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Difficultés de la compétence Gemapi : les réponses avancées par le Sénat

Un rapport du Sénat, publié cet été (1), formule une série de pistes pour un cadre de refonte du financement et de la gouvernance de la compétence Gemapi. Constat : le transfert obligatoire de cette compétence aux EPCI depuis le 1er janvier 2018 est pour moins mitigé. Son modèle économique ne fonctionne pas avec des intercommunalités qui ne peuvent souvent pas assumer financièrement cette obligation. Pour tenter de rendre sa gestion plus sereine, les recommandations sénatoriales s’articulent autour de quatre grandes orientations : simplifier les normes et procédures, pérenniser et rendre plus transparent le financement de la compétence, clarifier les responsabilités et les périmètres d'action en confortant le rôle des EPTB, renforcer les moyens d'ingénierie. Ces recommandations ont vocation à nourrir une proposition de loi. Toutefois la place et le soutien de l’Etat dans le dispositif (financements et péréquation nationale) tout comme le champ de la compétence et des responsabilités sont autant de sujets qui nécessiteront des clarifications pour poursuivre la réflexion au-delà de ce rapport ! 

Onze ans après la création par la loi « Maptam » de la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), confiée aux intercommunalités, les préoccupations des élus, démunis et confrontés à un manque de moyens financiers, restent fortes face à ces lourdes responsabilités. D’autant que s’est ajouté, en janvier 2024, le transfert des digues domaniales. « Un transfert de charges non compensé », fustigent les sénateurs. Les élus locaux évoquent ici un transfert chaotique de la gestion des digues, assimilé à un « désengagement de l'État », quand il n’était pas qualifié de « scandaleux » ou d’« inacceptable ».

Adopté à l’unanimité fin juin par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat et mis en ligne le 12 juillet, un rapport d’information sur la compétence Gemapi, intitulé « Pour l'efficacité de la Gemapi : des territoires solidaires », formule une série de propositions concrètes pour « adapter l’exercice de cette compétence à la réalité des territoires et simplifier l’action des élus locaux ».

Simplifier les PAPI

Les trois rapporteurs, Rémy Pointereau, Hervé Gillé, Jean-Yves Roux, jugent prioritaire l’accélération des procédures relatives aux programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI). D’autant que ces programmes permettent d’initier des démarches collectives contribuant à une gestion plus intégrée des enjeux hydrologiques.

Cette accélération signifierait de simplifier l’élaboration, l’instruction et la mise en œuvre des PAPI. Cela passerait notamment par la suppression de l’avis préalable à la labellisation programme donné par l’instance de bassin. Autre piste : fixer par voie réglementaire les délais à respecter par l'administration pour l'instruction du « programme d'études préalables » du PAPI, l'analyse de la complétude du dossier et son examen par l'instance de bassin. De plus un référent PAPI, mis à disposition par l’Etat, permettrait un accompagnement technique et réglementaire auprès de la collectivité. Toujours dans un souci de simplification, un guichet unique serait chargé de l'autorisation, du subventionnement et de l'accompagnement des projets inscrits au PAPI.

Un mode de financement inégalitaire

Facultative, la taxe Gemapi est plafonnée à 40 euros par habitant. En 2024, près de 75% des EPCI l’avaient instaurée, pour un produit de 458 millions d’euros. « Des montants largement insuffisants face à l’ampleur des besoins », pointent les sénateurs, en particulier pour financer les opérations lourdes comme la mise aux normes ou la reconstruction d’ouvrages de protection. De plus, ce levier fiscal est limité du fait de la réduction de l’assiette fiscale consécutive à la suppression de la taxe d’habitation. Pour arranger le tout, les budgets sont surtout captés par les actions de prévention des inondations au détriment des actions de gestion des milieux aquatiques pourtant essentielles.

Plus grave encore, « la taxe Gemapi reproduit, voire aggrave, les inégalités entre territoires », s’alarme le rapport sénatorial. Concrètement, les territoires d’amont – souvent plus ruraux, plus exposés et moins peuplés – peinent à réunir les fonds nécessaires, tandis que les agglomérations urbaines, densément peuplées, mobilisent plus facilement les ressources et cela avec la possibilité d’un taux faible.

