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Entretien avec David Lazarus, maire de Chambly et coprésident de la commission Sport de l’AMF : « Nous allons réussir les JOP mais l’après-Jeux n’a pas été assez anticipé »

La France s’apprête à accueillir les Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Un événement exceptionnel pour lequel les collectivités jouent un rôle de premier plan. « Leur forte implication se voit notamment dans les 4251 communes et intercommunalités labellisées Terre de Jeux », constate David Lazarus (1), maire de Chambly (Oise, 10 000 habitants) et co-président de la commission Sport et JOP 2024 de l’AMF. « Nous allons réussir ces Jeux avec fierté et engouement populaire au rendez-vous », affirme l'élu dont la ville sera relai de la flamme paralympique le 26 août. Egalement vice-président de l’Agence nationale du Sport, il regrette néanmoins le manque de préparation et de moyens de l’après-Jeux pour accueillir tous les nouveaux pratiquants sportifs avec des infrastructures suffisantes.

Les communes et les intercommunalités ont-elles été au rendez-vous de la préparation des JOP ?

3849 communes et 402 intercommunalités ont adhéré au label « Terre de Jeux », soit près de 90% de l’ensemble des structures labellisées (4777). Cela montre bien leur forte implication et un vrai succès pour ces communes et EPCI qui font vivre en avance les Jeux sur leurs territoires. Une partie correspond aux « Centres de préparation des Jeux » (CPJ). Il existe 600 CPJ dont 20 à 30% accueillant des délégations françaises et étrangères, olympiques et paralympiques. C’est le cas de la halle sportive de Chambly, labellisée CPJ pour le badminton.

Il y a aussi les Clubs 2024. Environ 200 de ces zones d’animation et de diffusion télé en direct toute la journée des Jeux ont été retenues après un appel à manifestation d’intérêt. A l’AMF, nous posons la question de la possibilité de diffusion des Jeux dans les autres communes. Il faut obtenir rapidement du COJOP [comité d’organisation des JOP] une fiche méthodologique sur les droits de diffusion comme cela a pu exister pour d’autres grands événements sportifs. Cela permettrait à l’AMF de répondre à ses adhérents sur ce qui est possible ou pas. Nous n’avons pas encore eu de réponse.

A l’approche des Jeux, quel est votre ressenti ?

Après la phase de critiques et d’inquiétudes, on voit que ça fonctionne : 4251 territoires font vivre le label « Terre de Jeux », les infrastructures sportives sont prêtes, le parcours de la flamme olympique intéresse… Le passage de la flamme dans les territoires trouve à chaque fois un public enthousiaste. De plus, depuis le début, le COJOP a mis le sport valide et l’handi-sport au même niveau. Il existe une seule équipe de France. Aujourd’hui, l'organisation des Jeux se présente bien. Mais il y a aussi des choses parfois moins positives. Je pense notamment à la flamme qui ne passe pas partout car il a été décidé de faire payer 180 000 euros aux départements et certains d’entre eux ont refusé compte tenu du coût. C’est dommage de ne pas avoir réussi à ce que 100% du territoire français bénéficient de ce moment fort et symbolique.

Que signifie pour vous le passage de la flamme paralympique dans votre commune ?

Une vraie fierté ! Son passage le 26 août suscite un engouement autour des élus, des bénévoles et des habitants. Cela constitue aussi une reconnaissance de notre investissement en faveur du sport, depuis des années, comme l’a encore montré l’inauguration en octobre dernier de notre halle sportive dédiée à la pratique du badminton.

L’accueil de la flamme représente aussi un trait d’union entre les différentes populations de Chambly, sans aucune distinction. Trait d’union encore avec les services de la ville. Pour réussir cet événement, quasiment tous vont devoir revenir dix jours avant la fin de leurs vacances. Nous avions besoin d’eux et 99% des agents concernés, surtout dans les services techniques, ont compris le message en acceptant d’être présents dès le 20 août pour préparer l’événement.

A l’avenir, faudra-t-il fusionner le label « Terre de Jeux » avec celui de « Ville active et sportive » ?

