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Finances intercommunales, coopérer avec les communes pour mieux agir au service de la transition écologique

Des besoins d’investissement sur la transition écologique qui explosent mais un recul du soutien de l’Etat. Face à ce dilemme apparemment insoluble, un forum du congrès des maires a pu apporter certaines réponses au-delà des seuls constats. En plus de la nécessité plus que jamais pour les communes et les EPCI « de faire bloc », il faut un Etat donnant plus de liberté aux collectivités et jouant pleinement son rôle de conseil, des aides financières stables et pérennes, une révision des règles comptables, la prise en compte de dépenses « vertueuses », une ingénierie renforcée… Par ailleurs, l’outil des pactes financiers et fiscaux reste essentiel avec notamment des fonds de concours permettant de soutenir les projets écologiques des communes.

« Je vis le premier mandat à l’issue duquel mes concitoyens me demanderont des comptes sur ce que j’ai fait ou pas en faveur de la transition écologique ». Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette (91) et coprésident de la commission Transition écologique de l’AMF, ne cache pas la pression sur cette « grande cause nationale ». Avec Stéphanie Guiraud-Chaumeil, maire d’Albi (81), présidente de la communauté d’agglomération de l’Albigeois et coprésidente de la commission Intercommunalité de l’AMF, il coprésidait le Forum « Finances intercommunales, coopérer avec les communes pour mieux agir au service de la transition écologique » qui s’est tenu le 20 novembre durant le congrès des maires.

« Depuis plusieurs années, les maires ont accéléré en faisant des efforts extrêmement importants », souligne le maire de Bures-sur-Yvette. Et d’ajouter : « Rénover énergétiquement nos équipements publics, refaire l’éclairage public ou favoriser les mobilités douces en juste quelques années, jamais nous n’avons été confrontés à un tel défi dans un délai aussi court ».

« Un mur d’investissement » pour le bloc communal

L’urgence climatique est aussi celle de son financement. D’autant plus dans le contexte du projet de loi de finances (PLF), avec des restrictions budgétaires pour les collectivités s’élevant à 10 Md€, pour le moins défavorables à la transition écologique. Avec notamment la baisse du Fonds vert (-60%), du budget de l’Ademe (-35%) ou la réduction du taux du FCTVA. Bref, le pire contexte au moment où les besoins d’investissement s’envolent. Jean-François Vigier rappelle ici la dernière étude d’I4CE (Institut de l’économie pour le climat) les chiffrant pour les collectivités à 19 Md€ par an entre 2024 et 2030, soit 11 Md€ annuels supplémentaires, et cela aux deux tiers à la charge du bloc communal.

« C’est un mur d'investissements alors que nous avons déjà augmenté de plus de 40% nos efforts depuis 2017 », s’alarme le maire de Bures-sur-Yvette. Pas question pour autant de baisser les bras. Telle aura été la tonalité du forum. « Plus que jamais, communes et intercommunalités doivent faire bloc, insiste Stéphanie Guiraud-Chaumeil. Nous avons besoin de plus de solidarité et d’admettre que les EPCI constituent une chance pour les communes ». Estimant que la baisse des moyens pour les collectivités va s’étaler sur plusieurs années, la maire d’Albi appelle à « faire des choix ensemble et accepter qu’il n’y aura plus forcément des équipements dans chaque commune ». 

Dénonçant un gouvernement pour qui « la transition écologique n’est pas une priorité », et au-delà la France qui ne remplit pas les objectifs de l’accord de Paris de 2015, « même si heureusement, au niveau local, les collectivités font le job », Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen (76) et président de la métropole Rouen Normandie, pointe « la contradiction de l’Etat de nous demander d’investir massivement sur la transition écologique mais en même temps de ne pas faire de déficit et de ne pas dépasser un certain taux d’endettement ». Il pointe « l’absence de prise en compte des dépenses vertueuses ».

Pour sa part, Jean-François Vigier prône « une capacité fiscale supplémentaire pour les maires afin de pouvoir agir. Nous ne pouvons pas répondre à l’exigence écologique si seulement une partie de nos concitoyens, soumis à la taxe foncière, participent à l’effort de guerre ».

