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Ce que prévoit la loi « Industrie verte »

Donnant la priorité à la décarbonation et la protection de la biodiversité, la nouvelle loi « Industrie verte » vise à donner un coup d’accélérateur à la réindustrialisation. Parmi ses objectifs : la planification du foncier industriel ou la livraison de 50 sites clés en main. Les procédures pour implanter de nouvelles usines devraient voir leurs délais divisés par deux. Concernant les projets « d'intérêt national majeur », un compromis a été trouvé : le maire ou le président de l’EPCI du lieu d’implantation pourra donner son accord en début de procédure. Décryptage des principales mesures pour le bloc communal avec l’éclairage de Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette (Essonne) et membre du bureau de l’AMF, qui souligne les points de vigilance à avoir sur l’application de la loi.

Publiée au Journal officiel du 24 octobre 2023 (1), la loi « Industrie verte » du 23 octobre prévoit une baisse de 41 millions de tonnes d’équivalent CO2 d'ici 2030. Les mesures relatives à la réhabilitation des friches, à la dépollution des sites et à l’économie circulaire devront contribuer à la préservation de la biodiversité et à la réduction de l’empreinte environnementale. Le texte veut faciliter l'implantation de nouvelles industries dans cinq secteurs clés de la décarbonation (photovoltaïque, éolien, batteries électriques, pompes à chaleur et hydrogène vert).

 

 

Accélérer l’implantation de sites industriels

Les premiers articles de la loi visent à améliorer et à accélérer les procédures de préparation du foncier industriel et de réhabilitation des friches. Le gouvernement chiffre à 22 000 hectares le besoin de foncier d’ici 2030 pour accueillir les nouveaux sites industriels. Il priorise l’identification de 50 sites clés en main « France 2030 », pré-aménagés et dépollués. S’adressant aux porteurs de projet, dont les collectivités, une plateforme dédiée a déjà été ouverte afin de sélectionner les premiers sites qui pourront bénéficier d'un accompagnement à partir de janvier 2024. Par ailleurs, 1500 hectares seront nécessaires pour accueillir les projets de très grandes usines (gigafactories) dans la prochaine décennie.

Planification du foncier industriel

Pour faciliter les procédures et les dépollutions, une planification du foncier industriel est instaurée à l’échelle régionale au travers des Sraddet. Ils devront intégrer un objectif de développement des activités industrielles. Les concertations préalables du public pourront être mutualisées à l’échelle d’un même territoire (et non plus d’un projet). S’y ajoutera un réemploi accéléré de foncier industriel en cessation d'activité. La stratégie globale passera notamment par l'investissement d'un milliard d'euros de la Banque des Territoires entre 2023 et 2027 pour développer le foncier industriel et créer les 50 sites clés en main.

Vigilance de l’AMF

Bien que soutenant les dispositions facilitant la libération de foncier, l’AMF les juge néanmoins insuffisantes compte tenu du manque important de sites disponibles à l’heure du ZAN et de l’impératif de sobriété foncière. « Il faut plus de souplesse notamment pour faciliter la mutualisation des friches industrielles et commerciales ainsi que le changement de destination, estime Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette et membre du bureau de l’AMF. Cela permettrait de transformer une friche commerciale en friche industrielle. Une telle mutualisation relève du bon sens ». Et de préciser que « l’AMF sera vigilante sur ce point dans la mise en application de la loi ». Bien que cela n’ait pas été retenu, il continue de plaider pour « adapter l’objectif ZAN à des projets d’excellence environnementale ». Au-delà, Jean-François Vigier insiste sur « le respect du rôle des maires d’accompagnateurs et de coauteurs de projets mis en œuvre sur leurs territoires ».

Simplifier les procédures administratives

Par ailleurs, les délais des procédures administratives seront divisés par deux en passant de 17 à moins de neuf mois. Avec l’organisation en parallèle des phases d'instruction et la consultation du public, le délai total pourrait même être réduit de neuf à six mois. Le gouvernement promet des textes d’application publiés dans un délai maximum de six mois. Une procédure dérogatoire va s’appliquer aux projets dits « d'intérêt national majeur » (article 9 de la loi). Il s’agit en particulier des projets de gigafactories devant contribuer fortement à la souveraineté industrielle et à la transition écologique. Cette procédure simplifiée consiste en une mise en compatibilité plus rapide des documents locaux d'urbanisme et de planification (Sraddet, Scot, PLU, carte communale), la délivrance du permis de construire par le préfet et des facilités pour le raccordement électrique.

Accord du maire en amont de la procédure

Après une levée de bouclier des associations d’élus locaux, et en particulier de l’AMF, un compromis a été trouvé en commission mixte paritaire (CMP) : le maire ou le président d’EPCI du lieu d'implantation du projet devront donner leur accord en amont de la procédure de mise en compatibilité des documents d'urbanisme. Initialement, les sénateurs souhaitaient aussi rétablir l’obligation de cet accord à la fin de la procédure. Pour leur part, les régions seront consultées et pourront signaler à l'Etat des projets d’intérêt national majeur. Laurent Somon, rapporteur du texte au Sénat, estime que la nouvelle rédaction permet de « concilier les deux impératifs d’accélération et de respect du rôle des collectivités ».

Un compromis « acceptable »

Pour l’AMF, Jean-François Vigier juge le compromis « acceptable » tout en continuant d’estimer que « les élus devraient pouvoir être présents en amont comme au moment de la décision ». Et d’appeler là aussi à une vigilance sur l’application de la loi et le respect du rôle du maire ou du président d’EPCI. « Chaque fois qu’une loi prévoit un dispositif dérogatoire, l’Etat a tendance à vouloir décider seul, pointe le maire de Bures-sur-Yvette. Cela avait déjà été le cas avec l'article 3 du projet de loi ‘Energies renouvelables’ [EnR] sur l’avis conforme des maires dans la définition des zones d'implantation accélérée d'EnR. Heureusement, la mobilisation de l’AMF et du Sénat a permis d’avoir gain de cause dans le texte final ».

Verdir la commande publique

La loi « Industrie verte » accélère la prise en compte de critères environnementaux dans la commande publique, et cela dès juillet 2024. Dans leurs arbitrages, les acheteurs pourront les placer sur le même plan que les critères économiques. Ils auront aussi la faculté d’exclure de leurs marchés les prestataires ne pouvant pas leur transmettre leur bilan d’émissions de gaz à effet de serre. Autre motif possible d’exclusion : le non-respect par des entreprises de leurs engagements de publication d'information en matière de durabilité. De plus, les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser), obligatoire pour les collectivités et groupements dont les dépenses annuelles s'élèvent à plus de 50 millions d'euros, sont étendus à tous les acheteurs publics.

Financements et carte des formations

Le soutien public à la décarbonation passera par Bpifrance (2,3 milliards d'euros par an) et l’Ademe. A cela s’ajoutera le crédit d'impôt « Investissement Industries Vertes », inscrit dans le projet de loi de finances 2024, qui devrait générer 23 milliards d'euros d'investissements et 40 000 emplois directs d'ici 2030. De plus, 700 millions d'euros supplémentaires seront mobilisés sur le volet « compétences et métiers d'avenir » de France 2030, pour faire évoluer la carte des formations, à tous les niveaux de diplômes.

 

Philippe Pottiée-Sperry

 

(1)www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048242288

Référence : BW41934
Date : 6 Nov 2023
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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