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Entretien avec Sylvain Laval, coprésident de la commission Transports de l’AMF : « Transfert de la compétence AOM aux communautés de communes : un bilan pas satisfaisant »

Entretien avec Sylvain Laval, coprésident de la commission Transports de l’AMF : « Transfert de la compétence AOM aux communautés de communes : un bilan pas satisfaisant »

La loi d'orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019 avait fixé, dans son article 8, la date limite du 31 mars 2021 aux communautés de communes (CC) pour se saisir de la compétence « mobilité ». Objectif : couvrir l'ensemble du pays en autorités organisatrices des mobilités (AOM) locales. Sur l’ensemble des 965 communautés de communes, 53% sont désormais AOM locales et 47% n’ont pas prises la compétence, la région devenant alors AOM par substitution. Plus d’un an plus tard, quel premier bilan peut-on dresser ? Entretien avec Sylvain Laval, maire de Saint-Martin-le-Vinoux (38) et coprésident de la commission Transports, mobilité et voirie de l’AMF, qui regrette « une très grande disparité territoriale » (lire encadré) et « une situation pas satisfaisante » notamment due à certaines régions n’ayant pas accepté de jouer le jeu. Vice-président de Grenoble-Alpes Métropole, chargé de l’espace public, de la voirie, des infrastructures cyclables et des mobilités douces, Sylvain Laval préside également le Syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise (SMMAG).

 

Plus d’un an après le transfert de la compétence AOM locale aux communautés de communes volontaires, quel premier bilan tirez-vous ?

Je ressens un certain regret car la proportion de 53% de communautés de communes [CC] devenues AOM locales aurait pu et dû être bien plus importante. On constate une très grande disparité territoriale. De même, il existe de fortes différences régionales qui s’expliquent par certaines régions n’ayant pas joué le jeu en bloquant ce transfert. Il en résulte une situation pas du tout satisfaisante pour cette compétence « mobilité » qui constitue un enjeu majeur pour tous les territoires.

 

Vous regrettez donc cette situation ?

Oui, elle apparaît d’autant plus regrettable que la LOM est une loi bien faite, en laissant de la souplesse pour s’adapter aux besoins des territoires et à toutes les configurations possibles. Son esprit était la prise de compétence, tout en restant facultative, afin de couvrir l’essentiel du pays, en permettant à chaque CC de s’exprimer et de faire du sur-mesure. Malheureusement, sa mise en application est tombée à un mauvais moment avec la période électorale mais aussi la crise sanitaire. Cela a refroidi certains élus pour se lancer, notamment face à l’inquiétude de coûts financiers supplémentaires difficilement supportables compte tenu de la période. Dans ce contexte particulier, l’AMF avait demandé un report des échéances pour la prise de compétence, mais le gouvernement a refusé.  

 

Quelle est la part de responsabilité des régions ?

Elle est parfois très importante. Prenons l’exemple de ma région Auvergne Rhône-Alpes qui a vraiment exercé une pression sur les CC afin qu'elles ne prennent pas la compétence AOM. D’autres ont pu se comporter de la même façon, comme le Centre Val de Loire. Cette situation apparaît d’autant plus regrettable que dans ces régions où les CC n’ont pas pris la compétence, les bassins de mobilité ne sont toujours pas définis et les contrats de mobilité entre la région et chaque CC n’ont pas encore été signés, cela alors que la date limite prévue était la fin de l’année 2021. De la part des régions, cela constitue vraiment une démarche perdant-perdant ! Des contacts ont été pris avec elles pour qu’elles revoient leur position. En revanche, pour les autres régions ayant joué le jeu en aidant et en accompagnant les CC pour la prise de compétence, cela se passe beaucoup mieux et les dossiers peuvent ainsi avancer.

 

Que préconisez-vous aujourd’hui pour améliorer la situation ?

Si la prise de compétence AOM découle d’une volonté politique des élus, elle dépend également des moyens financiers à la disposition des intercommunalités. C’est pour cela que nous préconisons aux CC rurales de territoires peu denses de se regrouper en syndicats mixtes, à l’échelle d’un bassin de vie, pour répondre aux besoins particuliers de mobilité des habitants et mutualiser les ressources. Il existe déjà plusieurs exemples dans ce sens qui sont très positifs mais restent malheureusement peu nombreux. Il faut également continuer de travailler avec les régions pour parvenir à améliorer la situation. Au-delà, j’estime que les périmètres des grandes régions demeurent trop importants et donc mal adaptés pour gérer les problématiques d’hyper-proximité de mobilité que connaissent les territoires peu denses.

 

La commission Transports de l’AMF a été auditionnée mi-juin par le CGEDD. Que lui avez-vous dit ?

Lors de notre audition par le CGEDD [Conseil général de l’environnement et du développement durable], nous avons relayé les nombreux points de blocage qui existent et les trop grandes disparités de situations avec le manque de visibilité que cela entraîne pour les élus. Nous avons également pointé des stratégies régionales qui ont parfois été dissuasives envers la prise de compétence par les CC, les régions refusant de la partager ou de s’en défaire. Mettant la pression sur les intercommunalités, certaines régions leur ont même affirmé que la prise de compétence AOM imposait de prendre tout en bloc y compris les transports scolaires, ce qui est faux et contraire à la LOM. Une occasion gâchée car il s’agit là d’un vrai levier pour lutter contre les fractures territoriales. Par ailleurs, nous avons insisté auprès du CGEDD sur l’intérêt de la mutualisation, solution vraiment efficace pour les territoires peu denses.

 

Qu’attendez-vous du gouvernement et du nouveau ministre des Transports ?

Nous demandons à Clément Beaune, le nouveau ministre chargé des Transports, qu’il s’empare au plus vite de cette question et cela en maintenant la souplesse permise par la LOM. Il faut également accorder des moyens financiers supplémentaires notamment sur les infrastructures et les grands projets structurants.

Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry

 

 

Une France coupée en deux

Selon les données définitives fournies par l’Etat et le Cerema fin avril 2022, 53% des communautés de communes sont désormais AOM locales (dont 5% l’étaient déjà avant le 1er janvier 2021). Cela signifie donc que 47% n’ont pas pris la compétence, la région devenant donc AOM locale par substitution dans ces territoires. Derrière ces chiffres se cachent de très fortes disparités régionales. Aucune des trois CC de Guyane n’a pris la compétence alors que la seule CC de Guadeloupe s’en est dotée. En métropole, une bonne part du grand ouest fait figure de bon élève. La prise de compétence concerne plus de 90% des CC dans les régions Pays de la Loire, Bretagne, Normandie et Grand Est, plus de 75% dans celles des Hauts-de-France et de Bourgogne-Franche-Comté. La proportion est d’un peu plus de 50% en Corse et en PACA mais tombe à moins de 30% en Auvergne-Rhône-Alpes et en Nouvelle-Aquitaine. Enfin, elle dégringole en Centre-Val de Loire (environ 20%) et, surtout, en Occitanie, en queue de peloton avec seulement deux CC sur 138 ayant opté pour la prise de compétence AOM.

 

Carte de France Cerema Prise de compétence AOM au 1er avril 2022 :

https://www.cerema.fr/system/files/documents/2022/05/_france.pdf

 

 

Référence : BW41305
Date : 7 Juil 2022
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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