Après trois mois de préparation dans les médias et une série de réunions avec les représentants des collectivités durant tout le printemps, François Bayrou a dévoilé, hier, la potion – amère – prescrite à ces dernières, à l’occasion de la présentation de son plan budgétaire pour 2026, qualifié de « moment de vérité » pour la nation.
Initialement évoquée à hauteur de 40 milliards d’euros pour l'ensemble du pays, cette cure prévue pour l’an prochain devrait finalement atteindre les 43,8 milliards d'euros, après les annonces, dimanche, d’Emmanuel Macron sur l’augmentation des dépenses militaires.
Dans ce contexte, et malgré le risque de censure de son gouvernement lors de l’examen du projet de budget à l’automne, François Bayrou a donc présenté « un plan pour dire stop à la dette » (et un autre pour « dire en avant la production ») dans lequel figure des annonces extrêmement nombreuses et souvent douloureuses.
Outre les mesures visant à « réduire le train de vie » de l’État et les dépenses sociales, la suppression de deux jours fériés ou encore le gel des retraites (lire article ci-contre), François Bayrou a annoncé, sans grande surprise, que les collectivités « prendront aussi leur part » au redressement des comptes publics, dans ce qui a été présenté comme une « participation ajustée ».
Car, à ses yeux, les collectivités sont en partie responsables de la dégradation de situation financière du pays puisqu’elles « contribuent, par leur dynamisme même, au besoin de financement public », a pointé le maire de Pau, qui demande que, « dans les années qui viennent, les dépenses ne doivent pas dépasser la progression des ressources de la nation ».
De quoi provoquer un tollé (lire article ci-contre) chez une grande partie des représentants des élus locaux qui se sont rapidement indignés de l’effort de 5,3 milliards d’euros qu’ils devraient encaisser l’an prochain. « C’est 13 % de l'effort global, soit moins que la part des collectivités dans la dépense publique, qui s'élève à 17 % », a tenté de nuancer, dans la foulée, le ministre de l'Aménagement du territoire François Rebsamen.
Supérieur à celui de l’État (4,8 milliards d'euros), cet effort représente, toutefois, déjà le double des « 2,2 milliards d'économies » officiellement imposées aux collectivités en 2025, mais que les élus locaux ont, dans les faits, plutôt évalué à 7,4 milliards d’euros – en comptabilisant également la hausse de cotisation CNRACL, la baisse du Fonds vert et d'autres réductions de crédits, comme celles sur les opérateurs de l'État qui participent aux investissements locaux. Mais sans compter les annulations de crédits depuis le début de l’année.
On peut donc s’attendre à ce que cette contribution de 5,3 milliards d’euros soit largement revue à la hausse par les élus locaux lorsqu’ils réaliseront un chiffrage précis de toutes les mesures qui devraient les toucher directement et indirectement.
Dans le détail, cette contribution se fera via une reconduction du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités (Dilico) instauré l’an passé, un « écrêtement de la dynamique de la TVA » et une baisse des dotations d'investissement.
Prévu pour ne durer qu’une année, le Dilico sera donc finalement « reconduit » en 2026. Pire, cette « épargne forcée » serait revue à « un niveau plus élevé » avec « des modalités de retour [à] discuter », a détaillé François Rebsamen.
Pour rappel, le Dilico cible cette année quelque 1 900 communes, 141 EPCI et la moitié des départements – ainsi que les régions – en ponctionnant leurs recettes à hauteur d’un milliard d’euros, avec des prélèvements individuels qui varient de quelques milliers à des millions d'euros et qui frappent jusqu'aux très petites communes. Les premiers prélèvements sont d’ailleurs attendus ce mois-ci, alors que les sommes prélevées doivent ensuite être « intégralement » reversées aux collectivités, par tiers, pendant trois ans à compter de l’an prochain.
De la même manière, et comme l’an passé, l’exécutif a également décidé de poursuivre en 2026 « l’écrêtement de la dynamique de la TVA », à la différence près qu’il ne sera « pas [appliqué] de manière intégrale comme en 2025 » (pour un coût de 1,2 milliard d'euros), a promis l’ancien maire de Dijon.
Autre décision qui frappera les collectivités l’an prochain, la baisse des dotations d’investissement. Justifiant sa décision par le fait que « les dépenses d'investissement des collectivités vont naturellement baisser en 2026 », du fait des élections municipales, François Rebsamen a indiqué qu’elles « pourront être rehaussées après l’année électorale ».
La baisse de ces dotations s’établirait à 200 millions d’euros, selon Contexte qui a eu accès au « tiré à part » du projet de budget pour 2026 – qui fixe les plafonds de dépenses des ministères et qui a été transmis aux parlementaires hier soir. Selon ce document, une revue de dépenses sur ces dotations rendra ses conclusions « à l’été 2025 », explique le journal en ligne.
Si le ministre de l’Aménagement du territoire considère donc « normal » de réduire « les mécanismes de soutien à l’investissement […] pour tenir compte du cycle électoral », il a, toutefois, précisé que « la part consacrée aux territoires ruraux et aux quartiers de politique de la ville sera préservée ». En clair, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation politique de la ville (DPV) ne devraient pas être impactées.
Du côté des « bonnes nouvelles » pour l’an prochain, on peut retenir que la DGF ne sera « pas abaissée », qu’il n’y aura « pas de gel » des bases fiscales et que le fonds de sauvegarde des départements sera « réabondé avec des critères renouvelés plus justes ». François Bayrou a notamment promis « 300 millions d'euros de soutien exceptionnel en faveur des départements les plus en difficulté ».
Par ailleurs, François Rebsamen a certifié que « plus [aucune] norme ne sera imposée aux collectivités sans une discussion préalable avec elles » et leur a garanti « plus de visibilité pour leurs ressources sur plusieurs années ». « Pour la première fois, une trajectoire détaillée pourra être présentée en annexe du PLF 2026 », a-t-il ainsi expliqué.
« C’est un effort majeur et sans précédent », a ainsi reconnu François Rebsamen, estimant que « la tâche est immense » et disant avoir « conscience de sa dureté ». Mais ces mesures « ne sont qu’un début, un point de départ. Elles devront être concertées avec les différentes catégories de collectivités et les parlementaires », a-t-il ajouté, en faisant savoir qu’une deuxième conférence financière sera réunie « avant la fin de l’été ».
On peut également noter que François Bayrou a confirmé sa volonté de fusionner certains opérateurs de l'État et de supprimer « des agences improductives » avec l’objectif de se passer de « 1 000 à 1 500 postes » et de faire « 5,2 milliards d’euros » d’économies. Un montant en nette hausse par rapport à la fin avril, lorsque Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics, avait annoncé viser « 2 à 3 milliards d’euros d’économies » d’ici la fin de l’année.
S’il n’a toujours pas spécifié quels opérateurs et agences allaient être visés, cette nouvelle mesure d’économies peut être un motif d'inquiétude pour les élus puisque certaines de ces agences ont, comme l’ANCT (dans le viseur de l’ancien ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, il y a un an), pour mission d'accompagner les projets des collectivités notamment en matière d'ingénierie.
La menace reste bien présente puisque, dans un rapport sénatorial paru la semaine dernière sur la question, il a été proposé la suppression ou la fusion de nombreuses agences, dont l'Anru, l'Agence nationale du sport et... l'ANCT.
A. W. pour Maire-info, article publié le 16 juillet 2025.
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