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Service public de la petite enfance : « une avancée mais qui nécessite de vrais moyens », selon Clotilde Robin

La loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi crée le service public de la petite enfance (SPPE). A compter du 1er janvier 2025, les communes le mettront en œuvre en devenant autorités organisatrices de l’offre d’accueil. Si tous les élus s’accordent sur la nécessité de cette nouvelle compétence obligatoire, des questions demeurent sur les conditions de sa mise en place. Satisfaite d’avoir déjà obtenu plusieurs avancées, l’AMF continue de réclamer des clarifications financières et une simplicité d'application. Clotilde Robin, première adjointe au maire de Roanne (Loire), vice-président de Roannais Agglomération en charge des actions sociales et coprésidente du groupe de travail « petite enfance » de l’AMF, insiste également sur la nécessité d’une offre de qualité comme d’un vrai plan « métiers » avec une meilleure reconnaissance des professionnels de la petite enfance. 

La création d’un service public de la petite enfance constitue-t-elle une avancée ?

Oui car il existe aujourd’hui de grosses iniquités territoriales pour des raisons financières, organisationnelles, politiques… S’ajoutent à cela des pénuries variables de personnels ou des territoires plus défavorisés comme en outre-mer. Nous étions favorable au principe d’autorité organisatrice confiée aux communes et à leur groupement, considérant qu’il s’agissait d’une reconnaissance du rôle aujourd’hui joué par le bloc communal en matière de petite enfance. Mais à la condition de disposer du temps nécessaire pour la préparer afin que les communes et les intercommunalités aient les moyens de pleinement l’exercer. L’AMF demande que les décrets d’application ne soient pas plus compliqués que la loi. Dans l’idéal, ils devraient prendre la forme d’un vade-mecum pour faciliter et fluidifier l’organisation de la compétence.

Que demandez-vous pour l’exercice de cette nouvelle compétence ?

Il va y avoir de nouvelles obligations pour les communes et les EPCI. Pour ces derniers, il faudra savoir si la compétence doit ou non être intégrale et suivie d’une redéfinition de l’intérêt communautaire. La mise en place de la compétence exigera plus de moyens. Régulièrement, nous interpellons la Cnaf [Caisse nationale des allocations familiales] et nos Caf locales pour exprimer nos besoins de nouveaux équipements et de sécurisation de l’offre existante. Il nous faut un soutien financier pour proposer une offre de qualité, mettre en place des relais petite enfance lorsqu’il n’y en a pas ou encore déployer de nouvelles missions consécutives à la prise de compétence.

Ce soutien est également indispensable pour sécuriser des structures parfois très fragiles, qu’elles soient en gestion directe ou associative, et soutenues par les collectivités à coup de rallonges budgétaires. En 2024, beaucoup de structures nous annoncent des budgets déficitaires à cause de l’impact de la hausse des coûts de l’énergie, des denrées alimentaires ou des revalorisations salariales. Plutôt que des effets d’annonces sur le déploiement de 200 000 nouvelles places – nous n’en sommes pas encore là ! –, nous préférons disposer d’aides concrètes.

Plus que de nouvelles places vous mettez en avant le besoin de réorganiser l’offre existante. Pourquoi ?

Il faut de la méthode pour prendre en compte ce qui existe déjà au niveau local et disposer d’une meilleure organisation. Ce travail démarre par un diagnostic de territoire qui peut s’appuyer sur des documents cadres comme les CTG [conventions territoriales globales] ou les ABS [analyses des besoins sociaux]. Après, en fonction de la démographie, des mobilités géographiques, de l’emploi, du télétravail ou encore de l'organisation des familles, un schéma de développement de la petite enfance sera mis en place pour connaître les besoins dans les 10-15 ans à venir. Il permettra par exemple de savoir s’il faut ou non de l'itinérance et des petites structures. Cette démarche montre qu’il ne faut pas systématiquement de nouvelles places mais avant tout d’une réorganisation et d’une restructuration de l’offre existante.

