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Éric Woerth plaide pour moins de compétences obligatoires aux EPCI

Un projet de loi sur la décentralisation doit être présenté avant la fin de l’année et s’appuiera sur les conclusions de la mission Woerth qui seront rendues en mai. Le député de l’Oise a déjà avancé certaines pistes, notamment devant les sénateurs, au premier rang desquelles une « indispensable » clarification des compétences des collectivités locales. Il défend également une redéfinition de l’intercommunalité, qui s’accompagnerait d’une réduction du nombre de compétences obligatoires, la territorialisation de la fiscalité nationale, une augmentation du pouvoir réglementaire des élus ou encore un renforcement des pouvoirs des préfets de département « pour mieux satisfaire les demandes des élus ».

Début novembre, le président de la République a confié une mission sur la décentralisation à Éric Woerth, député (Renaissance) de l’Oise et ancien ministre du Budget puis du Travail entre 2007 et 2010. Objectif affiché : « simplifier l’organisation territoriale et clarifier et les compétences ». Sa lettre de mission évoque une « décentralisation plus aboutie et plus efficace ainsi qu’une plus grande déconcentration de l’action de l’Etat ».

Lors de son discours de politique générale au Sénat, le 31 janvier, le Premier ministre a annoncé un projet de loi, « avant la fin de l’année 2024 », en pointant « un enchevêtrement des compétences ». Gabriel Attal appelle à « une simplification forte » et promet une réforme « construite avec les associations d’élus », en s’appuyant sur les conclusions de la mission Woerth qui doivent être rendues au mois de mai.

« Eviter que tout le monde fasse tout »

Le député de l’Oise commence déjà à formuler certaines pistes, parfois assez précises, comme lors de son audition, le 8 février dernier, par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat. D’emblée, il a évacué l’idée de supprimer une strate de collectivités, ayant beaucoup inquiété au début de sa mission, pour privilégier une rationalisation et une clarification de l'organisation territoriale.

A Françoise Gatel, sénatrice (UDC) d’Ille-et-Vilaine et présidente de la délégation, insistant sur la « nécessité de plus d’efficacité et non pas d’un big bang territorial », l’ancien ministre répond avant tout clarification et approfondissement des compétences. « Il faut commencer par remettre de l’ordre », lâche-t-il. Éric Woerth plaide pour « éviter que tout le monde fasse tout et donc en réalité rien. Les collectivités doivent se concentrer sur leurs compétences mais pas plus ». Et de citer l’aide des départements aux communes « qui en profitent souvent pour revenir sur le développement économique ». Il tacle au passage les régions qui n’investiraient pas toujours l’intégralité de cette compétence. « La nature a horreur du vide », ironise-t-il.

Clause de compétence générale pour les seules communes

Le député pointe « des financements croisés dans tous les sens » et préfère que chaque niveau de collectivité se concentre sur ses compétences obligatoires. « A défaut, le débat sur le nombre de strates va revenir », prévient-il. Il concède juste que les multiples interventions des collectivités peuvent se comprendre en période de crise.

Autre critique : « Certaines collectivités n’utilisent pas totalement leurs compétences ». Pensant surtout aux régions, il suggère « d’aller au bout du fait régional en s'appuyant sur leur grande taille ». Et de proposer de nouvelles compétences pour elles en matière de santé ou d’enseignement supérieur. En outre, le député de l’Oise préconise de « clarifier et approfondir certaines compétences déjà existantes comme la solidarité pour les départements ».

Il se dit opposé à toute idée du retour de la clause de compétence générale pour les départements et les régions car serait « le contraire de la clarification et de l’approfondissement de l’exercice des compétences ». Il la défend uniquement pour les communes au motif qu’elle représente « l’élément fondamental de la démocratie locale ».

