FORUM (Salle de la Citoyenneté) - Mercredi 20 novembre 2019 - 10h00 à 12h30

L’Etat doit soutenir les collectivités et leur laisser la liberté d’agir

Les élus souhaitent un réel engagement de l’Etat et soulignent la nécessité de mutualiser les actions pour promouvoir l’offre touristique et s’adapter aux nouvelles pratiques.

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o-présidé par Laurent Peyrondet, maire de Lacanau (33), président de l’office de tourisme Médoc Atlantique et membre du Comité Directeur de l’AMF, et Pierre-Alain Roiron, maire de Langeais (37), rapporteur de la commission Tourisme de l’AMF, le Forum a démontré à la fois des difficultés d’exercice de cette compétence notamment du fait du désengagement de l’État mais aussi le dynamisme des territoires dans ce domaine, après la réforme introduite par la loi NOTRe de 2015. Alors que le « tourisme » est un domaine de compétence partagée entre les régions, les départements, les communes et leurs groupements, la loi a réorganisé son exercice en encourageant la mutualisation des moyens et services. Aussi, l’exercice des compétences « promotion du tourisme » et « création, aménagement, gestion et entretien des zones touristiques » est désormais obligatoire pour les EPCI, depuis le 1er janvier 2017. 
Les élus présents ont quasi unanimement souligné le retrait plus ou moins fort de l’État. Or, a rappelé Pierre-Alain Roiron, « les enjeux touristiques en France sont des plus importants car il s’agit aussi de participer aux enjeux de développement économique local comme aux enjeux environnementaux, patrimoniaux et culturels ». Il convient du reste de s’interroger sur l’absence d’un ministère dédié à la politique touristique, a noté Laurent Peyrondet, maire de Lacanau, dans un contexte où la France est, avec 89,4 millions de visiteurs étrangers en 2018, la première destination touristique mondiale. S’il existe une agence de développement touristique - Atout-France -, cela ne suffit pas à offrir un appui concret aux territoires selon les élus. L’enjeu est pourtant de taille : « le tourisme est une ressource conséquente pour l’économie française et représente à lui seul 8 % du PIB et près de 3 millions d’emplois », a précisé Philippe Sueur, maire d’Enghien-les-Bains (95) et président de l’Association nationale des élus des territoires touristiques (ANETT). 

Effort financier insuffisant de l’Etat

Émilie Bonnivard, députée de la Savoie, rapporteure spécial du budget tourisme au sein de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, a estimé que « les efforts de l’État ne sont pas suffisants. La politique nationale en matière de tourisme n’est pas clairement définie », la France se laissant selon elle « porter » d’une certaine manière par sa première place au niveau mondial sans s’inquiéter de pouvoir potentiellement la perdre... Alors que dans les années 50, l’État était « stratège et bâtisseur », « l’État est dorénavant en mode « ski nautique » et se laisse tirer par les collectivités, les acteurs privés. Il n’investit pas suffisamment », selon elle. Certes, la Banque des territoires et BPI France ont un budget de 15 milliards d’euros mais ce budget est jugé insuffisant par les élus pour accompagner les territoires. 

A ces difficultés s’ajoute de manière de plus en plus prégnante, la problématique de l’hôtellerie : « chaque semaine, des hôtels ferment », a alerté Émilie Bonnivard. Il faudrait donc pouvoir rapidement « lutter contre le délitement de l’offre d’hébergement ». La députée appelle l’État à se saisir de cette question, afin de soutenir et de moderniser l’accueil hôtelier. 

Laurent PEYRONDET, maire de Lacanau (33), président de l’office de tourisme Médoc Atlantique et membre du Comité Directeur de l’AMF 33.

Pierre-Alain ROIRON, maire de Langeais (37), rapporteur de la commission Tourisme de l’AMF.

