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Entretien avec Sophie Gaugain, vice-présidente de la région Normandie : « Le développement économique, une coconstruction permanente avec les intercommunalités »

Une coopération et une gouvernance fortes entre la région et les EPCI. Sophie Gaugain, première vice-présidente de la région Normandie, chargée du développement économique et du soutien aux entreprises, plaide pour la confiance. Celle qui est aussi maire de Dozulé (2300 habitants, Calvados) et vice-présidente déléguée au développement économique de la communauté de communes Normandie-Cabourg-Pays d'Auge, défend «une méthode de terrain pour ajuster en permanence nos dispositifs par rapport aux besoins exprimés». L’accompagnement des entreprises comme des EPCI passe beaucoup par l’agence de développement de la région. Dans la révision actuelle du Sraddet, Sophie Gaugain souhaite donner plus de souplesse aux intercommunalités face aux contraintes de l’objectif du ZAN. 

 

Votre démarche de partenariat avec les intercommunalités est déjà ancienne. Pourquoi ?

Notre coopération date en effet de 2016 pour la co-construction du SRDEII [schéma régional de développement économique d'innovation et d'internationalisation]. Durant plusieurs mois, j’ai rencontré la quasi-totalité des 69 intercommunalités normandes. Il s’agissait de créer « un pacte territorial de confiance » entre nous, en particulier après la loi « NOTRe » du 7 août 2015 qui a renforcé la compétence des régions en matière de développement économique et suscité quelques inquiétudes de la part des EPCI. 

Un questionnaire sur l’élaboration du SRDEII a été envoyé à toutes les intercommunalités pour connaître leurs demandes, notamment en matière d’investissement. Des besoins spécifiques en formation sont beaucoup ressortis et nous en avons tenu compte. Il y a eu aussi une demande forte sur le soutien à l’export des entreprises. Les résultats sont là avec aujourd’hui une évolution de + 125% sur le nombre d’entreprises normandes exportatrices.  

Depuis, notre méthode n’a pas changé afin de maintenir ce contrat de confiance. La gouvernance est très forte entre la région et les EPCI comme avec les entreprises. Je défends un circuit court dans la décision. Face à une matière économique qui est vivante, il faut être apte à faire évoluer en permanence notre démarche et nos process.

S’agit-il d’avoir une démarche commune ?

Nous nous sommes efforcés, en effet, de construire une politique économique sous une bannière commune. C’est très important pour créer une identité économique normande forte. Nous avons travaillé par grappes d’entreprises pour favoriser l'échange de connaissances, la collaboration et la croissance. En travaillant par bassin d’emploi, nous avons défini ensemble une dizaine de filières industrielles stratégiques comme la chimie-pharmacie, la production d’énergies, l’agro-alimentaire ou encore le nucléaire (bassins de Cherbourg et de Dieppe).

Quelles sont les principales attentes exprimées ?

Les entreprises comme les intercommunalités sont demandeuses d’aides à l’investissement comme d’une simplification administrative forte pour obtenir ces aides. A cette fin, nous avons créé en 2016 l’Agence de développement de Normandie (ADN) qui est un guichet unique pour les aides économiques et le développement des entreprises. Dotée de 60 salariés, elle fonctionne en mode projet pour faciliter la vie des entreprises et des EPCI. Cette agence propose également des webinaires d’information tous les mois. Avec les intercommunalités, elle entretient des liens réguliers.

Par exemple, elle a mis en place le dispositif « Impulsion ingénierie territoires »* pour accompagner les EPCI normands en apportant un soutien en matière de structuration de leur démarche d’attractivité économique et industrielle. Après un appel à candidature lancé en octobre dernier, quatre EPCI ont ainsi été retenus et vont bénéficier d’un accompagnement dédié. De même, l’agence apporte une aide en ingénierie aux plus petites intercommunalités, notamment pour répondre aux appels à projets et aux appels à manifestation d’intérêt (AMI). Je pense en particulier aux AMI européens pour le moins complexes.

Vous avez lancé « l’ADN tour ». De quoi s’agit-il ?

Destiné aux chefs d’entreprise, cet ADN tour » est organisé en ce moment dans toutes les intercommunalités. A l’invitation de la région et de chaque EPCI, les rencontres visent à faire le point sur les aides régionales. J’ai déjà effectué 25 déplacements. C’est une méthode de terrain à laquelle je tiens beaucoup car cela permet d’ajuster nos dispositifs par rapport aux besoins exprimés. Je pense notamment au soutien à l’export des agriculteurs qui transforment leurs produits, pas structurés jusqu’alors à l’international. Nous leur apportons une aide spécifique pour cela.

Répondre aux besoins du terrain passe aussi par la mise en place d’un dispositif d’urgence pour les entreprises particulièrement touchées par la forte hausse des coûts de l’énergie. Nous privilégions celles qui ne sont pas couvertes par les aides de l’Etat.

Vous proposez également un dispositif sur les friches. En quoi consiste-t-il ?

Le partenariat entre la région et l’EPF (établissement public foncier) Normandie est déjà ancien. Dans le cadre d’une convention**, signée pour la période 2022-2026, nous apportons une aide aux collectivités, et surtout aux EPCI, pour mettre en œuvre leurs projets dont le traitement et la reconversion des friches. L’EPF intervient en maîtrise d’ouvrage pour le compte des collectivités pour la réalisation d’études préalables et techniques, financées en grande partie par la région. Ce dispositif, beaucoup utilisé par les intercommunalités, a été abondé récemment par la région.

L’objectif du ZAN (zéro artificialisation nette) inquiète-t-il les intercommunalités ?

C’est même aujourd’hui leur principal sujet d’inquiétude. Nous le voyons bien dans la concertation que nous menons depuis des mois pour modifier le Sraddet [schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires] afin de définir une trajectoire de sobriété foncière visant à atteindre, en 2050, l’objectif du ZAN, ce qui constitue un bouleversement profond dans l’aménagement du territoire. Les intercommunalités insistent sur certaines incohérences de la loi et formulent plusieurs demandes. Une fois encore, nous sommes avec elles en coconstruction, en étant à l’écoute avec des diagnostics partagés. Nous avons tout fait pour éviter le reproche d’une démarche de « centralisme régional » qui a pu parfois être ressenti dans certaines régions.

Les EPCI ont exprimé des réserves sur la révision du Sraddet. C’est pour cela que nous adopterons un avenant au printemps pour permettre un peu plus de souplesse dans l’application du ZAN. S’agissant de la stratégie actuelle de réindustrialisation, érigée à juste titre comme une priorité nationale, il existe vraiment des injonctions contradictoires de la part de l’Etat quand on voit les contraintes du ZAN.

Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry

 

* Dispositif expérimental mené en partenariat avec la délégation aux Territoires d’industrie, programme co-porté par l’ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires), la Banque des territoires, Business France et la préfecture de région Normandie. 

** La convention 2022-2026 entre la région et l’EPF Normandie porte sur 100 millions d’euros, dont 35 millions financés par la région, pour aider les collectivités à mettre en œuvre leurs projets d’aménagement durable, dont la reconversion des friches.

Crédit photo ©Normandie

 

Référence : BW42097
Date : 26 Jan 2024
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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