

De leur côté, de grandes fédérations de musiques actuelles se sont constituées et ont depuis une dizaine d’années sollicité le ministre de la culture pour développer une politique plus cohérente. Une meilleure reconnaissance de la participation des acteurs des musiques actuelles a été prise en compte par Catherine TRAUTMANN, alors ministre de la culture, qui a souhaité créer en 1998 une commission sur les musiques actuelles.

Depuis, une concertation nationale pour le développement des musiques actuelles s’est installée en 2004, sur demande des acteurs, afin de prendre en compte l’ensemble des acteurs y compris les collectivités territoriales et les syndicats de salariés. L’objectif de cette nouvelle approche entre les acteurs des musiques actuelles est d’aboutir à une co-construction des politiques plus cohérentes et évaluées.

La revendication des acteurs de pérenniser cette concertation a été entendue par le ministre de la culture, qui a décidé de créer, au mois de janvier 2006, un Conseil supérieur des musiques actuelles. Celui-ci apportera toutes propositions utiles au ministre pour le développement des musiques actuelles.

A ce sujet, André CAYOT a également évoqué la signature prochaine d’un texte cadre intitulé « plan pour une politique nationale et territoriale des musiques actuelles » avec les associations représentatives des collectivités territoriales. Ce plan prévoit notamment l’installation en région de concertations territoriales, qui serviront de lieux de ressources, d’évaluation et d’élaboration de schémas territoriaux de développement des musiques actuelles.

Pour conclure, il a indiqué que la politique de développement de ce secteur est dotée d’un budget de 20 millions d’euros (2,5 % du budget de la DMDTS et 8 % de son budget consacré aux musiques), et de 5 à 7 millions d’euros pour les lieux.

Le champ des musiques actuelles représente aujourd’hui 70 % des professionnels de musique en France, un secteur signifiant sans compter la forte pratique amateur qui se développe, en dépit d’un budget de l’Etat faible. Ce secteur est également caractérisé par une précarisation de l’emploi, notamment les SMAC qui ont pu fonctionner grâce aux emplois jeunes. Autant de questions qui devront être donc traitées par le Conseil supérieur.

 

Antoine MASURE, Directeur du Centre National de la Chanson, de la Variété et du Jazz (CNV)

Le CNV est un service public à caractère industriel et commercial (SPIC), placé sous la tutelle du ministère de la culture, qui accueille en son sein aussi bien les professionnels, les représentants d’employeurs et de salariés, que ceux des collectivités territoriales dont l’AMF. 1 200 entreprises de spectacle commerciales comme associatives font partie du CNV.

Son périmètre d’intervention est défini par décret, la perception de la taxe sur la billetterie est l’une de ses missions principales (13 millions € par an : musiques actuelles + spectacles d’humour + spectacles sur glace…) à côté de la redistribution (12 millions €).

Dans le volet de la redistribution, des aides sont accordées par le CNV aux salles de spectacles en activité comme en construction. L’objectif est effectivement double, il s’agit :

- d’une part, d’entretenir le parc existant (les exploitants s’adressent souvent au CNV pour des travaux de maintenance) ;
- d’autre part, d’assurer une expertise technique préalable à la construction d’un équipement, notamment aux communes.

Depuis 2006, une mission d’assistance à la maîtrise d’ouvrage est apparue. Lorsqu’une commune s’engage dans un projet de construction d’une salle, elle peut faire appel au CNV au moment du concours des architectes pour faire en sorte que la configuration projetée de la salle reflète bien les exigences fonctionnelles des artistes, des techniciens et du public.

Par ailleurs, le CNV apporte son soutien chaque année à 85 festivals, ce qui est peu par rapport aux 1 300 à 1 400 festivals français, mais qui constitue selon Antoine MASURE une sorte de label qualité, une reconnaissance professionnelle.

Enfin, la prochaine  mission du CNV est de constituer un centre de ressources. Celui-ci permettra d’obtenir une meilleure connaissance de ce secteur mal connu et évalué, notamment en terme de public, de retombées de la billetterie…A ce propos, des chiffres seront très prochainement publiés sur la diffusion et les retombées financières (le secteur associatif représente 40 % du nombre de spectacle et seulement 25 % de recettes).

Antoine MASURE a toutefois souhaité attirer l’attention des membres de la commission culture sur la difficulté de trouver une articulation entre les politiques publiques globales et la réalité de ce secteur, multiple et artisanal.

 

Philippe BERTHELOT, Directeur de la FEDUROK

Philippe BERTHELOT a rappelé que les relations entre les organisateurs de spectacle et les communes sont anciennes, notamment par rapport à l’Etat qui s’est impliqué dans le domaine des musiques actuelles plus tardivement.