24 recommandations sénatoriales

« Il est possible d'engager des politiques de transition écologique. Beaucoup de communes et d’EPCI l’ont déjà fait ». Durant le forum, une note d’optimisme est venue de Guy Benarroche, sénateur des Bouches-du-Rhône, coauteur du rapport sénatorial « Engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité », publié en novembre 2023. Son objectif ? « Faire le point sur les démarches, les méthodes, ce qui a marché ou pas, pour en tirer un guide de bonnes pratiques et une boite à outils pour toutes les collectivités quelles que soient leurs tailles », répond-il. La mission a auditionné plus de 50 élus locaux et reçu une cinquantaine de contributions de collectivités.

Formulant 24 recommandations, le rapport constate des projets de transition écologique mis en place par la quasi-totalité des élus. « Nous avons aussi voulu être le porte-parole des réussites et des bonnes pratiques déjà menées », affirme Guy Benarroche qui plaide à présent pour « passer de la logique des pionniers à celle de la massification ».

Faire évoluer les règles budgétaires et comptables

Le sénateur plaide pour faire évoluer les règles budgétaires et comptables afin de les rendre plus favorables à la transition environnementale. Notamment pour alléger la section de fonctionnement des collectivités, pour permettre d’isoler une dette « verte » ou pour tenir compte des « coûts évités ». « La création d’un réseau de chaleur va générer des économies importantes avec donc un retour donc sur l’investissement public, illustre Nicolas Mayer-Rossignol. Il faut en tenir compte ».

Guy Benarroche souhaite aussi sortir les dépenses de transition écologique de l’encadrement des dépenses de fonctionnement. Autres préconisations : la révision des règles de participation minimale à un projet par la maîtrise d'ouvrage pour les communes aux moyens très faibles ; la coordination des financeurs pour les formats de demandes (un seul dossier), de calendriers d'instruction et d'arbitrage ; la simplification normative… Sans oublier des financements stables et pérennes de l’Etat et des autres opérateurs, même si la période actuelle prouve le contraire.

Par ailleurs, le rapport sénatorial propose d’adapter les règles pour faciliter les investissements à long terme des collectivités. Face à l’ampleur du chantier, la planche de salut passe-t-elle par la dette verte qui serait isolée ? Guy Benarroche milite dans ce sens en mettant en avant la capacité de désendettement du bloc communal. Un avis partagé par Jean-François Vigier pour qui « la dette verte permet de s’endetter sur une période plus longue pour tenir compte de l’importance de l’enjeu climatique ». Et d’ajouter qu’étant « vertueuse, elle devrait permettre d’avoir des taux plus bas ». Sur ce sujet de la dette verte, Stéphanie Guiraud-Chaumeil ne cache pas un certain scepticisme : « elle demeure de la dette qu’il faudra bien rembourser au bout d’un moment ».

Besoin d’un Etat facilitateur

« Nous n’arriverons pas à nous adapter au réchauffement climatique uniquement avec de l’argent public », lance Nicolas Mayer-Rossignol en plaidant pour mettre à contribution les entreprises, les associations et les citoyens. « Même insuffisante, notre démarche de COP 21, lancée en 2018 a permis de créer une dynamique en responsabilisant les uns et les autres », explique-t-il. Le maire de Rouen estime que « le rôle de l’Etat est de donner une vision et de soutenir les collectivités avec plus de décentralisation et de moyens mais aussi de faciliter la coordination avec les entreprises sur ces sujets ». Il soutient les propos du président de l’AMF qui appelle à « remplacer la bureaucratie par plus de démocratie ». Selon Nicolas Mayer-Rossignol, « la décentralisation permet plus de proximité mais aussi de mieux fédérer les acteurs locaux ».

