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Maîtrise foncière des collectivités et environnement.

Discours de Jacques PELISSARD, Président de l’Association des Maires de France, prononcé lors de la VIème Conférence Internationale de l’ICREI à Aix-en-Provence le 26 juin 2006

L'International Center for Research on Environmental Issues (ICREI) est un groupe d'économistes et de juristes français qui, en association avec leurs collègues étrangers, se proposent de conduire des recherches et faire connaître les travaux fondés sur l'utilisation des outils de la rationalité économique et juridique traditionnelle, à savoir l'attribution et l'échange de droits de propriété, l'analyse critique des réglementations publiques et la responsabilisation des acteurs pour protéger et gérer l'environnement, c'est à dire en faisant confiance aux institutions d'une société de liberté et de responsabilité. A cette fin de très nombreuses conférences sont organisées à l'Assemblée Nationale, donnant lieu à publication systématique de brochures en français afin de rendre accessible les recherches étrangères.

Ann Louise Strong introduit Jacques Pélissard.

Merci, Madame la présidente.

Mon intervention a trait à la problématique de la prospective en matière de maîtrise foncière à des fins environnementales par les collectivités locales.

Premièrement, cette prospective mérite d’être analysée de manière assez large : la notion renvoie non seulement à des politiques qui visent à maîtriser la propriété du sol mais aussi à une pratique de convention de gestion avec les propriétaires.

Cette compétence a été reconnue aux collectivités locale par la loi de décentralisation du 7 janvier 1983 puis confirmée en 1995.

Deuxièmement, les maires sont confrontés à deux contraintes antagonistes :

Satisfaire des besoins d’urbanisation : ces besoins peuvent être spontanés, conséquences d’une augmentation de population, ou encouragés par l’Etat au travers de l’octroi aux communes de dotations assises sur la population. Les maires sont naturellement encouragés à augmenter par divers moyens la population de leur commune. Ainsi la dotation globale de fonctionnement a longtemps uniquement été basée sur la population. Un nouveau critère, celui de la superficie de la commune, a été instauré. Sa part relative reste encore cependant minoritaire. Il résulte de ce dispositif des impacts quantitatifs extrêmement lourds puisque sur la période 1992-2003, les surfaces urbanisées ont augmenté de 35 000 hectares par an, avec un rapport de 1 à 24 entre les superficies urbanisées respectivement consacrées à l’habitat collectif et à l’habitat individuel. Les surfaces consacrées à l’habitat individuel ont augmenté de 24 % en 11 ans tandis que les surfaces consacrées à l’habitat collectif ne progressaient dans le même temps que de 16 % et la population de 4 %. Cela s’est traduit finalement par une dispersion, un étalement urbain extrêmement important qui nourrit le deuxième élément du dilemme du maire :

Faire face aux préoccupations environnementales. Ce sont des préoccupations de plusieurs natures. Trois me paraissent toutefois plus prégnantes que les autres.

  • la protection des espaces naturels qui est une ardente obligation pour les collectivités.

  • L’économie d’énergie fossile, la lutte contre les gaz à effet de serre qui implique de lutter contre l’étalement urbain et permettre ainsi des villes qui soient des villes de « courte distance ». Car effectivement, l’étalement urbain est producteur d’une série de pollutions.

  • la préservation de la qualité de l’eau et en particulier la qualité des captages.

Les outils existent. De façon un peu provocatrice, je dirai que le maire n’a pas une boîte à outils à disposition, il a un véritable atelier et notamment des éléments de dispositifs réglementaires sur bon nombre de matières : arrêtés de Biotope, espaces boisés classés, parcs nationaux, zones humides, réserves naturelles volontaires…

Il dispose également de protections conventionnelles, par acquisition foncière comme l’expropriation, les droits de préemption urbains (soit directement soit par l’intermédiaire par exemple du conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres). Bref il y a un véritable fourmillement d’outils à la disposition des élus locaux. Ces outils sont complétés également par des outils de planification. Je voudrais dire quelques mots sur les schémas de cohérence territoriales (SCoT).