La grande hétérogénéité de la situation des professionnels de musique ainsi que des modèles économiques présents dans ce secteur a été soulignée.

Il s’agit selon lui de trouver aujourd’hui des terrains de convergence et :

  • de répondre à une demande de pratique et de diffusion plus forte ;
  • de ne pas occulter la problématique du son ;
  • de prendre en compte une nouvelle demande de la part des personnes âgées de 40 – 50 ans pour les lieux de répétition ;
  • de mieux préciser l’exercice de la pratique amateur afin d’éviter une confusion de genre avec les professionnels.

Si des communes de taille importante arrivent à satisfaire une grande partie de la demande de la population, de nombreuses petites communes peinent à y faire face en raison de l’absence de réponse de la part de certains acteurs (producteurs…). Un rééquilibrage de l’offre de lieux dédiés aux musiques actuelles s’avère donc nécessaire selon Philippe BERTHELOT, d’où l’intérêt d’une instance nationale pérenne.

Un observatoire a par ailleurs été mis en place à l’égard des structures adhérentes pour garantir une plus grande transparence de leur activité.

 

Sophie BERNARD, Directrice de TECHNOPOL

Association fondée en 1996 suite à l’annulation d’une soirée techno à Lyon, elle a pour mission de :

  • valoriser et défendre la scène électronique auprès des pouvoirs publics ;
  • accompagner la professionnalisation des acteurs de musiques électroniques ayant fait le choix d’une pratique légale (guide de la fête destiné à tous les organisateurs) ;
  • dénouer des situations complexes lors de l’organisation d’une fête électronique entre les organisateurs et les pouvoirs publics ;
  • promouvoir la scène électronique à travers deux évènements annuels : les rendez-vous électroniques et la Techno Parade.

La musique électronique comprend tout un ensemble de styles variés, qui va de la « house», musique fondatrice de ce mouvement, à la techno, style musical le plus connu du public.

Les salles de spectacles n’étant pas toujours bien adaptées au début, ce nouveau courant musical s’est rapidement approprié des espaces urbains tels que des friches industrielles ou des entrepôts pour pouvoir s’exprimer à travers des raves parties, des soirées généralement organisées par des jeunes peu expérimentés à l’extérieur des centre-villes, ce qui a posé le problème de la sécurité.

La terminologie de « rave party » ne correspond plus tout à fait à une réalité puisque 3 types de soirées coexistent aujourd’hui :

  • les soirées électroniques officielles lancées par des associations ou des sociétés. Ses organisateurs sont souvent demandeurs de la licence de spectacle et sollicite le CNV pour l’attribution d’une aide. Ils désirent se professionnaliser.
  • Les free-parties : frange underground des soirées techno, non déclarées, revendiquant une liberté d’expression (correspondent plus aux raves parties originelles) ;
  • Les tecknivals : regroupement de tous les organisateurs de free parties 3 fois par an (mouvement le plus médiatique).

Aujourd’hui, une confusion énorme règne selon Sophie BERNARD à propos de la législation qui diffère selon le type de soirée. Les free parties font l’objet d’une législation spécifique (décret de 2002 qui mobilise d’abord les préfectures et non les mairies).

C’est la raison pour laquelle TECHNOPOL a souhaité rencontrer le Président de l’AMF afin de proposer la rédaction d’une fiche pratique expliquant aux élus la spécificité de l’organisation des fêtes électroniques et de ses législations. Une rubrique consacrée aux élus sera  aussi créée sur le site Internet de TECHNOPOL.

Si la médias font la part belle aux problèmes rencontrés lors de tecknivals, ce qui crée une image négative selon Sophie BERNARD, plusieurs festivals de musiques électroniques, notamment à Chorges (Hautes-Alpes), Uzès (Gard) ou Lyon (Nuits sonores : 1 million € de budget, 48 000 entrées sur 3 jours), prouvent au contraire que la musique électronique a toute sa place au sein des communes.

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DEBAT

André LAIGNEL, Président de la commission culture et Député européen-maire de ISSOUDUN, estime qu’il est nécessaire d’interpeller les maires sur des domaines vers lesquels ils ne se tournent pas naturellement, dont les musiques actuelles, et de les informer sur la réglementation. Celle-ci a toutefois besoin d’être clarifiée et plus compréhensive pour les élus.

Lucien DUPERREY, Maire de ST ANTONIN sur BAYON, regrette que le préfet ne soit pas toujours un interlocuteur présent lors de difficultés avec des organisateurs de soirée, se reposant souvent sur la décision du maire.

François CHOLLEY, Maire de VILLEMOISSON sur ORGE, souhaiterait que la fiche pratique indique bien les responsabilités de chacun et précise le rôle que doit jouer la commune. Ce à quoi Sophie BERNARD a fait savoir  que le guide de la fête apporte déjà des réponses.

