Ce sont en particulier les résidus du pesticide appelé chlorothalonil qui ont attiré l’attention de l’Anses. Ce fongicide, interdit en Europe depuis 2019 et en France depuis 2020, a laissé des traces durables dans l’eau, puisque l’Anses en a retrouvé dans « plus d’un échantillon sur deux ».
L’étude menée par l’Anses – dont le rapport a été rendu public jeudi dernier – a consisté à rechercher 157 pesticides et « métabolites » (résidus) de ceux-ci, dans 300 prélèvements (deux tiers provenant d’eaux traitées d’origine souterraine et un tiers d’eaux traitées d’origine superficielle). Sur les 157 molécules recherchées, 89 ont été retrouvées « au moins une fois », à des taux plus ou moins importants. Sept substances sont présentes dans certains prélèvements « en dépassement de la limite de qualité de 0,1 µg/litre ».
Parmi les métabolites les plus fréquemment retrouvées, celle issue du chlorothalonil. Non seulement elle est présente dans plus de la moitié des échantillons mais, de surcroît, avec un dépassement de la limite de qualité dans un cas sur trois.
D’autre substances préoccupantes ont été retrouvées dans de nombreux échantillons, dont le métabolite du métolachlore – un herbicide extrêmement utilisé, que l’Anses a recommandé d’interdire avant que le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, sensible à la pression de la FNSEA, ne fasse marche arrière.
L’Anses a également trouvé des traces « infimes » de dioaxane, un solvant cancérogène, dans 8 % des échantillons.
Toutes ces substances sont potentiellement dangereuses pour la santé. Il faut néanmoins observer, quoi qu’on puisse entendre dans des analyses extrêmement alarmistes, que l’Anses elle-même se montre nuancée : toutes les substances ont été retrouvées « à des concentrations très inférieures aux valeurs sanitaires maximales ». À ce stade, les scientifiques n’ont jamais prouvé que le métabolite du chlorothalonil, par exemple, ait des effets sur la santé humaine aux taux constatés. Mais l’Anses souligne en même temps que les données sont encore « lacunaires ».
Reste que ces relevés de l’Anses pourraient avoir des conséquences très importantes pour les services d’eau et d’assainissement. Les résidus de chlorothalonil, notamment, les plus fréquemment retrouvés, pourraient conduire à la non-conformité d’une partie de l’eau potable en France, ce qui obligerait les services d’eau à traiter le problème en six ans maximum. Les services d’eau, comme l’écrit la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) dans un communiqué publié le 6 avril, n’ont donc « pas d’autre choix que d’engager des traitements curatifs ». Ce qui pourrait représenter une dépense de « plusieurs milliards d’euros à l’échelle nationale », et sera « sans doute technologiquement et économiquement quasi inaccessible pour les petites unités de production d’eau en espace rural, potentiellement les plus concernées ».
Ce qui pose, une fois de plus, la question de la non-application du principe pollueur-payeur. « Pourquoi les collectivités, et donc les consommateurs, devraient-ils payer le prix des erreurs des autres ? », s’interroge la FNCCR, pour qui « le fabricant du pesticide doit assumer ses responsabilités et contribuer au financement des actions de remédiation ».
La Fédération estime que ces découvertes de l’Anses « confirment la pertinence des demandes de la FNCCR » d’aller vers le « zéro phyto », « en priorité sur les aires d’alimentation de captage d’eau potable ». Elle demande que la filière agricole « soit soutenue dans cette évolution » et rappelle que les collectivités « peuvent jouer un rôle important dans cette transition en favorisant un marché local rémunérateur pour les agriculteurs, gagnant-gagnant sur le plan de la santé, de l'environnement et de l’économie locale ».
Le gouvernement n’envoie pas un signal allant dans ce sens en souhaitant devenir sur l’interdiction du métolachlore. C’est pourtant une décision que le ministre de l’Agriculture assume à 100 %, dans une tribune publiée sur Twitter il y a une dizaine de jours. Le ministre y affirme notamment que l’interdiction de ce pesticide provoquerait « une distorsion de concurrence avec nos voisins européens ».
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