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Collectivités territoriales et gestion de l’eau en période de sécheresse

Allocution prononcée par M. Jacques PELISSARD, Président de l’AMF en clôture du colloque organisé par l’Association des Eco-Maires le 5 juillet 2006 (Maison des Polytechniciens – Salon Grand Quadrille – Paris 5ième ) dont le thème était :

« Les collectivités face à la sécheresse : comment gérer les mesures de restrictions et mener une action durable »

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Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de pouvoir conclure cette matinée consacrée aux mesures à moyen et long terme susceptibles d’être prises les collectivités locales pour faire face à la sécheresse, en collaboration avec l’ensemble des parties concernées (services de l’Etat, Agences de l’Eau, entreprises, monde agricole, collectivités, citoyens, réseaux associatifs).

Je tiens également à remercier les organisateurs de cette manifestation.

Lors du dernier comité sécheresse, Mme la ministre a précisé que « la pluviométrie exceptionnelle du mois de mars et du mois de mai dans le nord et l’est de la France a permis d’améliorer la situation sur le territoire qui est meilleure qu’en 2005 à la même époque ».

Cela peut paraître rassurant.

Nous ne devons cependant pas oublier que depuis trois ans, la France est exposée à des épisodes de sécheresse. Certains experts y voient les conséquences concrètes de l’amorce d’un bouleversement/réchauffement climatique, d’autres au contraire considèrent qu’il s’agit là d’épisodes normaux

Quoi qu’il en soit, l'année dernière, plus de 60 départements ont été concernés par des arrêtés de restriction de l’usage de l’eau.

La continuité du service public a néanmoins pu être assurée . Il y a eu extrêmement peu de d’interruptions de la fourniture d’eau aux usagers grâce à l’action énergique des collectivités et plus largement des acteurs de l’eau.

Ce maintien du service est passé presque inaperçu. La distribution d’eau par les collectivités s’est tellement banalisée que les concitoyens n’imaginent même plus que l’eau ne puisse un jour plus couler des robinets.

La situation en 2006 est également préoccupante.

Avant même les fortes chaleurs que nous connaissons actuellement, six départements étaient concernés dès février par des restrictions  (la Charente, la Charente-Maritime, les Landes, la Seine-et-Marne, les Deux-sèvres et la Vienne). Au 26 juin 2006, 27 départements avaient pris au moins un arrêté de limitation de l’eau en vigueur dont certains concerne l’irrigation en région parisienne, dans le centre Ouest (Charente, Vienne, Deux-Sèvres), ainsi que dans le sud-ouest (Gers, Tarn, Landes, Lot-et-Garonne notamment).

La pluviométrie est par ailleurs très contrastée sur le territoire français : alors que certaines régions ont connu des précipitations supérieures à la normale, celles-ci ont principalement permis de satisfaire les besoins en eau de la végétation et de maintenir une humidité des sols satisfaisante, au dépend d’une recharge satisfaisante des nappes phréatiques et du bon écoulement des cours d’eau.

Le niveau des nappes, principales ressources pour l’alimentation en eau potable, est par ailleurs particulièrement critique dans le bassin parisien, le centre et le sud de la Garonne.

Les acteurs de la gestion de l’eau que nous sommes ont non seulement le devoir d’être vigilants et mais aussi celui d’agir.

Les débats qui ont été menés lors de ce colloque le montrent bien : la gestion de la ressource en eau en période de crise est désormais au centre des préoccupations des collectivités locales.

Les dispositifs mis en place par l’Etat pour faire face à cette situation depuis 3 ans, au travers du plan d’action sécheresse et plus récemment, au travers du plan de gestion de la rareté de l’eau ont permis d’analyser, d’anticiper et de planifier les mesures de restriction d’eau de proximité :

- pour les usages domestiques non prioritaires (remplissage des piscines, l’arrosage des pelouses, des jardins),
- pour l’agriculture, notamment sur les cultures fortement consommatrices en eau comme celle du maïs,
- pour les industries, elles aussi fortes consommatrices d’eau.