Philippe BERTHELOT a ajouté que des réseaux départementaux d’appui, qui commencent à se constituer, pourraient être saisis par des communes. Une des difficultés consiste selon à lui à identifier l’organisateur de la soirée.

Antoine MASURE a souhaité rappeler que les conditions d’organisation de spectacle se sont considérablement améliorées depuis 20 ans. Il a par ailleurs précisé que les élus ne doivent pas hésiter de se tourner vers les professionnels pour obtenir une assistance.

Dany CARTON, Maire de ST REMY sur BROYES, a fait état de son expérience suite à l’organisation d’un tecknival dans sa commune en 2005 sans qu’elle en soit prévenue. Le commerce parallèle qui règne dans ces manifestations posent des problèmes de sécurité.

Sophie BERNARD a rappelé que l’affluence très importante lors des tecknivals est due à la limitation imposée de ces rassemblements. Aujourd’hui le ministère de l’Intérieur a tendance à revoir sa position et à privilégier les petites soirées, ce qui est de nature à créer une confusion. Elle s’interroge aussi sur l’obligation que les détenteurs de la licence ont à payer la SACEM tandis que rien n’est imposé aux organisateurs de tecknival.

Annie GENEVARD, Maire de MORTEAU, considère que la politique du gouvernement de l’époque d’intensifier les lieux de musiques actuelles a eu pour effet de multiplier les dépenses de fonctionnement. Dans la politique de développement des lieux de musiques actuelles, il convient certes de prendre en compte les équipements structurants mais aussi de rechercher la complémentarité des structures existantes et à créer. Les structures locales hors SMAC, notamment dans les petites communes,  ne doivent pas être ignorées.

François CHOLLEY a fait savoir que la commune n’a finalement pu mener à bien un projet de construction d’une salle en raison des seuils minimums d’affluence requis pour obtenir une subvention du ministère.

André CAYOT  a fait remarquer que les musiques actuelles sont arrivées à un moment où l’on considérait que l’aménagement territorial culturel était terminé. Le ministère a tendance aujourd’hui à réduire son champ d’intervention en matière de musiques actuelles face aux restrictions budgétaires annoncées par le gouvernement et à laisser les collectivités territoriales prendre le relais. La question est donc de savoir comment répondre aux aspirations des acteurs en faveur d’une  co-construction d’une politique de développement.

Philippe BERTHELOT considère que les professionnels savaient que l’on se dirigeait vers un champ plus limité avec l’avènement du dispositif SMAC. Toutefois, afin de sortir d’une logique de pensée technocratique, il est indispensable de réunir l’ensemble des acteurs pour évaluer au mieux les besoins. Les élus doivent accepter l’idée d’aller vers une complémentarité des structures.

André LAIGNEL a répondu que l’intercommunalité constitue un début de réponse. 

Jean-François BURGOS, Maire-adjoint de GENNEVILLIERS et représentant de la FNCC, estime pour sa part que la complexification de la situation des musiques actuelles provient d’une disparité territoriale en terme d’équipements. Sur les territoires déjà équipés, les acteurs se situent plus dans une logique de rapport avec le public. 

Pour assurer une meilleure reconnaissance des musiques actuelles, il conviendrait :

  • de professionnaliser les équipes des SMAC ;
  • de renforcer l’enseignement artistique (liens avec  les écoles de musique, les conservatoires) ;
  • de réduire les clivages entre professionnels de telle ou telle esthétique.

André CAYOT a rappelé que l’un des objectifs du CSMA est bien d’installer en région des concertations territoriales, seule manière de réfléchir de ce que doit être le champ des musiques actuelles.

André LAIGNEL ainsi que  Annie GENEVARD ont rappelé quant à eux que les communes étaient les premiers financeurs de la culture.

Antoine MASURE a fait savoir qu’il ne convenait pas de reproduire des schémas déjà existants du type théâtre, les musiques actuelles étant confrontées en grande partie à une logique de marché. Les initiatives privées doivent s’exprimer librement a martelé Philippe BERTHELOT.

Annie GENEVARD suggère que la politique de l’Etat soit plus flexible et mieux adaptée aux réalités des territoires. L’Etat impose une programmation qui ne correspond pas toujours à la sociologie de la population de la ville, le cas à Morteau.

André LAIGNEL a conclu la séance en considérant que les petites communes sont souvent oubliées par l’Etat, les normes n’étant pas toujours bien adaptées et trop souvent contraignantes pour elles (le cas à Issoudun). L’Etat doit donc faire un effort d’adaptation en matière culturelle.

Référence : BW7935
Date : 17 Juil 2006
Auteur : Sébastien Ferriby


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