Renforcer le partenariat entre les acteurs touristiques 

Laurent Hénart, maire de Nancy (54) et président de la commission Tourisme de l’AMF, a évoqué les travaux et réflexions en cours des élus pour « recomposer un paysage d’accompagnement des communes sur la promotion touristique ». Quels que soient les territoires, il faut que soit reposé « un cadre clair qui permettrait de cofinancer les projets structurants où, d’ailleurs les régions montent déjà clairement en puissance ». La coopération entre l’AMF et Régions de France est donc à développer, a-t-il estimé. Pour le maire de Nancy, l’enjeu est aussi de resituer le rôle des collectivités avec tous les partenaires de la filière, pour « qu’ensemble, la profession se transforme, se restructure, réfléchisse aux pratiques, réponde mieux aux attentes et à l’accueil des touristes, travaille à la formation professionnelle, aux standards, aux labels, aux normes et certifications, etc. », a-t-il résumé en soulignant la forte attente des élus en la matière. La revitalisation des centres- villes et centres-bourgs en dépend : un accueil bien structuré et une plus grande fréquentation touristique sont de très bons leviers pour plus de dynamique et aider à la transformation des commerces et services, ont convenus les élus. Laurent Hénart a ainsi précisé qu’« être inscrit au patrimoine mondiale par l’Unesco est une charge mais aussi une chance pour valoriser en permanence la ville et ses alentours (irriguant les Vosges, les stations thermales) tout en mettant en avant le local et l’authenticité, forte demande des visiteurs »

Mutualiser les actions

Concernant l’accueil et l’information des touristes, l’exemple de la commune d’Aime-la-Plagne (73) a illustré l’intérêt d’une ingénierie mutualisée entre communes. « Un seul office du tourisme pour trois communes, c’est une vraie force et une dynamique positive de développement pour tous les acteurs et répondre aux attentes des touristes », a expliqué le maire, Corine Maironi-Gonthier. Pour faciliter le parcours client, La Plagne vient de développer une « agence de voyage en ligne » qui propose la réservation de tous les services (transport, logement, locations de matériels, etc.). « Pourquoi Atout-France ne mutualiserait pas une telle expérience pour la mettre au service d’autres collectivités… ? Pourquoi la SNCF n’est pas en mesure de proposer des réservations de trains sur une période de plus de trois mois, sans parler de la disparition des trains de nuit ? », s’est demandée l’élue. 

Lydie Demené, maire de Port-des-Barques (17), commune touristique classée, a souligné la nécessité pour sa commune de « toujours chercher de l’aide y compris financières ». Car sans l’ingénierie et les financements apportés par la communauté d'agglomération Rochefort Océan, le département de la Charente et le soutien du réseau de l’ANETT, l’élue estime qu’elle n’aurait pas réussi à développer avec succès son projet de développement de l’accès à « l’île Madame » et le dispositif des pass découvertes et des pass nature.

Le poids du numérique

Laurent Hénart, comme les autres élus présents, a souligné que la promotion touristique de sa commune est désormais liée au développement du numérique et des réseaux sociaux. Mais qui dit internet, dit ouverture à l’international, et donc investissement sur des sites multi-langues et des services dédiés en interne ou externe aux communes. Pour le maire de Nancy, « le numérique peut être une contrainte mais ça ne doit pas être une menace ». « Plus on communique et plus on a de retours », a souligné Corine Maironi-Gonthier en conseillant aux collectivités de lire et d’analyser les retours qui sont faits sur internet afin de s’améliorer.

De nouvelles mesures pour les communes touristiques et stations classées

De nouvelles mesures ont été votées dans le cadre de la discussion du projet de loi « Engagement et proximité » concernant les communes touristiques et les stations classées. Les principales mesures portent sur l’exercice des compétences. Ainsi, et sauf avis contraire de la commission mixte paritaire prévue le 11 décembre prochain, les communes touristiques érigées en stations classées de tourisme pourront « décider, par délibération et après avis de l’organe délibérant de la communauté de communes (ou d’agglomération), de conserver ou de retrouver l’exercice de la compétence promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme ». Il en est de même pour les communes touristiques non classées, à la différence que si elles veulent retrouver la compétence « promotion et création d’offices », elles devront obtenir l’accord de l’EPCI par délibérations concordantes. Il est également prévu que le classement en communes touristiques relève dorénavant d’un arrêté de l’autorité administrative compétente et non plus d’un décret. 

En conclusion, Pierre-Alain Roiron rappelle que le tourisme des villes est une manière d’«offrir du bonheur » aux gens. Cela porte nécessairement conséquence sur la dynamique que les offices vont développer : renouveler les animations, mettre en avant les acteurs locaux, etc. « Une des vraies questions que les élus doivent se poser, c’est comment mieux accueillir les touristes. Des progrès ont été faits. Et des marges de progression sont encore possibles quel que soit le territoire ». Laurent Peyrondet a souligné la nécessité de « cultiver l’authenticité française, et d’offrir du bien-être, du confort, du lien social… », et plus globalement de « repenser la politique nationale et locale du tourisme » pour répondre de tous les enjeux évoqués lors de ce Forum.

Florence MASSON