Le Forum sur les routes et infrastructures dégradées a démarré par le rappel de chiffres clés. Les collectivités territoriales gèrent 98 % du réseau routier français, soit 704 000 km pour les communes et intercommunalités (64 %), 375 000 km pour les départements (34 %), l’Etat gérant les 2% restants. Elles consacrent plus de 7 milliards d’€ par an à l’entretien, la sécurisation, l’adaptation et la modernisation de ces infrastructures : une charge colossale dont le gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure dans le cadre de la transition écologique.
La première table ronde, intitulée « un nouveau modèle économique à inventer pour l’entretien des infrastructures existantes », a d’abord abordé la question de l’état des ponts. 30 à 45 % d’entre eux nécessitent des travaux. Ferdy Louisy, maire de Goyave, en Guadeloupe, a témoigné des dégâts engendrés dans sa commune par l’ouragan Fiona de septembre 2022. Outre un pont emporté sur une route départementale, quatre ponts communaux endommagés nécessitent 9 millions d’€ de travaux. Mais la commune de 7 600 habitants n’a pas de tels moyens.
Entretien des ponts : renforcer le soutien aux communes
L’accompagnement que le Cerema fournit aux collectivités en la matière a été décrit par Marie-Claude Jarrot, sa présidente, par ailleurs maire de Montceau-les-Mines (71). David Zambon, directeur général adjoint et directeur infrastructures de transport et matériaux du Cerema, a présenté le dispositif déployé dans le cadre du Programme national Ponts : le recensement de 46 000 ouvrages, la mise en place d’un accompagnement de 11 540 communes et la plateforme « SOS Ponts » qui les guide dans leur démarche.
Les élus présents ont salué ce dispositif, mais pointé des limites dans les critères d’éligibilité. La commune de Goyave, par exemple, n’avait pas été retenue. Frédéric Cuillerier, maire de Saint-Ay (45) et co-président de la commission mobilité à l’AMF, demande à l’Etat de réouvrir la liste des communes bénéficiaires. « Même si l’effort est considérable, il n’est pas admissible que ce programme se limite à la moitié des communes concernées (15 000 sur 30 000) », a-t-il estimé lors du forum.
Dans la salle, des maires ont par ailleurs témoigné de l’énormité du poids financier lié à l’entretien des chaussées : les choix cornéliens à faire sur les priorités à traiter, le regret d’être réduits à faire du « bouchage» ou du « rapiéçage » sur des chaussées qui nécessiteraient une réfection complète, le coût et le temps interminable pour réaliser des travaux convenables, les difficultés de débroussaillage au regard du renforcement des contraintes environnementales, etc. Les élus constatent, avec inquiétude, que cette situation peut avoir des conséquences sur la sécurité routière et pointent les enjeux de responsabilité.
Adapter les infrastructures aux nouveaux usages
Face à ces constats, c’est la viabilité du modèle actuel de financement qui est mis en cause. « L’AMF appelle à repenser ce modèle économique », a exposé Frédéric Cuillerier. Un point de vue partagé par François Durovray, président de la commission mobilités de Départements de France et président du conseil départemental de l‘Essonne (lire ci-contre). « La route restera le premier vecteur de mobilité des français, même dans le meilleur scénario de décarbonation. Il y a un impératif à continuer à l’entretenir et il faut pour cela beaucoup d’argent », résume ce dernier.
La deuxième table-ronde du forum était consacrée à l’adaptation des infrastructures aux nouveaux enjeux écologiques et sociétaux. L’évolution des usages de mobilité et leur sécurisation nécessitent des transformations de la voirie : voies cyclables, aires de co-voiturage, infrastructures de recharge pour véhicules électriques, dispositifs de contrôle et de sanction automatisés pour les zones à faible émission (ZFE), etc. Ces évolutions complexifient les choix techniques et renforcent les besoins financiers. Clémentine Le Marrec, maire de Bénouville (14), a exposé les difficultés rencontrées pour créer une voie verte et construire une passerelle au-dessus d’une départementale. Thierry Coquil, directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités au ministère des Transports, s’est aussi exprimé sur ces évolutions.
« Le défi de repenser la façon de nous déplacer et de faire évoluer en conséquence les infrastructures soulève, outre une question financière, un vrai enjeu d’organisation : il y a besoin de clarifier les rôles et de trouver le moyen de bien articuler les échelons d’actions », a conclu Sylvain Laval, maire de Saint-Martin-le-Vinoux (38) et co-président de la commission Mobilité à l’AMF.
La reproduction partielle ou totale, par toute personne physique ou morale et sur tout support, des documents et informations mis en ligne sur ce site sans autorisation préalable de l'AMF et mention de leur origine, leur date et leur(s) auteur(s) est strictement interdite et sera susceptible de faire l'objet de poursuites.