Avec les JOP, deux labels ont émergé. Le premier est celui de Centre de préparation aux Jeux (CPJ). Nous avons aujourd’hui 600 équipements qui possèdent un niveau national ou international, apte à la préparation aux Jeux. Demain, le ministère de Sports doit pouvoir s’appuyer sur ce réseau performant de 600 CPJ, répondant à des critères ambitieux, pour organiser des événements sportifs d’envergure sur le territoire en s’appuyant sur les conférences régionales du sport. Cette connaissance qualitative fine n’existait pas jusqu’alors. Cela serait vraiment dommage de ne pas profiter et faire perdurer ce label CPJ. Le second réseau est celui des communes labellisées « Terre de Jeux » ayant un potentiel important pour d'autres usages. Nous réfléchissons à l’articulation des différents labels et à l’utilité ou non de disposer d’un label global en incluant celui de « Ville active et sportive ».

L’Agence nationale du sport (ANS), qui met au même niveau l’Etat, les collectivités, les structures sportives et les entreprises, me semble être le lieu plus adapté pour recueillir tous les éléments de l’héritage des Jeux. Elle doit aussi prendre en charge les labels et traiter la question de leur fusion ou non sachant que leurs vocations ne sont pas les mêmes. A l’AMF, nous plaidons pour un cadre souple.

Après les Jeux, comment faire perdurer l’engouement pour les pratiques sportives ?

Au lendemain de chaque grand événement sportif, il existe toujours un engouement de primo-accédants au sport, quels que soient leurs âges. Par exemple, après la coupe du monde de rugby, le nombre de licenciés a explosé. Ce phénomène existe aussi après chaque édition des JOP et cela va se confirmer à la rentrée, en allant même plus loin grâce à l’impact de la grande cause nationale du sport. Malheureusement, nous arrivons à nos limites de capacité. Déjà aujourd’hui, les équipements disposent de très peu de créneaux libres. L’AMF regrette qu’on ne se pose que maintenant la question de l’après-Jeux malgré nos demandes réitérées.

Nous allons tout faire pour améliorer les pratiques sportives mais il va manquer cruellement d’équipements et d’animateurs sportifs pour répondre à la nouvelle affluence. Si l’ANS a permis d’accompagner de nouveaux équipements, on reste malgré tout loin du compte. Il ne faut surtout pas tourner le dos aux nouveaux pratiquants qui vont arriver

Quelles peuvent être les solutions ?

Il faut être imaginatif et pourquoi pas utiliser l’extérieur, lancer des initiations en plein air et chercher d’autres solutions avec les équipements sportifs non ouverts au public (lycées, universités…). Mais cela ne répondra qu’en partie au problème. De plus, en cette période d’économies budgétaires, ce n’est vraiment pas le moment de faire des coupes dans le budget de l’ANS sur les aides aux équipements.

La ministre des Sports travaille à un projet de loi sur l’héritage des Jeux avec la volonté de ne pas laisser retomber le soufflé. C’est une bonne démarche car nous avons besoin d’une trajectoire plus forte. Le programme « 30 mn d'activité physique quotidienne » est intéressant mais il faut aller plus loin en changeant les mentalités dans les entreprises, les universités ou les administrations pour inciter davantage aux activités physiques et sportives. Le plan « 5000 équipements » a été une réussite, son renouvellement constitue une bonne nouvelle mais à condition que son financement soit préservé. Néanmoins, toutes ces actions restent insuffisantes pour répondre aux défis auxquels est confronté notre parc d’équipements sportifs, vieillissant (à 60%, il est antérieur aux années 80) et énergivore. Il faudrait un plan ambitieux, porté par l’Etat, pour accompagner les collectivités afin de renouveler et réhabiliter les équipements. Il pourrait passer par un grand emprunt qui serait bénéfique pour la population, la pratique sportive mais aussi l’économie locale.

L’autre défi est de trouver une solution face au manque d’équipements sur l’ensemble du territoire pour la pratique sportive au quotidien. Par exemple, il y a des terrains de football partout en France mais très peu avec des vestiaires et de l’éclairage. Tous ces d’équipements doivent être rendus bien plus accessibles.

Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry

(1) David Lazarus est aussi conseiller communautaire délégué « Projet de territoire et solidarités territoriales » de la communauté de communes du Pays de Thelle. De plus, ce spécialiste des questions sportives préside la Commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux sports (CERFRES) depuis 2015.

 

Crédit Photo ©Ville de Chambly

Référence : BW42215
Date : 27 Mai 2024
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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