Cependant et le récent rapport de l’Inspection générale de l’Environnement , (Rapport de l’inspection Générale de l’Environnement  sur la Mise en œuvre du décret sécheresse - Audit des mesures prises – 13 avril 2006) le confirme, une gestion efficace de la sécheresse passe notamment par une plus grande concertation avec les élus locaux, et notamment :
- par une participation renforcée des collectivités aux cellules sécheresses départementales,
- par une meilleure information sur l’évolution de la situation hydrographique,
- par une consultation sur les mesures à prendre.

La gestion de la pénurie d’eau doit aussi relever d’une meilleure collaboration des collectivités entre elles, par exemple pour faciliter l’achat d’eau à une collectivité qui a des ressources plus importantes.

Les collectivités ont déjà beaucoup œuvré de par le passé :

- Réalisation de travaux pour la protection des ressources,
- Interconnexion des réseaux,
- Amélioration du rendement des réseaux…

L’action des collectivités doit également se situer à plus long terme, au niveau des propres activités qu’elles ont à gérer comme l’arrosage public des espaces verts, des services propreté, des stades,  terrains de sport.

Beaucoup de collectivités s’emploient à mettre en place des techniques qui permettent, à long terme, d’économiser l’eau prévue pour l’arrosage comme :

- la récupération des eaux de pluie,
- les capteurs d'humidité au sol,
- les capteurs de stress hydrique des végétaux,
- les systèmes de goutte-à-goutte, etc. (Le Conseil National des Villes et Villages Fleuris a par ailleurs intégré à ses critères d’attributions de label des obligations sur la gestion de l’eau dans les espaces verts municipaux).

Cette gestion raisonnable de l’eau contribue à une meilleure mobilisation de la ressource aux usages prioritaires « eau potable » en période de sécheresse que sont l’alimentation des usagers, des hôpitaux... Cela mériterait d’ailleurs d’être précisé dans le projet de loi en cours de discussion au Parlement.

Les situation de sécheresse rencontrées ces dernières année montrent qu’il est nécessaire d'agir durablement sur les ressources en eau, en mobilisant des ressources alternatives au réseau d'alimentation en eau potable comme :

- la réutilisation de l’eau de pluie dans les collectivités locales,
- le développement des expérimentations de dessalement de l’eau de mer, de réutilisation des eaux usées traitées, etc.

Cependant, l'utilisation de ressources alternatives est limitée par les caractéristiques géographiques et climatiques du lieu d'usage.

Si l’intérêt de la récupération de l’eau de pluie à des fins domestique ne fait aucun doute – elle présente également l'intérêt de retarder l'effet des fortes pluies sur le tissu urbain (inondations, encombrement des réseaux) – les autorités sanitaires sont généralement très réfractaires à l'utilisation d'eau non potable, parallèlement au réseau potable, par crainte d'interconnections de réseaux.

Le projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques adopté le 30 mai dernier à l’Assemblée nationale, et prochainement en lecture au Sénat envisage un crédit d’impôt pour l’achat et la pose d’équipements de récupération des eaux de pluie.

Si séduisant soit cette incitation, l’AMF aurait préféré qu’elle relève d’aides définies et organisées au sein du service communal ou intercommunal de distribution de l’eau.

Une attention toute particulière nécessite par ailleurs d’être portée aux nouvelles pratiques des industries fortement consommatrices d’eau ainsi que du monde agricole qui a par exemple récemment réduit significativement les surfaces d’emblavement de maïs.

Ces nouvelles pratiques sont à encourager.

Enfin et je voudrai conclure sur ce point, réduire durablement la vulnérabilité de l’alimentation en eau doit passer par une meilleure information des usagers domestiques et non domestiques de l’eau, tant sur la situation de la ressource et les mesures d’économies d’eau que sur les mesures de restriction de l’usage de l’eau quand elles sont prises.

Les collectivités sont à même de jouer ce rôle d’information, d’animation, de concertation sur leurs territoires en collaboration avec les services déconcentrés, en période de sécheresse, mais aussi de manière continue, par exemple dans les commissions consultatives locales d’usagers des services publics locaux de l’eau.

Il nous appartient à tous, acteurs et usagers, de participer à cette gestion plus respectueuse et plus durable de « l’or Bleu ».

Je vous remercie de votre attention.

Référence : BW8083
Date : 23 Jan 2007
Auteur : Jacques PELISSARD, Président de l’AMF


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