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« Assouplissement » du non-cumul des mandats : va-t-on vers un retour des députés-maires ?

« Renforcer l’ancrage territorial des parlementaires ». C’est l’objectif affiché par les députés du groupe Horizons à l’Assemblée nationale, qui ont déposé, le 22 janvier, une proposition de loi organique visant à desserrer un peu les règles de la loi du 14 février 2014, qui a mis fin à la possibilité de cumuler un mandat exécutif local avec un mandat de parlementaire. 

La proposition de loi 

Pour les députés signataires de ce texte, « la fracture entre les élus nationaux et les citoyens s’aggrave année après année », et la « méfiance », voire la « défiance » s’est installée vis-à-vis des députés. Les députés Horizons reconnaissent, certes, de nombreuses conséquences favorables de la loi de 2014 : dégager plus de temps aux parlementaires pour se consacrer à leur mandat, renouveler la classe politique, « féminiser la représentation nationale ». Mais pour autant, cette réforme « n’a pas comblé le déficit de proximité entre les élus nationaux et leurs électeurs », et les députés apparaissent trop souvent « coupés du terrain ». N’étant plus chargés, comme les anciens députés-maires, d’exécuter eux-mêmes les mesures qu’ils ont votées, les députés sont, poursuivent les signataires du texte, frappés d’une forme de « déresponsabilisation » dans la détermination de la loi. 

C’est pourquoi ces députés proposent de revenir en partie sur la loi de 2014. Mais pas pour rétablir la possibilité d’être député ou sénateur et maire : l’article unique de la proposition de loi dispose qu’il serait à nouveau possible de cumuler un mandat national avec un mandat exécutif local, « à l’exception des fonctions de maire et de président de conseils départementaux ou régionaux ». 

Concrètement, il est proposé que le mandat de député ou de sénateur soit compatible avec celui de président d'EPCI, d'adjoint au maire, de vice-président de département, de région ou d'EPCI. En précisant que le député ou le sénateur ne pourrait « cumuler plus d'une fonction exécutive locale ».

La gauche vent debout

Ce texte va être examiné aujourd’hui et mercredi prochain en commission des lois de l’Assemblée nationale. L’examen des 48 amendements déposés sur ce texte permet de connaître la position des différents groupes politiques sur cette thématique, et promet des débats enflammés : ces positions vont de la demande de suppression pure et simple de la loi de 2014 à la demande de suppression de la proposition de loi Horizons. 

Du côté des partisans du statu quo, on trouve sans surprise les députés socialistes – à l’origine de la loi de 2014. Ils ont déposé plusieurs amendements de suppression de l’article unique de la proposition de loi. Le groupe socialiste « affirme son attachement à la loi de 2014 qui a interdit le cumul des mandats » et « s'opposera à toute régression en ce domaine » – les mots étant d’ailleurs assez durs pour le texte des députés Horizons, qualifié comme « frappé au coin de la mauvaise foi ». 

Les députés France insoumise sont sur la même position et « s’opposent fermement » au rétablissement d’une forme de cumul des mandats, qu’ils qualifient de « régression anti-démocratique injustifiée », la loi de 2014 ayant permis de « lutter contre la constitution de barons locaux ». LFI veut même durcir la loi de 2014 : un amendement de Raquel Garrido propose d’interdire aux députés et sénateurs d’être conseillers régionaux ou départementaux. 

Le groupe EELV (écologistes) partage le même rejet de cette proposition.

Une majorité de groupes pour le retour des députés-maires

Une position radicalement différente est exprimée par au moins une députée du groupe Renaissance (Naïma Moutchou, Val-d’Oise). Celle-ci propose en fait tout simplement de supprimer l’article LO141-1 du Code électoral, c’est-à-dire d’abroger la loi du 14 février 2014. 

S’ils sont moins radicaux, plusieurs députés Renaissance et MoDem proposent eux aussi de revenir en grande partie sur la loi de 2014 : un amendement signé par une dizaine d’entre eux propose de permettre à nouveau aux maires d’être députés ou sénateurs, ainsi qu’aux présidents d’EPCI, afin d’apporter aux deux chambres « des expertises de terrain, un ancrage plus fort, un cumul d’expériences issues de l’exercice de responsabilités locales ». 

Côté Républicains, on semble également plutôt favorable à cette option : le groupe a déposé une batterie d’amendements visant à permettre aux maires de retrouver les bancs de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Fabien Di Filippo propose de rétablir le cumul pour tous les maires, maires d’arrondissement, maires délégués et adjoints au maire. Et de nombreux amendements de repli déposés par les LR suggèrent différents seuils : autoriser le cumul pour les maires des communes de moins de 50 000 habitants, ou de 45 000, 40 000, 35 000, etc. Le seuil le plus bas est proposé par le député Pierre Morel-À-L’Huissier, qui propose aux seuls maires des communes de moins de 3 500 habitants de pouvoir également être élus parlementaires. 

Enfin, le RN est également favorable à l’abolition du non-cumul pour les maires, sans seuil, comme l’indique l’amendement déposé par Marie-France Lorho, du Vaucluse. 

Signalons enfin que des députés souhaitent profiter de ce débat pour graver dans le marbre de la loi l’interdiction de continuer à exercer un mandat exécutif local pour les ministres. Il ne s’agit que d’une « pratique », explique ainsi Pierre Morel-À-L’Huissier, « loin d’être strictement respectée ». « Il incompréhensible pour les citoyens de voir qu’on interdit à un député d’être maire, mais qu’on laisse un ministre continuer à exercer ces fonctions. »

La ministre favorable à un assouplissement

Le fait que les groupes Renaissance, MoDem, LR et RN souhaitent tous, d’une façon ou d’une autre, rétablir la possibilité pour tout ou partie des maires de redevenir députés ou sénateurs laisse à penser qu’une telle mesure peut être adoptée à l’Assemblée nationale. 

Quant au gouvernement, il ne semble pas du tout fermé à cette possibilité. Dans l’interview qu’elle a donnée hier au Figaro, la ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, dit « personnellement souhaiter un assouplissement de la loi », tout en avouant que sa réflexion « n’est pas aboutie » sur les contours de cet assouplissement. Elle s’en remet donc à « la sagesse » du Parlement, tout en estimant que cette proposition de loi arrive « un peu tôt » : la ministre aurait préféré qu’elle soit débattue après la remise des conclusions de la mission confiée à Éric Woerth sur la décentralisation. 

Le texte sera examiné en commission aujourd'hui et mercredi prochain, ce qui donnera une première indication sur la tournure que prendront les débats. Mais il semble loin d’être impossible, au vu des rapports de force, que ce débat aboutisse au retour des députés-maires et des sénateurs-maires. 


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Référence : BW42140
Date : 6 Mars 2024
Auteur : Maire-Info


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