Du simple au double. Comme l’an passé, la bataille des chiffres est relancée entre le gouvernement et les élus locaux, après la publication du projet de budget pour l’année 2026 qui prévoit une nouvelle contribution des collectivités avec, notamment, la multiplication par deux du « Dilico », un nouveau rabotage du Fonds vert et le gel de la DGF.
À l'issue de la présentation hier de ce budget devant le Comité des finances locales (CFL), la nouvelle ministre de l'Aménagement du territoire et de la décentralisation, Françoise Gatel, a ainsi évalué, pour l’an prochain, la participation des collectivités au redressement des comptes publics à hauteur de « 4,6 ou 4,7 milliards d'euros ».
« Nous sommes tous dans le même bateau », a fait valoir la ministre concernant ce « budget de redressement » qui nécessite, selon elle, « une solidarité financière » via « une contribution équitable et soutenable ». Elle n’a, toutefois, pas été en mesure de fournir le détail de son montant – qui comprend au moins les 2 milliards d’euros de ponction au titre du Dilico, cette « épargne forcée » mise en place depuis cette année.
Si l’effort imposé aux collectivités est donc considéré par le gouvernement inférieur aux 5,3 milliards d'euros initialement annoncés cet été par François Bayrou, il reste « plus de deux fois supérieur aux 2,2 milliards » adoptés dans le budget pour 2025, a critiqué dans la foulée le président du CFL, André Laignel.
Fustigeant une « purge massive » et une « recentralisation financière à l’œuvre », le maire d’Issoudun estime que l’addition est beaucoup plus salée. À ces « 4,6 ou 4,7 milliards d’euros », il faut ajouter, selon son propre calcul, les 1,4 milliard d’euros de hausse des cotisations de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) prévue en 2026, les 500 millions d’euros de rabotage du Fonds vert, la baisse de 700 millions d’euros des crédits de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) ainsi que les quelque 90 millions d’euros en moins sur les agences de l'eau.
Si cette liste n’est « pas encore exhaustive », la ponction culminerait déjà à « plus de 8 milliards d’euros » pour les collectivités, selon l’élu berrichon, alors même que ces dernières connaissent un « délitement de [leur] santé financière ».
L'Association des petites villes de France (APVF) va même plus loin en évaluant cet effort à « près de 10 milliards d’euros » si l’on comptabilise « les mesures qui touchent les collectivités d’Outre-mer, et d’autres missions budgétaires (cohésion des territoires, culture, sport…) ».
« Alors que l’État affronte une situation budgétaire dégradée, il semble vouloir entraîner avec lui les finances des villes et intercommunalités », a ainsi reproché Villes de France devant « une telle accumulation de mesures aussi défavorables ».
L’association qui rassemble les villes de 10 000 à 100 000 habitants condamne des « attaques d’une rare violence, qui fragilisent directement le service public de proximité et l’investissement local ». « Au lieu d’utiliser les collectivités comme un levier de relance de l’économie nationale, on leur affecte la tâche d’être des outils de la récession », s’est aussi désolé André Laignel.
« Malgré toutes ses déclarations sur la liberté locale et la volonté de partage des pouvoirs entre l'État et les collectivités, le Premier ministre présente le même budget que son prédécesseur François Bayrou, avec toujours autant de ponctions sur les collectivités pour alimenter les dépenses d'un État qui ne se réforme pas », a pour sa part dénoncé le président de l’AMF David Lisnard.
Sans surprise, l’un des points de tension majeur porte sur le nouveau dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités (Dilico), déjà instauré l’an passé et à travers lequel portera en grande partie l’effort des collectivités.
Outre le fait qu’il serait doublé (passant de 1 à 2 milliards d’euros) et étendu à davantage de collectivités (autour de 4 000 communes notamment, contre 1 900 en 2025), ce système – jugé « injuste, mal calibré et brutal » par l’APVF – « n’a plus rien à voir avec » sa version 2025 et s’est même « aggravé », selon le président du CFL.
Le gouvernement a, en effet, introduit de nouvelles modalités et conditions qui relèvent désormais « du même type de contraintes que les contrats de Cahors », a détaillé André Laignel. Notamment sur le remboursement des sommes prélevées aux collectivités.
D’abord, ce montant serait dorénavant reversé sur cinq ans et non plus sur trois, mais « surtout, il ne sera remboursé [à l'ensemble des contributeurs] que si, globalement, les dépenses sont inférieures à l’inflation pour l’ensemble des collectivités ». En d’autres termes, si l’évolution des dépenses excède l’inflation, « on ne remboursera rien [à personne et] il y aura une peine collective ». C’est « une méthode totalement inacceptable », a déploré le maire d’Issoudun, jugeant ce projet de budget « ravageur pour les collectivités et donc pour nos concitoyens ».
Le président du CFL a également pointé l’impact de ce budget sur les villes industrielles ou anciennement industrielles qui vont être touchées « de manière massive ».
En effet, la réduction de la compensation par l’État de l’abattement de 50 % applicable aux valeurs locatives des locaux industriels ainsi que la minoration des « variables d’ajustement » - telles que la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) - vont coûter 1,3 milliard d’euros à ces territoires.
Des territoires dont les populations sont « souvent modestes », a rappelé André Laignel. « Une fois de plus, on constate une volonté de faire des collectivités territoriales des sous-traitants maltraités de l’État », a dénoncé ce dernier, celui-ci appelant, « à titre personnel », à une censure du gouvernement si ce projet de budget n’évoluait pas.
La ministre de l’Aménagement du territoire a, toutefois, laissé entendre qu’il y avait des choses « discutables » durant l’examen du projet de loi, en rappelant que le gouvernement prévoit de « s'attaquer aux normes excessives ».
A. W. pour Maire-info, article publié le 16 octobre 2025.
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