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Entretien avec Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF : « Les élus s’emparent de plus en plus de leur rôle d’employeur »

Entretien avec Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF : « Les élus s’emparent de plus en plus de leur rôle d’employeur »

La secrétaire générale de l’AMF et co-présidente de sa commission fonction publique territoriale (FPT) et ressources humaines (RH) affirme que les défis actuels des collectivités sont financiers ou relatifs à transition écologique mais concernent également les RH. Murielle Fabre tire la sonnette d’alarme. Le contexte de l’emploi territorial est de plus en plus compliqué avec des difficultés de recrutement et des métiers en tension qui s’accroissent encore. Face à ce manque d’attractivité, le prochain congrès des maires mettra en lumière la grande diversité des métiers de la FPT pour les rendre plus visibles et mieux les reconnaître. Par ailleurs, la maire de Lampertheim (67), et vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, estime que les élus appréhendent mieux aujourd’hui leur rôle d’employeur, en s’appuyant sur les résultats du dernier baromètre HoRHizons.

 

Comment expliquez-vous les problèmes actuels d’attractivité ?

Les collectivités ont besoin aujourd’hui de recruter mais n’y parviennent pas. Cela s’explique par les départs en retraite mais aussi la nécessité de répondre aux nouveaux besoins en matière de numérique, de développement économique ou de transition écologique. Si les collectivités n’arrivent pas à trouver les ressources humaines nécessaires, cela risque de menacer la qualité du service public. 

Ressentez-vous une aggravation de la situation ?

Oui, nous observons des remontées du terrain que nous n’avions pas auparavant. Les maires et les présidents d’intercommunalité s’inquiètent de ne pas réussir à recruter, du manque de candidats ou de l’absence de compétences. Les personnes qui postulent n’ont pas forcément des CV adaptés aux profils des métiers recherchés.

Cela fait déjà plusieurs années que nous connaissons des problèmes d’attractivité sur certains métiers en tension, mais aujourd’hui cette situation se généralise. Cela devient très problématique. Ces métiers en tension concernent avant tout les secrétaires de mairie mais aussi les policiers municipaux, les animateurs, les métiers du soin et de la petite enfance, les métiers techniques, les comptables, les gestionnaires de l’urbanisme… Les grandes collectivités sont également touchées comme j’ai pu le constater par exemple sur l’Eurométropole de Strasbourg avec des difficultés de recrutement sur des postes culturels.

Que préconisez-vous ?

Il est urgent d’agir pour les employeurs territoriaux afin d’attirer les talents, de fidéliser les agents par les parcours professionnels et la mobilité mais aussi de les motiver. Les spécificités de la FPT ne sont pas assez connues et reconnues. Je pense aux métiers qui ne sont pas transposables au secteur privé. A cela s’ajoute le problème de candidats de moins en moins nombreux à se présenter aux concours. Nous allons mettre en lumière tous ces métiers à l’occasion du prochain congrès des maires.

Vous évoquez le besoin de communiquer sur les métiers de la FPT. Comment cela doit-il se traduire ?

Cela doit commencer vis-à-vis des habitants, dans nos relations au quotidien avec eux, afin de stopper le fonctionnaire bashing. N’oublions pas les applaudissements et les petits mots d’encouragement laissés aux éboueurs sur les poubelles durant la crise sanitaire. Sans tous ces agents, il n’y aurait pas de service public ! Il faut revaloriser l’image de la fonction publique.

Nous devons communiquer davantage pour attirer des agents en leur montrant la richesse et la diversité des près de 250 métiers de la FPT. Il faut les rendre plus visibles et leur redonner du sens. La nécessité de communiquer envers le grand public signifie de s’adresser aux écoles et aux formations professionnelles pour faire connaître nos métiers. Il faut aussi créer de nouvelles filières qui soient des vecteurs de recrutement pour les collectivités, être encore plus présents sur les forums sur l’emploi ou travailler davantage avec Pôle emploi pour obtenir des CV plus en adéquation avec les profils recherchés. Nous allons aussi rentrer en contact avec Défense mobilité sur les deuxièmes carrières des militaires. Bref, il faut multiplier les points d’entrée sur les métiers de la FPT et diversifier notre « sourcing ».

