Au lendemain de la Conférence nationale des territoires (CNT), nombre de questions restent posées sur ce qui a été annoncé par le président de la République et le Premier ministre, tant en matière de finances que de gouvernance et d’administration locale.
Les plus grandes interrogations tiennent aux déclarations d’Emmanuel Macron sur son « pari » : pas de baisse des dotations pour le moment, mais obligation pour les collectivités de faire 13 milliards d’euros d’économies ; avec la menace d’un couperet sur les dotations si les objectifs d’économies ne sont pas au rendez-vous. Beaucoup d’élus, au soir ou au lendemain de la Conférence, se sont montrés plus qu’étonnés de l’ampleur du chiffre. Il représente un effort encore supérieur à ce qui a été fait pendant le précédent quinquennat (10 milliards), alors que bien des maires disent – comme l’a fait Caroline Cayeux, maire de Beauvais et présidente de Villes de France lundi – qu’ils sont déjà « à l’os ». « Nous attendons maintenant que l’État nous indique les services à la population que nous devons supprimer », disait hier avec amertume un président de département.
Les questions sont légion : est-ce que les mêmes économies seront demandées à tous – communes riches et pauvres, territoires ruraux et urbains ? Y aura-t-il des seuils ? Comment les objectifs seront-ils fixés, et comment les résultats seront-ils mesurés et évalués ? Comment s’appliqueront les « sanctions » financières pour ceux qui n’atteignent pas les objectifs ? Un groupe de travail va être mis en place d’ici la prochaine CNT pour répondre à ces questions, a annoncé lundi le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, constitué de « trois ou quatre personnalités qualifiées », parmi lesquels pourrait se trouver Gilles Carrez, ancien maire du Perreux et ancien président du CFL.
Autre sujet sensible pour les élus : la couverture numérique. Le président a annoncé une couverture complète du territoire « en haut et très haut débit » avec deux ans d’avance sur le Plan France très haut débit (PTHD), c’est-à-dire dès 2020. Mais le diable se cache dans les détails, et l’on peut s’interroger sur cette expression « en haut et très haut débit ». En l’occurrence, peut-être que « l’accélération » du programme cache … une forme de recul : en effet, le PTHD prévoit la couverture de 100 % du territoire en 2022 en très haut débit, et en très haut débit uniquement. L’introduction du « haut débit », moins performant donc, dans le discours du président, a peu de chance d’être un lapsus ou une imprécision, Emmanuel Macron étant un vrai spécialiste de ces questions, très présentes dans la loi d’août 2015 qui porte son nom.
Interrogations aussi sur l’annonce de la création d’une Agence nationale de cohésion des territoires. Si la plupart des élus saluent cette décision, nombre de questions restent ouvertes, notamment sur les moyens financiers dont bénéficiera cette agence – ce qui sera absolument déterminant pour son efficacité – ou sa gouvernance : quel poids auront les élus locaux à sa direction ? Sera-t-elle, comme l’Anru, présidée par un élu ? Reste que cette agence, dont le président a précisé qu’elle devra apporter un appui dans le domaine de l’ingénierie publique, pourra peut-être compenser tout ou partie de ce qui a été perdu au moment de la suppression de l’Atesat.Voire plus, puisque l'Atesat faisait surtout de l'assistance technique, quand la nouvelle agence pourrait faire de l'appui aux projets.
Chacun s’interroge aussi sur ce que Gérard Larcher, président du Sénat, a ironiquement appelé hier « la surprise du chef », à savoir la volonté annoncée du président de la République de diminuer le nombre des élus locaux. Lors du point presse des associations nationales d’élus locaux, lundi soir, André Laignel a d’emblée dit qu’il espérait que le président n’entendait pas « toucher » aux centaines de milliers « de conseillers municipaux bénévoles ». Même réaction de Gérard Larcher, pour qui « la trame des 550 000 élus locaux » est « la chance de la France ». Rappelons que, selon les chiffres de 2017 de la DGCL, il y a aujourd’hui en France 509 575 conseillers municipaux, 1910 conseillers régionaux et 4 108 conseillers départementaux.
Des réponses seront sans doute apportées à toutes ces questions d’ici à la prochaine CNT, qui aura lieu le 2 décembre.
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