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Sécurité et prévention de la délinquance : code de bonne conduite dans la circulation de l’information entre les maires et le ministère public.

Conjointement élaboré par la chancellerie et l’AMF, ce document précise, en les illustrant par des exemples concrets, les trois principes de « solidarité, délicatesse et prudence » qui doivent présider aux relations entre les maires et les procureurs de la République, au nom d’une éthique partagée, fondée sur le respect des missions de chacun et la compréhension de ses sujétions. Il est adressé à tous les maires (janvier 2005) et aux procureurs généraux et procureurs de la République.

On en trouvera ci après le texte complet,  présenté simplement. La brochure publiée par le ministère de la Justice est accessible au format .PDF en cliquant sur son intitulé dans le cadre de droite.

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L’institutionnalisation du rôle des maires dans les politiques locales de sécurité et de prévention impose que les conditions de coopération avec la Justice bénéficient de pratiques harmonisées sur l’ensemble du territoire national. Si le lien de confiance entre les partenaires est une exigence première, celui-ci ne doit pas simplement reposer sur des relations personnalisées, par nature aléatoires et fragilisées selon les circonstances, notamment les changements de personnes: mutations professionnelles, élections...

Lors du 85° congrès de l’Association des Maires de France, tenu en novembre 2002, le garde des Sceaux avait annoncé la constitution d’un groupe de travail, composé de maires et de magistrats du ministère public, afin d’améliorer les conditions de circulation de l’information entre les maires et l’institution judiciaire. Un an plus tard, plusieurs propositions, émanant du groupe de travail, ont été adoptées et rapidement mises en oeuvre par le Ministre.

La loi du 9 mars 2004 a introduit un nouvel article L.2211-2 dans le code général des collectivités territoriales afin que les parquets puissent répondre, en toute sécurité juridique, aux besoins d’informations légitimes des maires. Désormais, le procureur de la République peut porter à leur connaissance les éléments de nature judiciaire dont la transmission paraît nécessaire à l’accomplissement des missions de prévention, d’accompagnement et de suivi social ; en contrepartie les maires sont à leur tour liés par un devoir de confidentialité.

Pragmatique et équilibrée, cette réforme importante ne saurait pourtant résoudre ou prévenir toutes les difficultés possibles. Au-delà des règles juridiques, les rapports entre l’institution judiciaire et les maires doivent aussi relever d’une éthique partagée, fondée sur le respect des missions de chacun et la compréhension de ses sujétions.

L’élaboration d’un code de bonne conduite est donc apparu nécessaire pour accompagner cette réforme législative et en garantir une application efficace et équilibrée. L’instauration de principes communs, dépassant les contingences locales, constitue ainsi une nécessité dont la portée doit être bien comprise.

Il ne s’agit aucunement d’édicter des règles rigides qui compromettraient la souplesse requise par la pratique partenariale. L’objet de ce code de bonne conduite, conjointement élaboré par la chancellerie et l’Association des Maires de France, est d’énoncer ou rappeler quelques principes essentiels, complémentaires de la loi, afin de favoriser l’adoption de pratiques relatives à l’information répondant aux exigences de réciprocité et de sécurité.

A cette fin, trois grands principes paraissent devoir présider aux relations entre les maires et les procureurs de la République :

  • le principe de solidarité (I),
  • le principe de délicatesse (II),
  • le principe de prudence (III).

I. Faciliter les missions du partenaire : le principe de solidarité.

- privilégier une acception large de la notion d’information utile,

IDÉE GÉNÉRALE :

Les maires et les procureurs de la République détiennent des informations dont le partage peut être utile compte tenu des missions exercées par chacun.

Parfois ce partage est interdit par les règles du secret professionnel ou subordonné à des conditions précises.

Au-delà de ces données juridiquement protégées, certaines informations sont d’une utilité manifeste, notamment pour apprécier l’impact d’un événement sur l’ordre public compte tenu du contexte d’un quartier ou de la forte réactivité de la population. Il convient donc d’avoir une approche pragmatique et concrète de cet intérêt dans le cadre d’une procédure d’alerte mutuelle.

ILLUSTRATIONS :

- à la charge du maire,

Le maire porte à la connaissance du procureur de la République l’état de tension exceptionnelle d’un quartier lorsque celui-ci paraît davantage résulter de la répétition d’actes de petite délinquance que de faits intrinsèquement graves. Cette information est d’autant plus opportune qu’elle permet au parquet, dans l’exercice de l’action publique, une appréciation éclairée et concrète de la notion de “trouble à l’ordre public”.

Le maire peut également alerter le parquet de la situation particulière d’une personne, y compris s’il s’agit d’un mineur, dont le comportement crée des difficultés pour la population.

L’usage de l’écrit doit être recommandé pour permettre, le cas échéant, l’exploitation de ces éléments de contexte dans le cadre d’une procédure judiciaire particulière.