Que peut-on faire en matière de rémunération ?

Le baromètre HoRHizons* montre bien que pour les employeurs territoriaux, le premier levier d’attractivité concerne le régime indemnitaire (45,2% des réponses). Un constat déjà fait par l’AMF et le rapport Laurent sur l’attractivité de la FPT. Il y a ici un vrai travail à faire. Je pense notamment aux dépassements des grilles sur certains métiers ou aux contractuels recrutés souvent sur des niveaux d’échelons plus hauts mais qui peuvent ensuite être bloqués au sein d’une même grille. Se pose donc la question de quelles grilles pour quelles évolutions de carrière ? Dans le contexte actuel d’inflation où l’on nous demande de maîtriser nos dépenses, il s’agit d’une équation quasi insoluble avec un manque de réponses adaptées. 

Quelles attentes avez-vous vis-à-vis du gouvernement ?

Le ministre de la Transformation et de la fonction publiques nous a dit que la question de l’attractivité faisait partie des priorités de sa feuille de route. Il faut donc avancer et travailler de concert entre les employeurs territoriaux, les organisations syndicales et le gouvernement sur les pistes jugées prioritaires pour l’attractivité et la façon de progresser. Aujourd’hui, les collectivités sont prêtes à avancer mais n’ont pas les capacités pour financer ces évolutions. Stanislas Guerini a notamment évoqué le travail à faire entre traitement indiciaire et régime indemnitaire. Il va falloir accélérer sur ces pistes. Nous avons besoin de nouvelles perspectives salariales et de ressources pour renforcer nos politiques RH.

Je rappelle que la première préoccupation des élus concerne la maîtrise de la masse salariale. Selon le baromètre, 55 % constatent son augmentation contre seulement 31 % en 2021. L’explication est multifactorielle : le glissement vieillesse technicité (GVT), les nouvelles mesures statutaires issues de la loi « TFP » de 2019, l’impact des mesures catégorielles et sectorielles, les dispositifs conjoncturels, la mise en place du RIFSEEP, la revalorisation de 3,5% du point d’indice (coût de 1,13 milliard d’euros pour les collectivités en 2022 et de 2,3 milliards d’euros en année pleine)… Tout cela pèse beaucoup sur notre chapitre 012 des charges de personnels.

Aujourd’hui, les élus appréhendent-ils mieux leur rôle d’employeur ?

Ils ont évolué sur le sujet même si ce n’est pas leur appétence première. Il s’agit notamment d’un effet de la crise sanitaire avec la mise en place des PCA (plans de continuité d’activités) ou la gestion des ASA (autorisations spéciales d'absence) montrant que la question RH a été au centre de leur fonction d’employeur. Par ailleurs, 54% des élus trouvent le statut adapté, cela veut donc dire qu’ils le connaissent. Le baromètre indique également que tous les élus ont une stratégie RH.

Face à une politique publique à mener, je rappelle qu’on va plus naturellement vers les finances alors qu’il faut aussi s’appuyer sur une stratégie RH car l’un ne peut pas aller sans l’autre. Progressivement, cela fait son chemin, d’autant plus dans le contexte actuel de difficultés de recrutement et de mise en place de nouvelles organisations de travail. Les maires et les présidents d’EPCI prennent de plus en plus conscience de leur fonction d’employeur.

Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry

 

 

*7ème baromètre HoRHizons réalisé par l’AMF, le CNFPT, la FNCDG, Départements de France et Régions de France, avec le cabinet Qualitest. Il est disponible sur le site de l’AMF : https://www.amf.asso.fr/m/document/fichier.php?FTP=eb487a768cbdbb79ef7037494c50a897.pdf&id=40608

 

Référence : BW41401
Date : 17 Oct 2022
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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