« La prévention du risque à l’aval suppose souvent des actions à l’amont, qui ne bénéficient pas toujours d’une reconnaissance ou d’un financement équitable », souligne le Cerema dans une contribution fournie à la mission sénatoriale.

Solidarité à l’échelle des bassins versants

Lors d’une table-ronde organisée au Sénat, en mars dernier, sur le financement de la politique de l’eau, Thierry Burlot, président du comité de bassin Loire-Bretagne, avait bien résumé la situation en déclarant que « la seule manière d’obtenir de meilleurs résultats consiste à nous montrer beaucoup plus solidaires sur des périmètres plus étendus ». Pour remédier à l’absence de mécanismes de solidarité entre les territoires d’un même bassin versant, la mission sénatoriale défend ainsi la mise en place d’un fonds de solidarité à l’échelle des bassins versants. Établis à cette échelle, les établissements publics territoriaux de bassins (EPTB) permettent de structurer les compétences techniques et de porter des projets au bon niveau.

Les sénateurs plaident pour une assiette de la taxe Gemapi à l’échelle du bassin versant, jugé bien plus pertinent que le périmètre communal des EPCI. Le fonds de solidarité pour la Gemapi serait attribué selon des critères objectivés (potentiel fiscal, linéaire de digues, montant inscrit au PAPI, exposition au risque). Sa gestion serait confiée aux EPTB lorsqu’ils existent, ou à défaut aux agences de l’eau.

Selon les rapporteurs, il faudrait permettre aux EPTB de lever le produit de contributions fiscalisées à l’échelle du bassin, au titre de l’ensemble des items de la Gemapi et cela selon une logique pluriannuelle.

Autres leviers de financement

En parallèle, il est conseillé de créer un fonds de péréquation horizontal sur le modèle du FPIC. Objectif : prélever une fraction des taxes Gemapi de certaines collectivités pour la reverser à des collectivités moins peuplées selon des critères à déterminer.

Au-delà de la taxe Gemapi, la mission suggère d’autres leviers de financement liés à la consommation d’eau et à l’urbanisation. Il pourrait s’agir d’une contribution des usagers de l’eau, via une fraction (de quelques centimes d’euros) prélevée sur le m³ d’eau distribué et affectée aux actions de prévention à l’échelle du bassin. Autres pistes avancées : l’affectation d’une part de la taxe d’aménagement à la Gemapi, pour tenir compte de l’impact de l’urbanisation sur l’imperméabilisation des sols et le ruissellement ; le rétablissement du budget annexe pour mieux suivre la compétence Gemapi et ses dépenses.

Par ailleurs, pour assumer le transfert de gestion des digues domaniales, il est recommandé de prolonger le bénéfice de la subvention à 80% du « Fonds Barnier » jusqu'en 2035 (et non plus 2027) pour l'ensemble des gestionnaires. S’y ajouterait l’abandon du conditionnement des aides de l’Etat aux seules conventions conclues avant la date du transfert, le 28 janvier 2024.

Renforcer le soutien à l’ingénierie

Face aux difficultés d'assurance des ouvrages de prévention des inondations, les sénateurs plaident pour permettre aux collectivités, après deux procédures infructueuses, de recourir au Médiateur de l'assurance afin de les aider dans leur recherche d'assurance.

L’exercice de la compétence Gemapi exige une forte technicité (hydrologie, génie écologique, gestion des ouvrages) que n’ont souvent pas les collectivités rurales, de montagne ou périurbaines. La solution ? Un appui des opérateurs publics, dont le Cerema, qui soutient les collectivités dans la mise en œuvre opérationnelle de la Gemapi (actions d’expertise technique, de capitalisation de bonnes pratiques, de formation et de sensibilisation).

Pierre Plessis

 

(1) www.senat.fr/rap/r24-793/r24-7931.pdf

 

 

Référence : BW42774
Date : 15 Sep 2025
Auteur : Pierre Plessis pour l'AMF


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