Les financements annoncés sont-ils au rendez-vous ?

Durant les discussions sur le projet de loi, le gouvernement avait annoncé des chiffres sur les moyens nécessaires – six milliards d’euros de la Cnaf – mais sans préciser la répartition des financements sur du déploiement ou de l’existant. Nous attendons encore des précisions.

Les élus locaux demandent avant tout d’être accompagnés sur le fonctionnement sachant leurs grandes difficultés compte tenu de budgets très contraints. Même si l’investissement demeure parfois compliqué, surtout pour les petites communes, il reste plus facile car certaines subventions existent encore notamment de la part de départements.

Pour les nouvelles missions qui seront dévolues aux communes, nous sommes très inquiets du contexte actuel de réduction des budgets de l’Etat face aux déficits publics. Par exemple, dans les territoires sans relais petite enfance, il va falloir en ouvrir. Tout cela aura un impact financier.

Quelle est la part d’intercommunalités gérant la compétence petite enfance ?

Il n’y a pas de chiffres sur cette prise de compétence mais je pense que la part doit se situer entre 20 et 30%. Elle se développe de plus en plus, notamment car les Caf locales ont beaucoup incité les communes à signer leurs CTG à l’échelon intercommunal même si l’AMF leur avait demandé de laisser les élus locaux libres de s’organiser comme ils le souhaitent pour leur politique sociale.

Pourquoi avez-vous fait ce choix à Roannais Agglomération ?

Cela s’est fait assez naturellement car toutes les compétences sociales étaient remontées à l’intercommunalité lors de sa création en 2012. Notre territoire rural, organisé autour d’une ville-centre, bénéficie ainsi d’un meilleur maillage de structures petite enfance, d’une bonne qualité de service et de services support. Je pense notamment à un contrôleur de gestion de l’agglomération ayant pu apporter son aide aux structures en difficulté financière.

L’intercommunalité permet de fédérer, de fonctionner en transversalité, d’accompagner à la professionnalisation des assistantes maternelles ou encore de travailler sur des temps d’accueil collectifs délocalisés. Nous faisons aussi beaucoup de mutualisation de personnels.

Par quoi doit passer une offre de qualité ?

L’accueil de la petite enfance a changé. Aujourd’hui, le travail des professionnels s’est beaucoup développé avec une prise en charge plus globale, allant du soutien à la parentalité à l'accompagnement de la famille en passant par le développement psychomoteur de l’enfant. Il faut donc des formations dignes de ce nom mais aussi davantage de personnels car nous demandons des taux d'encadrement maintenus. A ce sujet, l’AMF a été la seule à avoir émis une grande réserve au décret proposé par le gouvernement à l’été 2023 sur l’emploi sous conditions de personnels non qualifiés par les établissements d'accueil des jeunes enfants. Passant par de la formation et de la qualification, la qualité de l’accueil est indispensable.

Comment améliorer l’attractivité des métiers de la petite enfance ?

Même si cela reste encore insuffisant, des choses ont déjà été faites comme des revalorisations salariales, des conventions associatives renégociées ou des hausses du point d’indice. Ces différentes mesures nécessitent des compensations pour les collectivités. En revanche, rien n’a bougé sur le plan de formation que nous continuons d’appeler de nos vœux. Nous le redirons à la ministre Catherine Vautrin quand nous la verrons. Les filières de formation restent organisées en tuyaux d’orgue, ce qui empêche une carrière dans la petite enfance en passant d’une filière à une autre. Par exemple, quand on est Atsem, il est n’est pas possible de devenir auxiliaire de puériculture puis de travailler dans une crèche. Cela est vraiment regrettable.

Difficiles et souffrant d’un manque de reconnaissance, les métiers de la petite enfance méritent d'être professionnalisés et reconnus comme un vrai secteur car ils contribuent à la prévention et apportent un soutien essentiel à la parentalité et à l’éveil des enfants.

Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry

 

 

Référence : BW42178
Date : 5 Avr 2024
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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