- à la charge du procureur de la République,

Le parquet alerte le maire, dans le respect du secret des enquêtes et de l’instruction, des risques liés à la programmation d’une opération de police comme des contrôles d’identité ou toute autre action susceptible de produire un effet sur l’ordre public local.

Cette information permet au maire d’anticiper certaines interrogations de la part des administrés et même d’adapter aux circonstances l’emploi de services comme la police municipale.

- encourager une méthode d’information contractuelle et pragmatique,

IDÉE GÉNÉRALE :

L’aléa des événements graves ou susceptibles de répercussions sur l’ordre public local peut justifier la mise en oeuvre d’une procédure d’urgence indépendante des organes traditionnels d’échanges et coopération. Trop souvent, l’improvisation est source de difficultés faute de pouvoir joindre “le bon interlocuteur”.

Le maire et le procureur de la République doivent donc prévenir celles-ci par l’établissement d’un “protocole” prévoyant les cas d’alerte ainsi que les modalités concrètes de sa mise en oeuvre: celui-ci doit anticiper et limiter les sollicitations et permettre de surmonter toute difficulté, y compris matérielle.

ILLUSTRATIONS :

- à la charge du maire,

Le parquet peut, dans la conduite de l’action publique, avoir besoin d’informations en urgence, y compris le week-end, notamment pour vérifier la réalité d’une situation individuelle dans le cadre d’une affaire pénale.

Un dispositif spécifique peut être mise en place au sein des mairies pour répondre, autant que possible, à ce besoin concret.

- à la charge du procureur de la République,

Le maire peut souhaiter être informé de certaines infractions commises sur la voie publique ou dans un commerce, par exemple un vol à main armé, ainsi que de leurs conséquences judiciaires: il doit pouvoir obtenir les informations utiles auprès du parquet, le cas échéant, du magistrat référent, et selon les modalités mises en place par le procureur de la République.
 

II. Ne pas mettre en difficulté le partenaire : le principe de délicatesse.

- la rétention dommageable d’informations,

IDÉE GÉNÉRALE :

Dans l’exercice de leurs missions respectives, le maire et le procureur de la République sont souvent interpellés sur des affaires particulières qu’ils sont censés connaître.

Chacun doit faire en sorte que son partenaire ne se retrouve pas démuni d’une information sensible face à ces sollicitations.

ILLUSTRATIONS :

- à la charge du maire,

Les magistrats du parquet sont souvent sollicités par les élus pour participer à des rencontres ou réunions avec des citoyens, des associations et organismes locaux (HLM, commerçants). En pareille hypothèse, il est nécessaire d’informer le procureur de la République des sujets sensibles susceptibles d’être “en débat”, y compris les affaires particulières, afin de pouvoir préparer utilement des éléments de réponse adaptés et pertinents.

- à la charge du procureur de la République,

Lorsqu’un fait pénal trouble l’ordre public local, le procureur de la République doit transmettre au maire les éléments objectifs susceptibles de répondre aux attentes et interrogations des citoyens, comme le permet d’ailleurs l’article 11 alinéa 3 du code de procédure pénale: interpellations, défèrements, dates de convocation en justice...

En cas d’affaire exceptionnellement grave, et lorsqu’il envisage de tenir une conférence de presse, le procureur de la République en avise le maire et l’informe des éléments spécifiques à l’affaire.

- la prise à partie,

IDÉE GÉNÉRALE :

Aucun des partenaires ne doit prendre à témoin l’opinion publique en cas de conflit qu’ils doivent au contraire contribuer à apaiser.

Si le procureur de la République est par définition soumis à une obligation de réserve, il relève de la responsabilité du maire de faire preuve de mesure et d’esprit constructif dans le commentaire médiatique des décisions de justice.

ILLUSTRATIONS :

- à la charge du maire,

Si le maire envisage d’exprimer publiquement son incompréhension face à une décision de justice, il est souhaitable qu’il en avise préalablement le procureur de la République afin de pouvoir recevoir de celui-ci tous les éléments juridiques et factuels permettant de bien percevoir la portée de cette décision et ses éléments constitutifs.

Par ailleurs, la remise en question d’une décision juridictionnelle ne peut se faire que dans le cadre des voies de recours prévues par la loi. Certaines informations spécifiques, transmises par le maire au procureur, peuvent être utiles pour apprécier l’opportunité, le cas échéant, d’interjeter appel dans les délais requis.

- à la charge du procureur de la République,

Les critiques susceptibles d’être adressées par le procureur de la République au maire peuvent concerner le manque d’engagement de la commune dans la mobilisation des moyens en faveur de la sécurité et de la prévention de la délinquance: postes de travail d’intérêt général, de travail non rémunéré et de mesures de réparation offerts, moyens de la police municipale, hébergement d’urgence, traitement de l’absentéisme scolaire...

Ces observations doivent être formulées dans une instance adaptée (formation restreinte de CLSPD, entretien bilatéral) avant d’être exprimées, le cas échéant, dans un cadre élargi (assemblée plénière de CLSPD, conférence publique...)

