« Quel urbanisme après la loi Élan » du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ?
o-présidé par Pierre Jarlier, maire de Saint-Flour (Cantal), président de Saint-Flour communauté, président de la commission Aménagement et urbanisme de l’AMF, et Pierre Ducout, maire de Cestas (Gironde), président de la communauté de communes Jalle Eau Bourde, rapporteur de cette même commission, le forum dédié à l’urbanisme et l’aménagement, qui s’est tenu le 19 novembre au 102e Congrès des maires, s’inscrit dans l’actualité . « La loi Élan n’a qu’un an : c’est un peu court pour un bilan », a prévenu d’emblée Vincent Le Grand, maître de conférence en droit public à l’université Caen-Normandie, conseiller municipal et membre du Gridhau (Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat). En effet, certains décrets d’application manquent encore à l’appel, tout comme deux ordonnances essentielles –attendues au printemps –sur la hiérarchie des normes en matière d’urbanisme, et sur la modernisation des schémas de cohérence territoriale (Scot).
La question serait plutôt, selon l’enseignant-chercheur, celle de l’évolution du droit de l’urbanisme – « oscillographe de la politique » – depuis la loi SRU du 13 décembre 2000, qui marque un vrai tournant. « Auparavant, le droit accompagnait l’expansion urbaine. La focale a changé : la lutte contre l’étalement urbain revient au premier plan ». Des alternatives à la consommation foncière, telles que la réhabilitation et la densification, sont désormais prônées. De même, la lutte contre la vacance des bâtiments est devenue une priorité du gouvernement. Un champ nouveau s’ouvre ainsi avec la reprise en main des secteurs déjà urbanisés, à travers, notamment, la réhabilitation des « espaces en friche ».
Objectif « zéro artificialisation nette »
« Où et comment construire ? » était le thème de la première table ronde du forum. Si la loi Elan était une « loi de tempérament » plutôt en faveur de la construction, l’arrivée du « zéro artificialisation nette » (ZAN) – visant à préserver les espaces naturels, agricoles et forestiers – est devenu un mantra dans les préfectures depuis la publication de l’instruction du 29 juillet 2019 relative à l’engagement de l’Etat en faveur d’une gestion économe de l’espace (1) qui traduit « un changement de méthode », estime l’universitaire. Autrement dit, une « logique administrative descendante », qu’ont déjà pu expérimenter certains élus locaux, à l’instar de David Nicolas, maire d’Avranches (Manche) et président de la communauté d'agglomération Mont-Saint-Michel Normandie, pour qui l’instruction du 29 juillet « a tourné la tête de tous les maires ». Après avoir organisé une large concertation dans le cadre de l’élaboration de trois PLUi, prévu une « charte de bocage » pour compenser les espaces urbanisés, le préfet a délivré un avis défavorable sur l’un des trois documents. Une « mauvaise surprise » qui a un coût, évalué par l’élu à 800 000 euros, sans compter l’ingénierie déployée par ses services.
Isabelle Kerkhof, maire de Coudekerque-Village (Nord) a également fait les frais de cette nouvelle orientation, dont l’objectif louable nécessiterait selon elle plus de pédagogie et d’échanges entre les acteurs. « Trouvez-moi une pâture, et cela ira », lui aurait répondu la Direction départementale des territoires au vu du document d’urbanisme présenté. Résultat : « On a perdu deux ans et 100 000 euros », résume-t-elle. « Les préfets ont peur de ne pas en faire assez, commente Pierre Ducout. Tous les maires sont pour la compensation environnementale, mais il faut trouver un juste équilibre », et respecter le principe de proportionnalité fixé par le droit de l’environnement lui-même.