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Forte opposition des Français à la mise en place des ZFE

Une consultation du Sénat, ayant reçu plus de 50 000 réponses – un record, révèle un rejet sans appel des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) par 86% des particuliers et 79% des professionnels. Seulement 8% des habitants de communes rurales sont favorables au dispositif contre 23 % de ceux résidant au centre-ville d’une métropole. Par ailleurs, près de la moitié des Français pointent une « mise en œuvre trop rapide des restrictions de circulation ». Le principal obstacle à l’acceptabilité est le coût jugé trop élevé des véhicules propres. Au-delà de la quarantaine d’auditions effectuées, la mission d’information sénatoriale sur les ZFE-m tiendra compte de ces résultats dans son rapport qu’elle doit remettre mi-juin.

Onze métropoles déjà concernées et trente autres agglomérations à compter du 1er janvier 2025. Le sujet très sensible des ZFE-m suscite une inquiétude des habitants (quand ils sont au courant), des professionnels et des élus locaux. En ligne de mire : un dispositif très complexe et des restrictions progressives de circulation risquant de transformer les ZFE-m en zones d’exclusion des plus précaires et des ruraux. Pour tenter d’éteindre l’incendie, le gouvernement a lancé une concertation qui doit rendre ses conclusions d’ici cet été.

Un rejet massif

De son côté, le Sénat a créé, le 8 mars, une mission d’information sur l’acceptabilité des ZFE-m. Son rapporteur, Philippe Tabarot, sénateur (LR) des Alpes-Maritimes, rappelle les mises en garde du Sénat lors de l’examen de la future loi « Climat ». La mission pointe ainsi le manque de communication et de pédagogie sur le dispositif, l’insuffisance de l’offre alternative aux véhicules thermiques, le risque de creusement des inégalités sociales et territoriales, l’absence de moyens de contrôle. « Autant d’angles morts qui cristallisent les tensions et font de cette mesure une "bombe sociale à retardement" », prévient la mission.

Pour prendre le pouls des Français sur le dispositif, elle a mené, du 17 avril au 14 mai, une consultation en ligne. Résultat : 51 346 réponses, soit un record inédit, qui proviennent surtout des particuliers (93% des réponses contre 7% des professionnels). 48% des répondants particuliers habitent dans une métropole et 52% dans une commune péri-urbaine ou rurale.

Le rejet des ZFE-m est sans appel : 86% des particuliers (79% des professionnels) se disent opposés à leur déploiement dont 69% « tout à fait opposés ».

Fractures territoriales

« La forte participation démontre les fortes inquiétudes sur le déploiement des ZFE-m », a constaté Philippe Tabarot, le 25 mai, lors de la présentation des résultats. Tout en précisant bien qu’il ne s’agit pas d’un sondage représentatif de la population mais d’une consultation. Il rappelle aussi que le dispositif créé par la loi « LOM » de 2019 vise avant tout à améliorer la qualité de l’air, qui est « un impératif de santé publique compte tenu des plus de 40 000 morts par an et des trois condamnations de l’Etat ».

Plus un répondant réside loin du centre de l’agglomération, plus il est défavorable à la mise en place de la ZFE-m. Ainsi, seulement 8% des répondants ruraux (12% de ceux des communes péri-urbaines) approuvent le dispositif contre 23% de ceux résidant au centre-ville de la métropole, ce qui reste tout de même très minoritaire ! Dans les commentaires remontés lors de la consultation, les répondants qualifient notamment les ZFE-m de mesures « anti-banlieusardes » ou « anti-provinciales ».

Creusement des inégalités sociales

Par ailleurs, les étudiants (28%) et les cadres (25%) sont plus favorables au dispositif que la moyenne (14 %). En revanche, les artisans et commerçants (15%), les employés (11 %), les retraités (7%) et les ouvriers (4 %) le sont beaucoup moins. Mais ces différences n’empêchent pas un rejet largement majoritaire du dispositif par l’ensemble des catégories socio-professionnelles.

Dans les inquiétudes exprimées, certains commentaires évoquent clairement un risque de creusement des inégalités sociales : « une mesure technocratique créant une rupture d’égalité d’accès au centre de ville selon que vous soyez aisé ou non », « une exclusion sociale pure », « une discrimination flagrante entre les citoyens ; ceux qui ont les moyens de suivre et les autres » ; « un sentiment d’injustice »...

Coût trop élevé des véhicules propres

La consultation souligne aussi les principaux obstacles à l’acceptabilité des ZFE-m. Arrive largement en tête le coût trop élevé des véhicules propres (77% et 58% des professionnels). 83% d’entre eux (93% des ruraux) affirment ne pas avoir d’alternative à la voiture individuelle. Conséquence : 83% n’envisagent pas de changer de véhicule du fait de la mise en place de la ZFE-m. « C’est un échec pour l’une des premières finalités du dispositif », constate Philippe Tabarot. Concernant les professionnels, 70% d’entre eux jugent insuffisantes les aides pour acquérir un véhicule propre.

Dans les autres obstacles à l’acceptabilité figurent l’accessibilité insuffisante de la métropole depuis les zones péri-urbaines et rurales (51%), la mise en œuvre trop rapide des restrictions de circulation (47% et 36% des professionnels), le manque de pertinence du classement Crit’air (47% et 29%). L’insuffisance de l’offre de transports en commun n’arrive qu’en 5ème position (42%).

Desserrer les délais 

Le rapport de mission d’information devant être rendu mi-juin, Philippe Tabarot ne veut pas encore formuler de propositions. Il concède juste qu’il faudra « probablement un peu desserrer les délais » de la mise en place des ZFE-m. « Quelles que soient leurs couleurs politiques, les métropoles les plus volontaristes ont déjà été obligées de revenir sur le calendrier », constate-t-il. Le sénateur pointe « la désynchronisation entre le calendrier d’application et les mesures alternatives aux véhicules polluants ».

Sur le casse-tête du contrôle des mesures de restriction, qui inquiètent en particulier les collectivités, il attend l’audition du ministre de l’Intérieur d’ici les prochains jours. Philippe Tabarot prévient déjà « qu’en l’absence de contrôle, les ZFE-m risquent de ne pas servir à grand-chose car la pédagogie ne suffira pas ». Enfin, il reconnaît que la question de l’harmonisation des règles entre les différentes ZFE-m se pose « pour favoriser l’acceptabilité ».

L’AMF rappelle, quant à elle, « la nécessité d’une concertation et d’une recherche d’équilibre entre les territoires afin d’éviter les fractures et les disparités sociales et demande plus de souplesse et de liberté pour les territoires. La mise en œuvre des ZFE ne pourra se faire sans un accompagnement technique et financier des communes et intercommunalités dans les campagnes de communication pour améliorer l’acceptabilité du dispositif auprès des populations concernées ».

 

Philippe Pottiée-Sperry

 

 

 

 

 

Référence : BW41726
Date : 26 Mai 2023
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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