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Entretien avec Catherine Vautrin, présidente du Grand Reims : « l’accompagnement et la communication sur la ZFE sont essentiels »

Entretien avec Catherine Vautrin, présidente du Grand Reims : « l’accompagnement et la communication sur la ZFE sont essentiels »

La ville et la communauté urbaine de Reims ont annoncé, le 13 mars, plusieurs mesures sur leur zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) dont un moratoire jusqu'en 2029 sur l'interdiction des véhicules classés Crit' Air 3. Explication : une nette amélioration de la qualité de l’air depuis la création de la ZFE mais aussi « le signe d’une écoute de la population et de ses inquiétudes ». Jugeant urgente la lutte contre la pollution de l’air, Catherine Vautrin, présidente du Grand Reims, également présidente de l’ANRU et membre du bureau exécutif de l’AMF, plaide pour accroître la pédagogie et l’accompagnement envers les habitants des communes périphériques afin d’éviter « une division entre urbains et ruraux ».

 

Pourquoi une ZFE-m sur le Grand Reims a-t-elle été créée dès 2021 ?

Le gouvernement français a été rappelé à l’ordre en 2019 par l’Union européenne (1) sur les villes particulièrement touchées par la pollution de l’air dont nous faisions partie. Il nous a été demandé d’améliorer au plus vite la situation. Nous nous sommes donc mis au travail. Les lieux de concentration de gaz à effet de serre se concentraient surtout le long de la traversée urbaine. A partir de là, nous avons délimité une ZFE qui fait 4 km2, donc une petite zone, située autour de cet axe. La ville n’est donc pas fermée ! Nous avons dit que nous continuerions régulièrement à mesurer la qualité de l’air pour voir comment la situation évolue. Sur ce sujet complexe pour la population, il n’y a pas une solution mais un ensemble de solutions qui se complètent.  

Cela constitue donc une priorité pour vous ?

Je tiens d’abord à rappeler que la qualité de l’air constitue un sujet majeur de santé publique.

Aujourd’hui, nous n’avons pas d’autre option que de nous engager pleinement pour le climat. Il faut marteler ce message. Tous nos concitoyens ne sont pas encore conscients des 40 000 morts liés à la pollution de l’air chaque année.

Le Grand Reims, qui compte 143 communes pour 300 000 habitants, fait 70 km d’est en ouest et 40 km du nord au sud. Sur les flux domicile-travail, de très nombreux ruraux viennent travailler dans le centre-ville, et cela à 87% en voiture le plus souvent seul. Ce constat fort de l’autosolisme existe un peu partout en France. Il faut absolument réduire ce phénomène.

Pourquoi venez vous de décider d’un moratoire de cinq ans sur l’interdiction des véhicules classés Crit’Air 3 ?

La ZFE a démarré avec l’interdiction progressive des véhicules Crit’Air 4 et 5. Normalement, au 1er janvier 2024, nous devions l’élargir au Crit’Air 3, qui concerne beaucoup de véhicules, avec donc des conséquences très importantes pour les habitants. L’enquête demandée à ATMO (2) montre une moyenne de 31 µg/m3 pour le dioxyde d'azote. Cela traduit une nette amélioration de notre qualité de l’air qui ne dépasse plus la valeur réglementaire de 40 µg/m3. Nous avons donc décidé de mettre en place un moratoire de cinq ans jusqu’en janvier 2029 pour les Crit’Air 3. Il s’agit vraiment d’un gage de confiance envers les habitants en leur demandant d’être responsables car si nous dépassons de nouveau les seuils de pollution alors le moratoire sera interrompu.

Notre décision se veut aussi le signe d’une écoute de la population et de ses inquiétudes. On ne peut pas dire que les élus reculent car notre décision de moratoire s’accompagne d’une démarche de vigilance en suivant de près les indicateurs de pollution de l’air.

Vous avez également augmenté votre accompagnement.

En effet, le moratoire est couplé à une incitation forte pour changer de véhicule. Nous allons relever de 13 000 € à 21 000 € le revenu fiscal de référence (revenu médian sur le Grand Reims) pour pouvoir bénéficier d’aides à l’achat d’un véhicule neuf ou d’occasion électrique ou Crit’Air 1 et 2. Sont concernés les habitants de la communauté urbaine travaillant en CDI ou en CDD d’au moins six mois, soit potentiellement beaucoup de monde. Après le vote en conseil communautaire le 30 mars, il y aura une campagne de communication.

