Alors que le gouvernement menace de geler les concours financiers versés par l'État aux collectivités locales en 2026, le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel, a sévèrement rejeté, hier, l’idée de venir en aide à l’État afin de redresser les comptes publics. Pointant la situation dégradée des finances locales, le maire d’Issoudun est allé jusqu’à menacer de « ne plus payer » certaines dépenses imposées par l’État en cas de nouvelles ponctions.
Les collectivités ont « déjà beaucoup donné depuis 2014 », a assuré l’élu berrichon, lors d’une conférence consacrée à la présentation du pré-rapport annuel de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) – qu’il préside également – et durant laquelle il a évalué leur effort à « 80 milliards d’euros » depuis cette date. « Nous sommes dans une situation financière qui ne nous permet plus d’être rabotés », a-t-il affirmé.
« L'alerte est complète, problématique et concerne tous les niveaux de collectivités », « même si, selon les niveaux, les situations peuvent être contrastées », s’est désolé le président du CFL : « On a baissé nos ressources, ce qui nous a mécaniquement conduits à ponctionner nos trésoreries et à accentuer nos dettes ».
Dans un contexte inflationniste, leur épargne brute a ainsi « très fortement » baissé en 2024 (- 7,3 %, après 9,1 % en 2023) et leur besoin de financement s’est « accentué », comme l’indique le pré-rapport de l’OFGL.
« Seul signe positif », selon André Laignel, les dépenses d’investissement ont progressé de 7 % l’an passé (pour atteindre leur plus haut niveau depuis 18 ans). Reste que pour y parvenir, les collectivités ont dû s’endetter (+ 4,2 %) et faire fondre leur trésorerie (- 41 %).
Résultat, cette dernière est passée de 133 à 78 jours de trésorerie. Pour les communes, la trésorerie ne représente plus que 118 jours avec « des écarts considérables » : plus prudentes, les petites communes conservent 500 jours, quand les villes de plus de 100 000 habitants n’en ont plus que dix jours. Les régions, plus que quatre.
Dès cette année, « la dégradation des comptes va s’accélérer, s’aggraver, mettant l’ensemble des collectivités locales dans une situation de grande précarité », a déploré André Laignel, rappelant que celles-ci, par leur investissement, jouent un rôle majeur dans la bonne santé économique du pays. En conséquence, il pointe « le risque probable d’une récession de la France ».
Et André Laignel de rappeler « l’absurdité » des propositions du gouvernement, qui recevait hier les représentants des élus locaux dans le cadre de la conférence financière des territoires : « On veut baisser nos recettes pour nous obliger à faire des économies », seulement les collectivités devront recourir à « l’emprunt [pour] financer nos dépenses obligatoires ». « Ça va exactement à l’encontre du but recherché par l’État. »
Afin de tenter d’infléchir la position du gouvernement, le maire d’Issoudun a mis en garde l’exécutif, en sortant « un tout petit peu [de la position] du CFL ». « Il est clair, aujourd’hui, à mon sens, que si on annonce de nouvelles coupures de moyens pour 2026, la seule réponse possible est la censure sous toutes ces formes », a ainsi menacé André Laignel, à titre personnel donc.
Outre la « traduction parlementaire » que l’on connaît et qui a déjà fait tomber le gouvernement Barnier en fin d’année dernière, l’élu a également appelé les collectivités à « refuser de payer à la place de l’État » si le gouvernement s’entêtait.
Quelle forme prendrait cette « censure sur le terrain » imaginée par André Laignel ? « Ne plus participer, par exemple, au contrat plan État-régions » ou bien de « refuser tout transfert nouveau de quelque nature ». « La situation est d’une telle gravité que nous ne pouvons plus accepter de payer à la place de l’État », a-t-il assuré, celui-ci reprochant à ce dernier de transférer des dépenses à l’échelon locale sans les financements idoines.
Une situation qui a conduit les départements a rappelé qu’ils assument désormais « seuls », depuis hier, « sans compensation de l’État, le financement des grandes prestations sociales nationales ». Ce « jour du dépassement », comme ils le nomment, est ainsi celui où « l’État cesse de contribuer aux prestations qu’il fixe, laissant aux départements la charge exclusive de leur financement ».
Afin d’éviter de fermer les services publics et d’interrompre les investissements, « nous devrions aussi décider d’une année blanche » si le gouvernement décidait de nouvelles ponctions en 2026, a confirmé André Laignel. « Cela ne pourrait pas être à sens unique », selon lui.
Cette proposition d'André Laignel n’a, cependant, jamais été évoquée ni par les membres du bureau de l’AMF – qui s’est réuni hier – ni par les représentants des élus locaux présents, également, lors d’une nouvelle réunion de la conférence financière des territoires.
Lors de cette conférence, plusieurs options ont été envisagées par les représentants du gouvernent, allant d'un gel des dotations à un encadrement des dépenses (dans l'esprit des contrats de Cahors). Les représentants des élus se sont opposés à un gel de la DGF, dans la mesure où celle-ci est entièrement dédiée à compenser les charges transférées aux collectivités par l'État.
Les élus ont estimé que si l'État envisage une « année blanche » sur les recettes des collectivités, il s'imposerait a minima « une année blanche sur les nouvelles dépenses contraintes », comme par les exemple l'évolution du taux de rénovation des bâtiments, le dispositif NIS2, le décret tertiaire ou encore les dispositions du Plan nationale d'adaptation au changement climatique. Les élus ont estimé que cette année blanche devrait s'appliquer aussi à la hausse des cotisations CNRACL.
Il semble que le gouvernement envisage également une nouvelle mesure qui prendrait la forme d'une péréquation horizontale, revenant à écréter les dotations des communes les mieux dotées pour le redistribuer aux communes les plus pauvres. Ce dispositif, évoqué plusieurs fois pendant les conférences financières des territoires, est unanimement rejeté par les représentants des élus.
Les propositions des uns et des autres étant maintenant sur la table, les élus attendent que le gouvernement dévoile ses arbitrages. Ce devrait être le cas mi-juillet.
A. W. pour Maire-info, article publié le 19 juin 2025.
La reproduction partielle ou totale, par toute personne physique ou morale et sur tout support, des documents et informations mis en ligne sur ce site sans autorisation préalable de l'AMF et mention de leur origine, leur date et leur(s) auteur(s) est strictement interdite et sera susceptible de faire l'objet de poursuites.