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Karine Gloanec Maurin : « La ruralité nécessite plus que jamais une attention particulière »

Nouveau zonage France ruralités revitalisation, fermetures de classes ou activités culturelles en milieu rural. Karine Gloanec Maurin, co-présidente de la commission des communes et territoires ruraux de l’AMF, plaide pour ne pas créer de nouvelles iniquités territoriales. La présidente de la communauté de communes des Collines du Perche (CCCP, Loir-et-Cher, 12 communes pour 6500 habitants), et première adjointe au maire de Couëtron au Perche, demande une attention particulière sur la ruralité. Cette ancienne inspectrice générale des affaires culturelles au ministère de la Culture, et experte en la matière, estime que « vivre à la campagne ne veut pas dire de faire de la sous-culture ».

Le nouveau zonage France ruralités revitalisation (FRR)* va faire sortir des communes anciennement classées ZRR. Quelle réponse faut-il apporter ?

L’AMF estime que près de 2000 communes classées jusqu’à présent ZRR pourraient sortir du nouveau dispositif à partir du 1er juillet prochain. Nous demandons un moratoire pour celles classées rattrapables qui le demandent, comme cela été décidé dans plusieurs départements dont la Saône-et-Loire. Sur ce sujet, il y a toujours eu une forte mobilisation de l’AMF pour le maintien des zonages et l’amélioration de la qualification. Nous avons notamment obtenu que ne soit pas retenue la première mouture de la révision du dispositif ZRR qui excluait les toutes petites communes des intercommunalités XXL qui répondaient pourtant aux critères FRR.

Sur le nouveau zonage FRR, il y a un système de rattrapage à la main des préfets comme dans mon département où le préfet affirme vouloir tenter de rattraper toutes les communes sorties du dispositif. Il faut vraiment éviter de créer des iniquités territoriales. A minima, des adaptations doivent permettre aux entreprises ou aux médecins installés depuis peu de ne pas perdre le bénéfice des mesures d’accompagnement.

L’AMF est en première ligne depuis le début en constatant notamment que le critère intercommunal n’était pas forcément le plus judicieux. Il faut éviter de trop grands décalages entre communes sinon les maires se découragent et les extrêmes en profitent pour se présenter comme une solution. La ruralité nécessite plus que jamais une attention particulière.

La nouvelle carte scolaire s’annonce avec de nombreuses fermetures de classes. Comment réagissez-vous ?

L’éducation est affichée par le gouvernement comme une priorité mais il continue de baisser les effectifs d’enseignants. Une situation souvent désespérante pour les élus comme les enseignants. Il n’est plus possible d’avoir pour seul critère le nombre d’élèves par classe. Lors d’une réunion récente à l’AMF avec des associations départementales de maires, il a été demandé que l’Etat cesse de fonctionner uniquement avec une calculette. Il doit prendre en compte la spécificité des territoires ruraux, avec notamment de nombreuses familles en difficulté. Il n’est pas acceptable d’uniformiser et de nous mettre au même niveau que les grandes villes.

Même si la démographie scolaire baisse, il faut mettre moins d’élèves devant un enseignant car ils en ont particulièrement besoin aujourd’hui. Nous devrions pouvoir raisonner sur la base de projets de territoire s'appuyant sur une énergie collective avec des élus qui s’engagent et prennent des risques. C’est mon cas avec le projet de construire un groupe scolaire. Je regrette que les conventions de ruralité s’arrêtent car elles permettaient une visibilité sur trois ans de la carte scolaire avec des effets plutôt positifs. Ma convention prend fin à la rentrée prochaine et la Dasen [directrice académique de l’Education nationale] propose déjà une fermeture de classe ! Les territoires ruraux ont la maturité d’adapter leurs projets d’écoles aux évolutions de la société.

Quelle est la situation dans votre communauté de communes ?

Ayant pris la compétence éducation, nous avons un projet de création d’un groupe scolaire, a priori pas avant 2027. Il comprendra 230 élèves avec en parallèle le maintien de deux autres écoles sur notre territoire regroupant 130 élèves. Pour ce nouvel équipement, nous sommes encore à la recherche de financements.