La mise en place de la ZFE a déjà eu un impact important sur le remplacement des véhicules. Le baromètre des véhicules les plus polluants, publié le 12 mars par Le Parisien, nous a classé en 34ème position avec 31% de véhicules classés Crit’Air 3, 4 et 5, en net recul par rapport à la période de préfiguration de la ZFE avec 40% de véhicules polluants. Ce n’est pas neutre !

Vous allez aussi mettre en place une dérogation « 24/52 ». De quoi s’agit-il ?

Cette dérogation « 24/52 » est un Pass ZFE permettant des déplacements occasionnels, 24h sur 52 semaines. Concrètement, les habitants du Grand Reims pourront solliciter 52 fois par an ce Pass qui autorisera à circuler 24 h consécutives dans la ZFE-m. Nous nous inspirons de ce que font Strasbourg et Lyon. L’objectif est de ne pas pénaliser les personnes, notamment les plus âgées et les plus jeunes, pour qui le changement de véhicule, malgré les aides accordées, est un frein.

En quoi doit consister la communication sur la ZFE ?

Elle est essentielle. On voit bien que la ZFE est un outil, qui s’il n’est pas expliqué et accompagné, divise les urbains et les ruraux. Il faut communiquer mais aussi faire de la pédagogie. Nous avons déjà passé beaucoup de temps à expliquer. Beaucoup de contre-vérités sont répandues, quand on veut tuer son chien on dit qu’il a la rage ! C’est totalement faux de dire que Reims est interdite aux personnes de la campagne.

Nous accompagnons les habitants des communes périphériques mais aussi les professionnels dans le changement de véhicule. Avec le regret que ces derniers s’en soient peu saisis jusqu’à présent. Pour lutter contre la pollution de l’air, nous avons sensibilisé les entreprises qui ont un rôle important auprès de leurs salariés. Je salue notamment la démarche du CHU de Reims de promotion des mobilités douces en partenariat avec une application de covoiturage. Cela fonctionne bien. Les entreprises évoluent de plus en plus sur le sujet.

Avez-vous une action spécifique en direction des maires ?

Pour répondre à leurs inquiétudes, nous nous appuyons sur les conférences de territoire, mis en place dès 2017 sur les périmètres des sept anciennes communautés de communes où les maires se réunissent avec un conseiller communautaire délégué. De plus, nous abordons beaucoup le sujet en conseil communautaire et dans le bureau avec les maires pour faire de la pédagogie et expliquer. Cela se passe plutôt bien, sans crispations. Je rappelle que le dispositif a été voté à l’unanimité en conseil communautaire, comme pour l’adoption de notre plan Climat en 2022.

Quelle est votre offre alternative en termes de transports publics ?

Aujourd’hui, dans notre jeune communauté urbaine née en janvier 2018, en dehors des TER et des transports scolaires, il n’y a de transports publics que dans les communes de l’ancienne agglomération de Reims. Nous proposerons une nouvelle offre à compter du 1er janvier 2024 – lignes de BHNS et de bus classiques, transport à la demande, solutions de covoiturage – avec la promesse que chaque habitant soit, à terme, à moins d’un km d’une solution de transport.

L’enjeu est d’aider les habitants à revoir leurs modes de transport. Avec une offre renouvelée et plus attractive, nous permettrons aux habitants de ne plus utiliser leurs voitures et nous leur redonnerons du pouvoir d’achat.

Il faut des solutions de financement si on veut massivement aller vers des nouveaux réseaux de transport qui sont extrêmement coûteux.  

Que pensez-vous de la concertation sur les ZFE lancée par le gouvernement jusqu’en juillet ?

C’est bien mais il aurait fallu le faire avant la mise en place des ZFE. Il est indispensable de garder de la souplesse selon les territoires, pour tenir compte de leurs particularités et de leurs niveaux d’équipements en transports en commun.

Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry

 

(1) Décision du 24 octobre 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) condamnant la France pour ses émissions excessives de dioxyde d'azote, en citant douze agglomérations particulièrement polluantes dont celle de Reims. Elle s’est fondée sur le non-respect d'une directive européenne de 2008 sur la qualité de l'air.

(2) Organisme fédérant le réseau national des associations de surveillance de la qualité de l’air.

 

Photo : Catherine Vautrin ©Grand Reims

Référence : BW41625
Date : 17 Mars 2023
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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