« Clarification juridique de la notion d’EPCI »

S’agissant du bloc communal, Éric Woerth estime qu’il faudrait « donner plus de pouvoirs au maire, dans les EPCI, sur les sujets fondamentaux concernant sa commune ». Sur l’intercommunalité encore, il prône « une clarification juridique de la notion d’EPCI qui entraînerait une réduction du nombre de compétences obligatoires ». Sans donner plus de précisions pour l’instant sur celles qui seraient concernées, il semble s’orienter vers une vision restrictive en parlant de compétences obligatoires seulement « lorsque l'intérêt national est en jeu », en citant l’exemple de la gestion de l'eau.

Des propos faisant écho à ceux de certains sénateurs comme Olivier Paccaud (apparenté LR) qui exprime « une forte désillusion intercommunale » et juge qu’on est allé « trop loin » dans l’attribution de compétences aux EPCI. Sur le même registre, Mathieu Darnaud, sénateur (LR) de l’Ardèche, demande de « redonner plus de liberté dans l’organisation du bloc communal » et de permettre « la réduction du nombre de compétences obligatoires ».

Pas de jardin à la française

Sur l’architecture des compétences, Éric Woerth réfute toute idée de vouloir un jardin à la française. « Au contraire, je suis favorable à beaucoup d’adaptations locales, permises par la loi, notamment avec les délégations de compétences », explique-t-il en évoquant « tous les outils existants pour s’adapter et être plus proche des préoccupations des citoyens ». Il se dit partisan d’une « augmentation du pouvoir réglementaire des élus ».

Se disant très favorable à la contractualisation, le député de l’Oise considère qu’il faudrait la rendre obligatoire dans certains cas comme entre un département et une métropole lorsque celle-ci couvre une grande partie de son territoire.

Territorialiser la fiscalité nationale

« J’ai bien compris qu’on aimerait retrouver un lien direct entre le contribuable local et le citoyen mais il a été rompu progressivement par la suppression de la taxe professionnelle puis de la taxe d’habitation », admet l’ancien président de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Mais il considère le sujet clos. « On ne va pas refaire le débat car cela a été voté », lance-t-il en évacuant l’idée de rétablir les taxes supprimées, de créer un nouvel impôt local ou d’introduire une contribution résidentielle.

Reconnaissant qu’une réforme des finances locales « ne peut pas se faire au fil de l’eau avec un peu plus de TVA », il défend une territorialisation de la fiscalité nationale existante, avec une « liberté de fixation » pour les collectivités et un lien avec leurs charges les plus importantes. « J’aspire à un système où les régions, les départements et les communes aient une part de liberté dans leurs taux de fiscalité », ajoute-t-il.  

Sur les dotations, le député de l’Oise balaye « tout fléchage inutile ». Autre piste avancée : globaliser les différentes dotations d’investissement et d’équipement (FNADT, DSU, DETR, Fonds vert, fonds des différentes agences…). « Il pourrait y avoir une part de pluri-annualité vu les demandes et les besoins des communes et des EPCI pour leurs projets », selon lui. Sur la même ligne, il jugerait utile la mise en place d’une loi de programmation (trois ans) « pour fixer les grandes enveloppes ».

Plus de pouvoirs et d’autonomie pour les préfets

Au sujet de la déconcentration, Françoise Gatel souhaite un « Etat qui puisse parler d’une seule voix dans les territoires avec un préfet de département chef d’orchestre des services et de leurs agents et assurant ‘le service après-vente de la loi’ auprès des élus locaux ». En phase avec ce constat, Éric Woerth juge « logique que le préfet ait plus de pouvoirs et d’autonomie de gestion pour mieux satisfaire les demandes des élus ».

Insistant sur « le rôle important du préfet qui connaît bien son département et les élus, et doit pouvoir gérer toutes les injonctions contradictoires », il plaide pour lui donner une plus grande capacité d’arbitrage, citant l’exemple de l’Education nationale et des regroupements pédagogiques. « Le préfet a déjà aujourd’hui un pouvoir de dérogation mais qui reste factice car la décision doit remonter à l’administration centrale », admet-il, en estimant que cela doit changer.

Philippe Pottiée-Sperry

 

Référence : BW42133
Date : 23 Fév 2024
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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