Créée le 1er janvier 2019, Morcenx-la-Nouvelle regroupe quatre communes pour 5200 habitants. « Un long travail de pédagogie a été nécessaire auprès des élus, reconnaît son maire Paul Carrère, également vice-président du département des Landes. Le projet a pu également aboutir grâce au projet fédérateur d’une réserve naturelle nationale ». La commune nouvelle a fait ses preuves durant la crise sanitaire, en figurant parmi les interlocuteurs de l'Etat puis en accueillant un centre de vaccination. Coprésident du groupe de travail « communes nouvelles » de l’AMF, Paul Carrère constate que malgré la stagnation des créations, de nombreux projets existent, notamment pour peser plus dans l’intercommunalité. Il demande à l’Etat un accompagnement financier et plus de visibilité pour les élus. Tous ces sujets seront au cœur des débats de la Web conférence (lien vers le programme), organisée par l’AMF le 6 octobre de 14h30 à 16h30, et coprésidée par Paul Carrière et Philippe Chalopin, maire de Baugé-en-Anjou (49).
Comment s’est créée votre commune nouvelle ?
J’ai porté ce projet pendant deux ans et demi pour convaincre les élus de l’intérêt de rebond que permettrait la création d’une commune nouvelle. Il a fallu aller dans tous les conseils municipaux pour concerter et être pédagogique auprès des élus qui n’étaient pas du tout prêts ! Plusieurs groupes de travail ont été mis en place avec notamment le volet financier et fiscal, et cela nous a permis de sortir de certains clichés comme la grande commune voulant manger les petites ! Le projet s’est également appuyé sur des réunions publiques pour bien l’expliquer aux habitants, pendant près d’un an. En septembre 2018, les délibérations des quatre conseils municipaux se sont déroulées en même temps et sur une charte identique. Le vote en faveur de la commune nouvelle s’est fait quasiment à l’unanimité. Les choses ont pu aller ensuite rapidement avec l’accord de la préfecture le 17 décembre et la création officielle de Morcenx-la-Nouvelle le 1er janvier 2019. Pour faire aboutir un tel projet, il faut du temps long pour convaincre et aborder toutes les questions.
Après la création, cela s’est-il bien passé ?
Je pense même que cela s’est très bien passé. Pour preuve, en me présentant aux municipales de 2020 avec une partie de l’ancienne équipe, nous avons été élus dès le premier tour avec 72% des voix, et un taux de participation de 60%, ce qui était assez exceptionnel dans le contexte de la crise sanitaire. Ce résultat s’explique par la présentation d’un vrai projet de territoire, autour de l’aménagement de notre réserve naturelle, en montrant les atouts de la commune nouvelle pour amplifier la coopération. Les habitants ont adhéré et la mayonnaise a pris !
En quoi consiste ce projet de réserve naturelle ?
Il s’agit d’un ancien site industriel d’EDF, exploitant une mine de lignite de 1958 à 1991, qui a ensuite été réhabilité pour reconstituer l'écosystème, puis a été repris par le département. Le site d'Arjuzanx est un vaste milieu naturel qui obtiendra le statut de « réserve naturelle nationale » début 2022 (2300 des 2700 hectares du site). Il abrite notamment des oiseaux migrateurs dont des grues cendrées. Ce projet structurant, très fédérateur pour les élus comme les habitants, s’accompagne d’activités économiques et touristiques. Jouant le rôle d’accélérateur, la commune nouvelle développe avec le département un projet d’éco-tourisme : camping (25 places), réhabilitation d’un site pour en faire un café/restaurant, projet hôtelier… Cet environnement exceptionnel, à moins d’une heure de Bordeaux, nous amène beaucoup de visiteurs mais également de nouveaux habitants. Ce beau projet contribue aussi à forger une identité commune en connectant nos centres-bourgs au site naturel.
Au niveau national, ressentez-vous une stagnation de la création de communes nouvelles ?
Il est vrai que la période de la crise sanitaire a ralenti le phénomène. De plus, le calendrier très soutenu des appels à projets lancés par le gouvernement comme la préparation des CRTE (contrats de relance et de transition écologique) prennent le plus souvent pour porte d’entrée les intercommunalités voire les PETR (pôles d'équilibre territorial et rural). La période actuelle ne semble donc pas très facilitatrice. Mais les choses bougent néanmoins. Je me déplace souvent, notamment dans les Landes, les Pyrénées-Orientales ou en Charente, pour donner des conseils sur des projets de communes nouvelles. Je constate que les nouveaux élus issus des municipales de 2020 commencent à se poser des questions et s’intéressent au modèle de la commune nouvelle, notamment pour peser davantage au sein des intercommunalités. Il nous faut être proactifs pour les aider au mieux.
Qu’attendez-vous de l’Etat ?
Il nous faudrait un nouveau signal de la part de l’Etat pour accompagner ces projets avec des aides fiscales ponctuelles. Même si je sais bien qu’on ne crée pas une commune nouvelle pour des raisons financières, cela permettrait aux élus de franchir le pas sachant que cela coûte plus cher dans un premier temps, en générant des dépenses supplémentaires. Ensuite, c’est l’inverse en permettant des économies et de porter des projets jusqu’alors impossibles. Tout le monde s’y retrouve en offrant à la population plus de qualité dans les écoles, les équipements ou les services. Nous avons besoin que l’Etat s’affirme comme un partenaire et donne plus de visibilité aux élus.
Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry
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