- la considération de la légitimité institutionnelle de chacun,

IDÉE GÉNÉRALE :

Dans l’exercice de ses missions, chacun doit respecter la légitimité institutionnelle de son partenaire. Cette exigence réciproque implique une attention particulière, en terme d’informations, lorsque le partenaire fait l’objet d’attaques injustes voire illégales.

ILLUSTRATIONS :

- à la charge du maire,

Lorsque la perception d’une décision de justice par la population risque de troubler l’ordre public ou laisse craindre une mise en cause publique de l’institution judiciaire, le maire doit en informer le procureur de la République et faire usage des éléments en sa possession pour tenter d’apaiser les tensions.

- à la charge du procureur de la République,

Lorsque le maire ou un élu ont été victimes, es qualité, d’une infraction, le procureur de la République doit tout particulièrement veiller à la rapidité et la qualité de l’information sur les suites judiciaires apportées.


III. Utiliser à bon escient l’information du partenaire : le principe de prudence.

- prévenir tout détournement de l’information,

IDÉE GÉNÉRALE :

La communication d’une information, de portée générale ou individuelle, poursuit toujours un objectif précis, lié à l’exercice des missions de son destinataire. Même non soumises au secret professionnel, certaines données sensibles doivent être considérées comme confidentielles et ne pas être utilisées à d’autres fins que celles initialement envisagées.

ILLUSTRATIONS :

- à la charge du maire,

Les chiffres descriptifs de la délinquance relatifs à un quartier ou traduisant la mobilité de certains phénomènes de délinquance collectifs (les bandes) peuvent être utilement communiqués à l’élu pour le mettre en mesure d’engager ou de cordonner des actions de prévention, à l’échelle communale ou intercommunale.

En aucun cas, ces données ne doivent servir à “stigmatiser” un territoire ou une population donnée.

Cette exigence est particulièrement forte s’agissant de données individuelles pour lesquelles la loi impose une obligation de secret professionnel, pénalement punissable: par exemple, l’information d’une sortie de prison, portée à la connaissance du maire pour favoriser des actions de réinsertion, et exploitée à d’autres fins (refus d’un logement social, d’une inscription scolaire...)

- à la charge du procureur de la République,

Hors les cas légaux de signalement (article 40 du code de procédure pénale et article 375 du code civil), le maire peut transmettre au parquet des informations relatives au suivi social d’une famille ou d’un jeune dans le but de faciliter la mise en oeuvre d’actions socio-éducatives liées à une mesure judiciaire. Ces éléments ne peuvent être utilisés “à charge” dans le cadre d’un procès pénal et doivent essentiellement servir à faciliter cette prise en charge. 

- respecter des normes d’interprétation,

IDÉE GÉNÉRALE :

Certaines notions ou données, notamment statistiques, doivent être utilisées ou interprétées selon des éléments de contexte ou une méthode comparative. Il convient d’éviter un usage “brut” de celles-ci qui pourrait présenter une signification partielle voire erronée.

ILLUSTRATIONS :

- à la charge du maire,

Lorsque, dans une affaire pénale particulière, une mesure de garde à vue est levée, cela ne signifie pas pour autant qu’aucune suite judiciaire n’est engagée.

De la même manière, il n’est pas acceptable de réduire le taux de réponse pénale aux seules incarcérations ou même au nombre d’individus poursuivis devant les juridictions répressives, l’éventail des réponses pénales étant plus large: alternatives aux poursuites, composition pénale...Le maire doit saisir toute la mesure et la portée de ces données et les exploiter vis à vis de ses administrés, le cas échéant, avec rigueur et discernement.

- à la charge du procureur de la République,

Toute communication sur les chiffres de la délinquance ou le traitement judiciaire de celle-ci pour un territoire déterminé mérite d’être accompagnée d’éléments de comparaison afin de permettre une appréciation éclairée.

Il relève également de sa responsabilité d’expliciter “les chiffres de la justice” et de montrer, le cas échéant, les besoins de l’institution judiciaire, notamment en ce qui concerne les réponses alternatives: postes de TIG, de TNR, de mesures de réparation...


SYNTHÈSE : une formule générale de bonne conduite

D’une manière générale, l’exercice du droit à l’information ne saurait être abusif et doit toujours procéder de besoins raisonnables: fondamentalement, c’est la bonne foi et la recherche d’efficacité qui doivent être au centre de l’échange des informations.

“Les maires et les procureurs de la République doivent mutuellement s’échanger les informations utiles à l’exercice de leurs missions dès lors que ce partage respecte les conditions de la loi. Cette exigence réciproque, dictée par un impératif de solidarité institutionnelle, doit être mise en oeuvre avec toute la délicatesse et la prudence que suppose une coopération efficace et de bonne foi”.

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Mots-clés : justice ; procureur de la republique ; maire ; prevention de la delinquance ; securite publique ; information ; procedure

Pour aller plus loin
Référence : BW7059
Date : 30 Déc 2004
Auteur : AMF ; ministère de la Justice


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