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Budget 2026 : l'effort réclamé aux collectivités serait deux fois plus élevé qu'annoncé, selon le CFL

« Aujourd’hui, je suis proche des 10 milliards d’euros. » Après avoir « investigué » sur le plan présenté la semaine dernière par François Bayrou, le président du Comité des finances locales (CFL) a largement revu à la hausse le chiffrage de l'effort demandé aux collectivités en 2026. Il ne serait pas de 5,3 milliards d’euros, comme annoncé officiellement, mais quasiment le double, selon l’estimation d’André Laignel, qu’il a présentée hier.

Pour rappel, la contribution souhaitée par le gouvernement s’explique, en premier lieu, par la reconduction du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités (Dilico) instauré l’an passé, la fameuse « épargne forcée » qui cible quelque 2 000 collectivités. Il est ainsi prévu de la doubler en 2026, à hauteur de 2 milliards d’euros

Un quart de l’effort global

Pour parvenir aux fameux 5,3 milliards d’euros, l’exécutif compte aussi réduire la compensation des valeurs locatives cadastrales des locaux industriels (1,2 milliard d’euros), geler partiellement la TVA (700 millions d’euros) ou encore minorer un ensemble de dotations appelées « variables d’ajustement » (500 millions d’euros) et abaisser les dotations d'investissement (200 millions d’euros). Pour finir, il prévoit un versement différé du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) aux intercommunalités.

Seulement, il y aurait « des oublis » et « des mesures masquées », explique André Laignel. D’abord, « l'augmentation de la CNRACL [Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales] qui n'est pas dans ces 5,3 milliards ». Or cela représente « déjà 1,4 milliard en année pleine ».

« A cela s’ajoute toute une série de lignes budgétaires » qui ont été dévoilées dans le « tiré à part » du projet de budget pour 2026 (un document qui fixe les plafonds de dépenses des ministères retenus par l’exécutif), fait valoir le maire d’Issoudun : « Ce n’est pas encore tout à fait clair, mais on voit 900 millions d’euros en moins sur [le budget qui serait consacré à la mission] "Cohésion des territoires", 200 millions d’euros sur la mission "Outre-mer" ou encore 100 millions d’euros sur la mission "Collectivités territoriales". […] On pourrait aussi ajouter les 1,7 milliard de moins sur la mission "Insertion et égalité des chances" ».

« C’est la même culture de la dissimulation que l’on a connue en 2025 », déplore ainsi le président du CFL, qui vient de réévaluer la contribution des collectivités, pour cette année 2025, à 8,4 milliards d’euros (contre 2,2 milliards, selon l’Etat) en tenant compte, cette fois, des gels et annulations de crédits depuis le début de l’année

Pour 2026, la situation reste cependant « flou » puisqu’il « y a encore un tas de lignes où l’on ne sait pas quelle est la ponction : sur les crédits du sport, sur ceux de la culture, sur le Fonds vert… » Si le maire d’Issoudun ne peut encore « étayer » que quelque « 9 milliards » de « ponction » sur les collectivités, il affirme « qu'il y aura quelques centaines de millions qui viendront s'ajouter ». 

Résultat, il estime être « proche des 10 milliards d’euros ». Un chiffrage qui laisse penser que l’effort des collectivités en 2026 ne représenterait pas « 13 % de l’effort global », comme l’avance l’exécutif, mais bien plus « probablement » un quart de l’effort global inscrit dans le prochain budget. 

« Risque de récession » 

Sans compter les éventuelles suppressions d’agences de l’Etat - comme le Cerema ou l’ANCT, pourvoyeuses de moyens d’ingénierie pour les petites et moyennes communes - qui pourraient porter « un coup supplémentaire à la capacité des collectivités de faire face à la situation ».

Si ce projet de budget venait à se concrétiser, l’élu berrichon prévient que « la mobilisation [des élus locaux serait] puissante » à l’automne  afin d'endiguer cette véritable « saignée ». « Il n'y a plus que Monsieur Bayrou qui, depuis Molière, croit que c'est en pratiquant la saignée que l'on peut guérir le malade », ironise-t-il, moquant « une vision irrationnelle et antiscientifique puisqu’aujourd’hui il est démontré que la saignée aggrave la situation, plutôt que l’inverse ».

Ces ponctions feraient peser un « risque de récession dès la fin de l’année 2025 », selon lui. Et « si les choses restaient en l’état, ce ne serait plus une hypothèse, ce serait une certitude dès le premier trimestre 2026 au vu de ce qui nous a été présenté », assure l’élu, en rappelant que « les coupes claires faites sur les collectivités vont peser sur les investissements et vont impacter très lourdement un certain nombre de branches professionnelles, comme le BTP ».

Une « autre politique »

Pour ces raisons, il réitère son souhait, « à titre personnel », de voir l’Assemblée nationale « censurer » le gouvernement. « Je considère que ce qui nous est proposé pour 2026 est une telle atteinte à la libre administration des collectivités, qu’il y a un tel risque de récession pour notre pays, que cela légitime d’être refusé », justifie-t-il.

Assurant que ce n’est « pas seulement un problème comptable », André Laignel plaide pour « une autre politique ». « Aujourd’hui, le gouvernement cherche 40 milliards d’euros [pour réduire le déficit]. Mais ce n’est pas la dépense qui a dérivé, ce sont les recettes », soutient-il, comme une note récente de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) vient d’ailleurs de le confirmer. « Le coût des cadeaux fiscaux qui ont été faits sur le dos des collectivités [représente] 60 milliards lorsque vous cumulez la taxe d’habitation, la CVAE… Il y a donc d’autres politiques possibles [que cette] politique de gribouille », tacle le maire d’Issoudun.

L’élu a, par ailleurs, pointé la santé dégradée des finances locales et dressé un portrait plutôt sombre de la situation des départements. « Pour la première fois dans les budgets primitifs des départements, l'autofinancement net sera négatif » en 2025. En clair, « les départements ne seront, globalement, pas à l'équilibre à la fin de l'année si les budgets restaient en l'état ». Et si « la pression est moins forte » du côté du bloc communal, elle reste néanmoins « tout à fait importante ».

A. W pour Maire-info, article publié le 23 juillet 2025.


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Référence : BW42738
Date : 23 Juil 2025
Auteur : Maire-Info


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