Que pensez-vous du « Printemps de la ruralité », lancé en début d’année pour désenclaver l’offre culturelle ?

J’ai trouvé formidable que le premier acte politique de la nouvelle ministre de la Culture soit de mettre l’accent sur la culture en milieu rural. Les politiques culturelles y ont autant d'importance qu’ailleurs et cette initiative honore ceux qui les mettent en place. On peut juste regretter qu’il n’y ait pas un euro supplémentaire. Quoi qu’il en soit, ces annonces font écho aux attentes des acteurs culturels ruraux qui ont toujours l’impression d’être le parent pauvre par rapport aux grandes institutions culturelles. Ils se sentent assimilés au folklore et à l’amateurisme, alors qu’il existe plein d’initiatives culturelles de qualité dans nos territoires. Mais il faut y croire et être tenace ! Vivre à la campagne ne veut pas dire de faire de la sous-culture.

Depuis des années, le ministère de la Culture se concentre trop sur l’aide aux grandes institutions parisiennes comme sur l’accompagnement et la professionnalisation des artistes, mais pas assez sur l’accès de tous à la culture. Cela doit pourtant faire partie de ses missions premières. Ce message doit être entendu par Rachida Dati avec des effets dans les territoires pour encourager les élus. Cela aidera notre société à retrouver de la cohésion.

Que propose votre intercommunalité ?

Nous avons une médiathèque très investie en faveur de la lecture publique, en particulier auprès des écoles. Chaque année, un salon du livre est porté par les enfants qui défendent leurs coups de cœur. Ayant un statut associatif, notre école de musique est reconnue en proposant des cours de musique et de chants par des professeurs diplômés. Mais elle ne dispose d’aucune aide ni de l’Etat ni des collectivités. Nous y consacrons un budget de 40 000 euros par an, ce qui est beaucoup pour nous. Malheureusement, nous devons refuser beaucoup de demandes. Je suis sans cesse à la recherche de financements. Mon prochain combat au niveau national va être de défendre les petites écoles de musique devant être accompagnées par l’Etat au même titre que les conservatoires de région.

Le patrimoine n’est pas oublié avec le site emblématique de la commanderie templière d’Arville qui accueille 20 000 visiteurs par an. Gérée par une association, elle est subventionnée par l’intercommunalité. Le lieu est associé à un grand gîte d’une centaine de lits accueillant de nombreuses classes de découverte, avec des aides de la Drac. Il va pouvoir être restauré grâce à des subventions du département et de la région (1,2 million d’euros) et j'espère que les 600 000 euros restants pourront bénéficier d’aides de l’Etat et de l’Europe (fonds Feder). Je vais me battre pour cela.

Vous disposez également d’une agence de développement culturel. Quelles sont ses missions ?

Créée il y a près de 25 ans, l’Échalier, notre agence de développement culturel, a une exigence de qualité et constitue pour nous une vraie fierté. Nous avons réussi à trouver les financements pour qu’elle soit dotée d’un permanent, en poste depuis plus de vingt ans. Sous statut associatif, elle s’est développée au fil des années avec parmi ses missions importantes l'accueil de résidences d’artistes, dans toutes les disciplines (danse, musique, théâtre, marionnettes). L’agence est ainsi labellisée « Atelier de fabrique artistique » par le ministère de la Culture. Cela a aussi permis la signature d’une convention entre la CCCP, le département, la région et le ministère. Au-delà, l’Échalier accompagne l’action culturelle sur notre territoire, en partenariat avec le service de la lecture publique, le centre national de la Marionnette de Vendôme ou les écoles, au travers de toutes sortes d’animations et d’événements.

Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry

 

*Le nouveau dispositif France ruralités revitalisation (FRR) regroupe les anciennes zones de revitalisation rurale (ZRR), les bassins d’emploi à redynamiser (BER) et les zones de revitalisation des commerces en milieu rural (Zorcomir). Issu de la loi de finances pour 2024, il sera applicable à compter du 1er juillet 2024

Référence : BW42159
Date : 22 Mars 2024
Auteur : AMF


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