Le président de l’AMF, François Baroin, accompagné de l’une des vice-présidentes de l’association Cécile Gallien, a été auditionné pour la première fois hier par la toute nouvelle Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale. L’occasion d’un dialogue nourri avec les parlementaires sur les grands chantiers législatifs à venir.
Cette délégation a été installée le 28 novembre dernier, et son installation répond à une demande de l’AMF, afin de faire face à une situation nouvelle : suite à l’application de la loi sur le non-cumul, pour la première fois, la nouvelle législature ne comprend plus un seul maire parmi les députés et les sénateurs… et à l’inverse, plus aucun maire n’est parlementaire. Dans ce contexte, il a semblé indispensable qu’à l’instar de ce qui existe au Sénat, une délégation de députés soit spécialement dédiée au dialogue avec les élus locaux.
François Baroin – premier responsable d’une association d’élus à être auditionné par la Délégation – s’est félicité de cette rencontre et a fait, en introduction, le tour des grands sujets législatifs des mois à venir. Avec au premier rang l’ouverture du débat sur la réforme constitutionnelle. L’un des « points saillants » de ce débat sera la question de l’autonomie et de la libre administration des collectivités territoriales. « On a un problème là-dessus », a clairement posé le maire de Troyes, qui a rappelé que le Conseil constitutionnel a fixé à 60,8 % de ressources propres le seuil d’autonomie financière des communes et EPCI. « On est aujourd’hui selon la Cour des comptes à 60,9 % », soit tout proche « d’une situation de dépendance », a souligné François Baroin. (Rappelons qu’en 2012, ce taux était de 65,5 %). « Nous dépendons trop, aujourd’hui, de flux financiers de l’État vers les collectivités », et la situation, note le président de l’AMF, va forcément s’aggraver avec la fin de la taxe d’habitation. Il s’est également inquiété de l’avis de décembre du Conseil constitutionnel sur la loi de finances, qui semble « fixer dans le temps le principe du dégrèvement ». « Je rappelle que le dégrèvement, cela revient à remplacer le contribuable local par le contribuable national », a martelé François Baroin.
Le maire de Troyes a rappelé la demande, toujours actuelle, de l’AMF – et du CFL – d’une loi de finances spécifique pour les collectivités territoriales. Plus tard, dans le débat avec les députés, il a précisé qu’il estimait qu’une telle loi pourrait être discutée chaque année en juillet au Parlement, qui consacrerait ainsi « une semaine » complète à discuter des rapports financiers entre l’État et les collectivités.
Sur la réforme constitutionnelle toujours, le président de l’AMF a rappelé l’hostilité de son association à une limitation du nombre de mandats dans le temps, estimant qu’on doit séparer la question des parlementaires de celle des chefs des exécutifs locaux : « C’est aux électeurs de décider » si un maire doit être réélu ou pas, selon François Baroin.
Cécile Gallien, maire de Vorey, est intervenue à la suite de François Baroin et a notamment soulevé le problème de la représentation des femmes dans les exécutifs locaux : « Il n’y a que 16 % de femmes maires, et avec les nouvelles intercommunalités, les femmes ont quasiment disparu des exécutifs intercommunaux. Il y a une attente énorme sur ce sujet. » Elle a appelé les députés de la délégation à coopérer avec le groupe de travail que l’AMF va mettre en place sur ce sujet.
La deuxième partie de l’audition a permis à tous les députés présents de questionner le président de l’AMF sur les sujets les plus divers : taxe d’habitation, communes nouvelles, rapports entre la commune et l’intercommunalité, « crise des vocations » chez les élus locaux… Il a notamment pu rappeler, dans ses réponses, que l’AMF souhaitait que la suppression de la taxe d’habitation permette au moins de « remettre à plat les valeurs locatives ». Sur les communes nouvelles, l’AMF n’est « pas favorable à l’inscription dans les temps des bonus de dotations garanties », et le maire de Troyes a rappelé que « l’esprit » de la loi Pélissard-Pires Beaune sur les communes nouvelles n’était pas financier, mais « de permettre aux territoires de s’organiser différemment ».
Sur la contractualisation entre l’État et les grandes collectivités, et la limitation des dépenses de fonctionnement en général, François Baroin a rappelé les très fortes réserves de l’AMF : « La toise à 1,2 % [d’augmentation des dépenses de fonctionnement] est beaucoup trop basse. Le minimum devrait être à 1,9, voire 2 ou 2,1 %. ». Il a appelé les députés à faire le bilan de cette question lors de la prochaine discussion sur le budget : « C’est aux parlementaires de résister. »
La question des dotations a évidemment été abordée, le président de l’AMF rappelant que certes, «il n’y a pas eu de baisse de la DGF cette année, mais qu’il y a beaucoup moins d’argent pour les territoires », prenant l’exemple, d’actualité, de la diminution du budget des Agences de l’eau.
Des membres de la délégation ont également abordé la question de la l’ingénierie territoriale, amenant François Baroin à s’exprimer sur la future Agence nationale des territoires voulue par le gouvernement. Rappelant que l’idée émanait initialement de l’AMF, il a souligné qu’à l’origine, ce que voulait l’association, c’était « une Anru pour le monde rural », avec un principe simple : « Pour chaque euro dépensé pour la ville, il faut dépenser un euro pour la campagne. » Il n’est pas sûr que l’Agence des territoires qui sortira des cartons du gouvernement correspondra à ce vœu.
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