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Entretien avec Ludovic Rochette, maire de Brognon et président de la CC Norge et Tille : « Un regard bienveillant sur le CRTE mais des interrogations pour la suite »

Maire de Brognon, président de la communauté de communes (CC) Norge et Tille et président de l’Association des maires de la Côte d'Or, Ludovic Rochette ne signera son CRTE (contrat de relance et de transition écologique) qu’en février. La preuve, selon lui, que les services déconcentrés de l’Etat peuvent faire preuve de souplesse quand les circonstances le justifient. Dans son cas, il s’agit de finaliser le projet de territoire qui aura nécessité plus d’un an de travail. Malgré « un regard bienveillant » sur le CRTE et sa démarche de contractualisation, il estime que des interrogations demeurent, en particulier sur les financements. Ludovic Rochette appelle à une deuxième génération de contrats qui nécessiteraient d’être plus globaux.

 

Quel premier bilan tirez-vous des CRTE ?

On revient de loin ! L’Etat a bien compris le besoin de changer les règles du CRTE concernant le calendrier et une meilleure association des communes. Cela a permis d’éviter les tensions avec les élus. Disposer de plus de temps était nécessaire dans le contexte de la crise sanitaire mais aussi pour travailler correctement. Comme pour les appels à projets, de plus en plus nombreux, des délais trop contraints aboutissent à s’adresser surtout aux intercommunalités les plus organisées et favorisées qui disposent d’ingénierie. Malgré la bonne volonté de l’Etat, et la pertinence de certaines de ses politiques, il y a un risque d’accroître encore les inégalités territoriales. Pour solliciter de l’ingénierie, il faut déjà en disposer !

 

A quel point en êtes-vous dans votre intercommunalité ?

Sur les délais, les EPCI de la Côte d’Or vont pouvoir déborder jusque fin janvier. En accord avec la préfecture, la CC Norge et Tille délibérera ainsi sur son CRTE le 31 janvier, avec une signature début février. Cela montre bien que les services déconcentrés de l’Etat peuvent être souples quand la situation le justifie. Ce délai supplémentaire nous permet de finaliser notre projet de territoire qui aura nécessité plus d’un an de travail. Aussi important soit-il, le CRTE n’est que le miroir de notre projet de territoire dans le cadre de notre relation avec l’Etat. Celui-ci doit nous accompagner avec une vision partagée par le bloc communal.

 

Quelles sont vos discussions actuelles avec les services de l’Etat ?

C’est la dernière ligne droite qui porte sur nos fiches action, soit une cinquantaine de projets opérationnels dont six en maîtrise d’ouvrage intercommunale (mobilité, centre de loisirs, rénovation de la base nautique…) alors que tous les autres sont communaux. Des discussions avec les services de l’Etat, 30 à 35 projets devraient être retenus. L’EPCI ne constitue pas un guichet unique car les communes sont partie prenante du CRTE. Elles doivent pouvoir déposer les projets non retenus par le CRTE dans le cadre de financements DSIL ou DETR.

 

Disposez-vous de suffisamment d’ingénierie ?

Dans ma CC, nous avons obtenu le financement d’un VTA (volontaire territorial en administration) qui est arrivé en octobre pour coordonner le CRTE. Mais ce recrutement a été plus facile pour un EPCI périurbain comme le mien qui touche la métropole de Dijon. Le rôle de ce VTA, entièrement dédié au CRTE, est essentiel et j’espère qu’il pourra se poursuivre toute la durée du contrat. Il faudrait que l’Etat continue de le cofinancer au-delà de la durée maximum de 18 mois prévue. Nous disposons aussi d’un conseiller numérique, obtenu dans le cadre du plan de relance, qui se rendra dans chaque commune pour aider les habitants dans leurs démarches administratives.

Malgré ces aides bienvenues, il continue à manquer d’ingénierie de la part de l’Etat. En outre, je rappelle que l’Atesat n’existe plus. Nous avons notamment dû embaucher une juriste à l’association départementale des maires qui croule sous le travail !

 

Comment jugez-vous la démarche du CRTE ?

Elle constitue une évolution intéressante de la part de l’Etat qui s’inspire de ce que nous faisions déjà, notamment avec le département et la région. La nouveauté est donc cette contractualisation sur la durée du mandat qui permet un vrai dialogue entre les élus et les représentants de l’Etat. Il s’agit d’une relation a priori et non plus a posteriori comme auparavant qui est plus constructive. Le travail en commun durant la crise sanitaire est aussi passé par là. Mais ce regard bienveillant sur le CRTE n’empêche pas des interrogations pour la suite. Cette relation de travail avec l’Etat est-elle juste un moment ou une nouvelle culture de négociation ?

 

Les financements sont-ils suffisants ?

C’est l’autre interrogation importante car nous avons besoin d’engagements forts de la part de l’Etat. Le CRTE se limite au fléchage de financements déjà existants. S’y ajoute l’intégration d’appels à projets, comme chez nous le PAT (projet alimentaire territorial) ou le VTA. C’est déjà pas mal mais cela reste insuffisant. La pluriannualité du CRTE doit concerner les financements avec l’Etat, surtout à partir de 2023 où nous manquons de visibilité. 

Par ailleurs, il ne faut pas que le CRTE cannibalise tout afin de permettre aux communes d’avoir leurs propres projets financés par la DSIL ou la DETR. C’est très important !

 

Comment voyez-vous le dispositif sur la durée ?

Pour l’avenir, il faudrait une deuxième génération de CRTE qui soient des contrats plus globaux, un peu à l’image des contrats de plan Etat/régions. Il est aussi nécessaire de pouvoir les modifier au fil de l’eau. Début janvier, les 18 présidents d’EPCI de la Côte d’Or se réuniront pour échanger sur le CRTE et nos approches différentes. Certains n’ont pas fait forcément le choix d’une démarche globale, permis par la dynamique du projet de territoire et du CRTE, à cause surtout de certains périmètres non cohérents induits par la loi « Notre ».

 

Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF

Référence : BW41031
Date : 17 Déc 2021
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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