Ce sont des outils nouveaux de la loi SRU. Ils sont intéressants car ils permettent un équilibre entre les impératifs de renouvellement urbain et la nécessité de maîtriser et de maintenir les activités agricoles. Ces schémas de cohérence territoriales, par hypothèse couvrent un espace vaste porté par un syndicat mixte qui permet d’avoir un bassin de réflexions et conception qui dépasse largement les communes.

Pour leur part, les plans locaux d’urbanisme (PLU) définissent au sein d’une commune l’organisation en général du territoire avec la nécessité de mettre en place un plan d’aménagement et développement durable, PADD. Là encore, c’est un effort d’approche conceptuelle sur l’aménagement de nos territoires.

Se développe également un outil intéressant : le programme local de l’habitat, le PLH. Il est désormais organisé au niveau de l’intercommunalité. Il dépasse l’horizon des seules communes et définit une politique de l’habitat à l’échelle d’un bassin pertinent. Il s’agit donc d’un des rares outils qui permette d’éviter l’étalement urbain dont sont trop souvent victimes nos villes.

Toute une autre série d’outils existent avec les zones d’aménagement différé, les zones d’aménagement concerté, les zones d’agricultures protégées, j’en passe…

D’autres opérateurs existent en dehors des communes avec les SAFER pour les zones rurales, avec un outil nouveau complété récemment il y a deux ans par la loi de finances, qui est l’établissement public foncier local avec la levée d’un impôt sur l’habitant qui permet de financer les actions de maîtrise foncière sur un territoire.

Bref, il y a donc toute une série d’outils.

Pour autant, cette multiplicité d’outils n’est-elle pas un indice sérieux et concordant de leurs difficultés de mise en œuvre ?

C’est probablement la raison pour laquelle les communes, au niveau de chacun de leurs territoires, utilisent des outils encore plus adaptés.

Je pense en particulier aux outils partenariaux et conventionnels.

Je voudrais à partir de l’exemple de ma propre commune vous décrire deux pratiques :

  • la première est celle d’une zone de protection des captages d’eau potable. Nous avons sur 270 hectares organisé avec les agriculteurs sans outil juridique particulier, uniquement par convention, la protection de ces puits de captage sur 270 hectares. Le message adressé aux agriculteurs avec l’interface de la Chambre d’Agriculture a été de dire que la ville, qui gère l’eau en régie directe, était prête à les indemniser en contrepartie de l’effort qu’ils consentiraient à s’engager dans des pratiques culturales raisonnée et raisonnable sur leurs parcelles. La collectivité a financé en amont des pratiques culturales consistant à limiter les intrants, pesticides et nitrates mais aussi à éviter les épandages de lisiers.
    Cette politique est menée depuis 1992. Elle a déjà démontré son efficacité.
     
  • la seconde relève d’une politique de maîtrise foncière sur les bassins créateurs de crue. Les terrains peuvent néanmoins être exploités en dehors des périodes de crues. Ce dispositif a permis de façon partenariale de trouver très vite des solutions.

Il y a , Mesdames et Messieurs, de nouvelles mesures législatives qui apparaissent :

La loi « engagement national pour le logement » va permettre d’augmenter le coefficient d’occupation des sols pour les zones déficitaires en logements.

Dans le cadre de la réactualisation du Plan Climat, j’ai proposé au nom de l’Association des Maires de France de modifier le code de l’urbanisme pour permettre aux collectivités d’imposer sous certaines conditions une densité minimale, dans les ScoT et dans les PLU

Voilà ce qu’on peut dire rapidement.

Je terminerai mon propos en précisant la nécessité d’une approche cohérente et globale, menée dans la durée. Toutes ces politiques prennent du temps. Il faut également une approche qui soit conduite avec volonté. Je suis convaincu que travailler dans la durée, travailler de façon cohérente et globale, injecter dans une action beaucoup de volonté, Mesdames et Messieurs, n’est-ce pas tout simplement la définition au sens fort et noble du terme de la politique ?

Merci.

La présidente Ann Louise Strong remercie le Président Pélissard.

Référence : BW8086
Date : 26 Juin 2006
Auteur : Jacques Pélissard, président de l'AMF


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