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Climat : « un mur d’investissements » d’ici 2030 pour le bloc communal

Malgré leurs efforts déjà très importants, les collectivités devraient plus que doubler leurs investissements en faveur du climat, selon une étude réalisée par l’I4CE et la Banque postale. Soit un montant annuel de 19 Md€ jusqu’en 2030, aux deux tiers à la charge des communes et des intercommunalités. Face au rôle crucial joué par les collectivités sur le sujet, l’AMF pointe « l’absence d’une vraie stratégie climatique de l’Etat » mais aussi « une nouvelle injonction contradictoire en leur demandant à la fois de dépenser moins et d’investir massivement sur le climat ».

Les collectivités locales ont « un rôle majeur à jouer » pour atteindre les objectifs de neutralité carbone de la France d’ici 2050, inscrits dans la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). En clair, cela signifie pour elles de porter encore beaucoup plus de dépenses en faveur du climat. Les chiffres fournis par la nouvelle étude de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) et de la Banque postale*, publiée mi-septembre, donnent le tournis.

+44% d’investissements depuis 2017

Premier constat : une forte prise de conscience des collectivités existe avec des résultats déjà conséquents. Depuis 2017, l’étude met ainsi en avant une hausse de 44% de leurs financements en faveur du climat, atteignant jusqu’à 10 Md€ en 2023 (8,3 Md€ en 2022). « Elles intègrent déjà tous les jours la transition écologique dans leurs choix de politiques publiques », indique-t-on à l’AMF.

Ces chiffres s’expliquent par la mobilisation des collectivités en investissant plus dans la mobilité électrique (véhicules et infrastructures de recharge), les transports collectifs (ferroviaire et transports urbains) et la rénovation énergétique de leurs bâtiments. Une tendance vertueuse, d’autant plus dans un contexte budgétaire tendu, mais très loin d’être suffisante, constatent l’I4CE et la Banque postale. Ils parlent d’une hausse à « nuancer » du fait de l’impact de l’inflation et de la forte hausse des prix touchant en particulier le secteur du BTP. Mais surtout ils soulignent un « effort à fortement accélérer » pour répondre aux objectifs fixés par la France. « Cette situation révèle l’absence d’une réelle stratégie climatique de l’Etat, pointe-t-on à l’AMF, avec un discours une fois encore contradictoire en demandant aux collectivités de moins dépenser et s'endetter tout en l'appelant à investir de façon massive sur la transition écologique et énergétique ».  

Les auteurs de l’étude regrettent ici les carences du dialogue Etat/collectivités qui passe par la « territorialisation de la planification écologique », entamée depuis quelques mois, mais en ne comportant pas de volet sur le financement, pourtant stratégique.

11 Md€ supplémentaires par an

Tout en reconnaissant les efforts importants déjà fournis par les collectivités, elle les juge néanmoins largement insuffisants compte tenu des besoins considérables sur la décarbonation du patrimoine et des équipements des collectivités ainsi que sur les infrastructures (transports en commun, ferroviaires et fluviaux, aménagement cyclables). Résultat : des besoins de financement supplémentaires évalués à pas moins de 11 Md€ par an et en moyenne d’ici à 2030 par rapport à 2022. L’étude évoque un « minimum » car ce montant n'inclut pas tous les secteurs de la planification écologique, ni les dépenses de fonctionnement nécessaires à la mise en œuvre des politiques climatiques locales. De quoi faire flamber la facture !

A noter aussi que le périmètre de l’étude concerne juste la France métropolitaine, excluant donc les collectivités d’Outre-mer où les besoins d’investissement climatique sont particulièrement importants.

Le bloc communal en première ligne

L’AMF ne dit pas autre chose en estimant que les 19 Md€ (8,3 Md€ de 2022 + 11 Md€ supplémentaires) sont « nécessaires pour atteindre la SNBC mais pas suffisants afin de financer tous les efforts pour s’adapter au changement climatique ». Et d’alerter sur les graves menaces de baisse des budgets du Fonds vert, de l’Ademe ou des Agences de l’eau. L’Etat risque encore de serrer les boulons pour les collectivités dans le projet de loi de finances pour 2025, sachant que le gouvernement démissionnaire prévoyait notamment une coupe sombre dans le Fonds vert (-1,5 Md€ sur un total de 2,5 Md€). « C’est un cercle non vertueux en diminuant les moyens au moment où ils sont encore plus indispensables !, dénonce-t-on à l’AMF, avec le risque de ne pas pouvoir réellement s’adapter au dérèglement climatique ».

Compte tenu de son poids dans l’investissement public local, le bloc communal porte à lui seul les deux tiers de l’effort nécessaire, soit 7 Md€ supplémentaires par an en moyenne d’ici à 2030, calcule l’étude. Elle l’estime à 2,4 Md€ pour les départements (triplement par rapport à 2022) et 1,7 Md€ pour les régions (+80% par rapport à 2022). Les financements croisés des régions et des départements en faveur du bloc communal risquent d’en pâtir, soit pour ce dernier une difficulté de plus dans un contexte budgétaire très tendu.

Quatre leviers de financement

Face au « mur des investissements locaux pour le climat », l’I4CE et la Banque Postale plaident pour « une nouvelle équation économique ». Ils identifient ainsi quatre leviers qui devraient être mobilisés ensemble à travers « une action commune de l’Etat et des collectivités ». Le premier levier passerait par une forte redirection des investissements des collectivités via des arbitrages politiques et budgétaires en faveur du climat (7 Md€) et au détriment d’autres équipements. L’étude plaide ainsi pour « décaler ou renoncer à certaines dépenses tout en préservant la qualité et la quantité des services publics locaux ». Une équation pour le moins difficile voire impossible compte tenu de l’importance des demandes !

Sans surprise, l’étude prône aussi pour un recours accru à l’emprunt, jugé comme « un levier incontournable ». Elle n’hésite pas à appeler les élus locaux à « dépasser leur faible appétit pour la dette ». Cela alors que Bercy leur demande de se désendetter. Troisième levier : une mobilisation plus forte des ressources propres (fiscalité locale, tarifs et cessions d’immobilisation). « Leur potentiel est cependant difficile à estimer à l’échelle nationale », admet l’étude compte tenu des fortes différences entre collectivités. Enfin, elle recommande « un soutien de l’Etat par les dotations plus stable et prévisible dans le temps ».

Un recours accru à l’emprunt

La solution préconisée repose sur un mix des leviers de financement, adapté aux disparités financières locales. L’ensemble des scénarios débouchent sur une forte hausse du recours à l’emprunt avec un encours de la dette qui varierait, selon les cas, de 240 à près de 300 Md€.

L’I4CE et la Banque Postale reconnaissent que la mise en œuvre de la loi de programmation des finances publiques (2023-2027) est « incompatible » avec des investissements climat à la hauteur des enjeux, sachant qu’elle appelle à un désendettement rapide des collectivités avec un ralentissement de leurs dépenses de fonctionnement et une baisse de leurs dépenses d’investissement dans les prochaines années.

L’AMF privilégie le quatrième levier proposé qui devrait impérativement passer, selon elle, par « une vraie décentralisation avec une liberté d'action pour les collectivités et l’assurance de réelles ressources financières ».

Philippe Pottiée-Sperry

 

*Télécharger l’étude : LBP-I4CE-sept2024.pdf (labanquepostale.com)

 

 

Référence : BW42328
Date : 30 Sep 2024
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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