« Le rapport sénatorial se veut aussi un outil à destination de l’Etat en reprenant les attentes des collectivités de ne pas être freinées par l’Etat, qu’il leur fasse confiance et d’arrêter les appels à projets », explique Guy Benarroche. « Il devrait se limiter à un rôle de stratège et d'accompagnement des collectivités », résume-t-il. Dans la salle, Sylvie Sculo, maire de Séné (56), constate que « les collectivités ont agi par conviction mais aussi car il s’agissait d’un cadre imposé par l’Etat ». « Il ne faut pas moins mais mieux d’Etat, embraye Jean-François Vigier. L’AMF demande que la feuille de route de la transition écologique ne soit pas verticale et s’adapte à la diversité des territoires. Il faut nous donner plus de liberté et de moyens ». Sur le même registre, Stéphanie Guiraud-Chaumeil demande plus de différenciation passant par « un contrat de confiance avec les préfets pour trouver des solutions locales qui correspondent aux besoins de nos communes et de nos EPCI ».

Indispensable solidarité intercommunale

Au sein du bloc communal, l’outil des pactes financiers et fiscaux reste majeur. Marie Ducamin, maire de Saint-Jacques-de-la-Lande et vice-présidente chargée des finances de Rennes Métropole, insiste sur le rôle clé de l’intercommunalité dans l’aide au financement et à l'ingénierie des projets de transition écologique portés par les communes. Son fonds de concours, dénommé Fonds métropolitain de transition écologique et de soutien à l'investissement communal, s’élève à pas moins de 22,5 M€ sur trois ans (2024-2026). « Facilement accessible, il propose un bonus sur les projets écologiques, souligne-t-elle. 171 projets communaux ont ainsi pu être soutenus entre 2019 et 2023 ». A cela s’ajoute une DSC (dotation de solidarité communautaire), parmi les plus élevées de France (70 € par habitant), qui atteint 36 M€ par an.

« Ces deux dispositifs pèsent sur nos finances mais nous espérons que le contexte financier ne nous obligera pas à devoir les baisser », affirme Marie Ducamin en reconnaissant que la période peut aussi obliger les départements et les régions à se désengager de certains dispositifs. La métropole de Rouen (71 communes dont 45 ont moins de 4500 habitants) met aussi le paquet avec son Fonds d’aide aux communes pour l’investissement local (FACIL), qui couvre la période 2021-2025 avec une enveloppe totale de 48 M€. « Le taux de subventionnement passe de 25 à 50% pour les projets communaux verts, souligne Nicolas Mayer-Rossignol. La démarche n’est pas très originale mais illustre l’intérêt de l’effet d’accélérateur de la coopération intercommunale. Face à l’urgence écologique, on ne peut plus se permettre les guéguerres communes/interco ».

S’appuyer sur le projet de territoire

Autre cas de figure : la communauté urbaine (CU) Limoges Métropole (87). « Nous n’avons pas opté pour un fonds de concours mais pour s’appuyer sur le projet de territoire, coconstruit avec les maires et voté à l’unanimité, qui nous sert de fil rouge tout au long du mandat », explique Guillaume Guerin, le président de CU. Très détaillé, le projet de territoire compte plus de 50 fiches actions dont de nombreuses concernent des projets de transition écologique ayant donc un statut intercommunal quand ils sont « vertueux ». « Pour que cela fonctionne, notre mode de gouvernance s’appuie sur la cogestion et la conférence des maires », explique l’élu.

Enfin, il existe aussi la solution de l’inter-territorialité comme le souligne Nicolas Mayer-Rossignol. « L’urgence climatique doit nous faire sortir des guerres de chapelles », lance-t-il. Et de citer l’exemple de la création, fin 2023, de la Sem Axe-Seine énergies renouvelables qui réunit les métropoles de Rouen et du Grand Paris, la ville de Paris et la CU Le Havre Seine Métropole. « C’est bon pour toutes les collectivités actionnaires de la Sem avec aussi un impact sur le rayonnement et l’attractivité économique du territoire qui montre qu’il s'adapte et s’engage », conclut-il.

Philippe Pottiée-Sperry

Retrouvez la vidéo du Forum « Finances intercommunales, coopérer avec les communes pour mieux agir au service de la transition écologique » qui s’est tenu le 20 novembre durant le congrès des maires

 

 

 

Référence : BW42418
Date : 25 Nov 2024
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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