Fabian Jordan, président de Mulhouse Alsace agglomération : « Il faut impérativement aider les communes face à la crise »
En cette période difficile de crises économique et énergétique, Fabian Jordan, maire de Berrwiller (Haut-Rhin) et président de Mulhouse Alsace agglomération (M2A), défend plus que jamais le rôle de « grand frère » de l’intercommunalité, pour faire ensemble ce que les communes ne peuvent pas faire seules. Pour les aider à passer cette crise, il leur propose des fonds de soutien en investissement comme en fonctionnement ou un déploiement plus fort de l’aide à l’ingénierie. Egalement président de l’association des maires du Haut-Rhin, Fabian Jordan regrette que les aides de l’Etat ne soient pas personnalisées à la situation de chaque territoire, très différente selon la nature des contrats d’énergie et des sources d’approvisionnement énergétique.
Quel est l’impact des crises économique et énergétique actuelles ?
Dans l’est de France, nous avons été fortement impactés financièrement par la crise sanitaire dès le début de la pandémie. On s’en est sorti grâce à une gestion très raisonnée de l’agglomération avec des réserves financières. Nous pensions que la machine allait reprendre ensuite mais cela n’a pas été le cas avec les nouvelles crises économique et énergétique. Le contexte inflationniste s’accompagne d’une baisse des recettes et d’une augmentation exponentielle des charges. Quand les collectivités ne connaissent pas le montant de leurs charges, il est très difficile pour elles d’élaborer un budget.
C’est là qu’intervient notre gouvernance des maires et des élus locaux ayant permis de tisser des liens de confiance entre l’agglo et les communes. Cela est d’autant plus impératif en ces temps difficiles. La crise actuelle se traduit très différemment d’une commune à l’autre. Chacune n’est pas logée à la même enseigne selon la date de signature et de renouvellement de son contrat d’énergie mais aussi selon ses sources d’approvisionnement énergétique.
Les aides mises en place par l’Etat sont-elles adaptées ?
Ces aides devraient être plus personnalisées selon la situation des territoires alors qu’elles sont descendantes et centralisées. Cela ne répond pas à la situation très compliquée de certaines communes n’ayant qu’une seule source d’approvisionnement comme le gaz et peuvent voir leurs factures multipliées jusqu’à dix fois. Une motion d’alerte adoptée par M2A sur les conséquences de la crise énergétique interpelle le gouvernement pour lui demander de territorialiser ses aides.
Le bouclier tarifaire ou l’amortisseur électricité risquent de ne pas changer grand-chose car souvent les communes ne sont pas éligibles, tellement il y a de conditions à remplir. Par ailleurs, je regrette que la demande de l’AMF d’une indexation de la DGF sur l’inflation n’ait pas été entendue. En revanche, la hausse de 7,1% des bases de la taxe foncière va nous aider. Face à une baisse des recettes et une augmentation forte des dépenses, j’ai une vraie inquiétude sur les équilibres financiers à trouver. J’ai demandé aux services de l’agglo de faire des simulations des factures énergétiques des communes pour les aider à établir leur budget.
Quel rôle assignez-vous à l’intercommunalité ?
Je la compare souvent à un grand frère qui permet de faire ensemble ce que les communes ne peuvent pas faire de façon isolée. Et cela en respectant chacune d’entre elles. Je reste convaincu que l’avenir des communes repose sur la réussite de l’intercommunalité. Elle facilite les relations entre les communes et permet d’avancer grâce à une gouvernance de proximité.
Comment accompagnez-vous les communes ?
M2A veut continuer d’investir en respectant notre PPI [plan pluriannuel d'investissement]. Pour éviter que les communes arrêtent de le faire, l’agglomération doit être un facilitateur afin que l’économie locale ne se grippe pas. J’ai mis en place un fonds dénommé « Climat nouvelle donne » avec des aides aux communes fléchées sur la transition écologique et énergétique. Cela concerne des projets de production d’énergies renouvelables ou permettant de réduire leurs frais de fonctionnement, notamment en isolant les bâtiments, en passant l’éclairage au led ou en faisant des économies d’eau.
Un peu frileuses au départ, les communes se sont emparées du fonds, doté de trois millions d’euros, qui constitue un levier qui va permettre pas moins de 30 millions d’euros d’investissements sur le territoire. Elles sont gagnantes deux fois en bénéficiant d’une aide importante à l’investissement et en diminuant leurs frais de fonctionnement.
Concernant le fonds vert mis en place par le gouvernement, il permet de flécher les besoins d’investissement des communes, comme nous l’avons fait avec notre propre fonds.
Faut-il des réponses spécifiques ?
Certaines communes sont très dépendantes du chauffage au gaz et ne peuvent donc pas investir. Nous allons donc les aider davantage sur l’investissement mais aussi sur le fonctionnement, notamment avec l’abondement du fonds de solidarité. Nous les soutenons également sur la mise en place d’une stratégie de sobriété énergétique. Cela permet d’orienter leurs investissements pour leur permettre, là aussi, de baisser leurs frais de fonctionnement. Si les communes suivent cette démarche vertueuse, cela va les aider à passer le cap de cette période difficile.
Pour se donner les moyens de cette politique, j’ai augmenté la fiscalité au niveau de l’agglomération. Sur le foncier nous sommes ainsi passé de 1,58 à 3,58. Nos trois réseaux de chaleur, alimentés par de la récupération de chaleur fatale, permettent de baisser les frais de fonctionnement. Nous voulons faire bénéficier aux communes de ces investissements et nombre d’entre elles vont être reliées à ces réseaux de chaleur. Face au manque d’ingénierie des communes pour monter des dossiers, nous mettons nos services à leur disposition pour les aider prendre les bonnes décisions en matière de production d’énergie. Au-delà, nous déployons au maximum notre aide à l’ingénierie sur tous leurs projets. C’est vraiment le rôle de l’intercommunalité de faire cela.
Quelles premières leçons tirez-vous de la crise actuelle ?
Elle nous a appris à faire différemment et à mieux travailler ensemble. C’est le cas notamment avec des mutualisations ou des services communs entre plusieurs communes pour porter ensemble des projets ou partager les frais. Nous les incitons à mutualiser leurs services techniques, espaces verts, acquisitions de matériels, services juridiques, marchés publics… Tout cela dans le but de réduire les frais de fonctionnement. A Berrwiller, j’ai mutualisé avec trois autres communes l’instruction des permis de construire et cela nous permet aussi d’avoir une réflexion partagée sur les documents d’urbanisme ou les nouvelles contraintes du ZAN. En outre, cela crée plus de liens entre les communes. L’intercommunalité conseille et accompagne mais sans forcément faire elle-même.
Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry
Crédits Photos : ©M2A
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