Suite aux risques générés par les produits structurés contractés par les collectivités territoriales mis en lumière à partir de 2008, il a été décidé d’agir sur la prévention des risques futurs, ainsi que sur l’élimination des stocks dont l’extinction naturelle pourrait courir au-delà de 2030.
Depuis 3 ans, le Conseil de normalisation des comptes publics (CNOCP) menait des travaux sur les méthodes de comptabilisation et d’évaluation des dettes financières et des instruments dérivés.
Par un avis du 8 juillet 2011[1], le CNOCP s’est prononcé dans un premier temps sur l’information des assemblées délibérantes relatives aux instruments financiers via les annexes budgétaires : pour davantage de transparence, les informations relatives aux emprunts contractés et les risques qui s’y rattachent devaient être mentionnés en annexe aux comptes de la collectivité.
Dans un second temps, le CNOCP s’est consacré aux règles de comptabilisation des emprunts, des instruments dérivés et des opérations de couverture afin de retranscrire fidèlement en comptabilité les risques supportés par la collectivité. Dans un avis du 3 juillet 2012[2], le CNOCP a exposé ses recommandations sur les critères de provisionnement des risques liés à l’emprunt. Un guide pratique du provisionnement des risques a été diffusé par la DGFIP le 15 juillet 2013 afin de présenter aux collectivités les modalités d’analyse des risques liés à l’emprunt, et encourager à provisionner les contrats considérés comme « complexes » (catégories supérieures à C ou à 3 selon la chartre « Gissler »).
La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a voulu aller plus loin : dans son article 94, il est prévu l’obligation de provision pour tous les emprunts structurés souscrits à compter du 1er janvier 2014, pour toutes les collectivités territoriales. A cet effet, l’article 2 de l’arrêté du 16 décembre 2013 relatif à l'instruction budgétaire et comptable M. 14 applicable aux communes et aux établissements publics communaux et intercommunaux à caractère administratif, avait par anticipation, acté la création d’un compte « Provisions pour risques sur emprunts » à compter de l’exercice 2014, pour permettre de provisionner ces emprunts toxiques.
Cette obligation fait suite à la loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires interdisant la souscription de produits toxiques à compter du 1er janvier 2014. Avec ces deux lois, la possibilité de recourir à des produits structurés fut définitivement circonscrite. Le décret n° 2014-984 du 28 août 2014 relatif à l'encadrement des conditions d'emprunt des collectivités territoriales, de leurs groupements et des services départementaux d'incendie et de secours, est par la suite venu fixer le plafond des taux d’intérêt, qui doivent correspondre à « un taux usuel du marché interbancaire de la zone euro, du marché monétaire de la zone euro ou des emprunts émis par un Etat membre de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro (…) ». Il est également précisé que ces taux ne sauraient « devenir supérieurs au double de celui le plus bas constaté dans les trois premières années de la vie de l’emprunt ».
Si la prise de risques n’est désormais plus permise, concernant les emprunts souscrits avant le 1er janvier 2014, aucune obligation légale n’imposait aux communes de de provisionner le stock (qui était susceptible de contenir des produits potentiellement toxiques).
La mise à jour du Guide pratique du provisionnement des emprunts à risques était donc, pour ainsi dire, attendue sur le sort des emprunts souscrits avant le 1er janvier 2014.
C’est finalement la solution d’un mécanisme de neutralisation qui a été retenue dans la nouvelle version publiée courant septembre. De quoi s’agit-il ? Pour ne pas faire supporter une charge supplémentaire aux collectivités locales, les emprunts souscrits avant le 1er janvier 2014 peuvent faire l’objet d’un provisionnement. Mais cette imputation « sur la situation patrimoniale nette, sera sans réduction de l’excédent budgétaire disponible », plus précisément « les variations annuelles des provisions relatives aux emprunts souscrits avant le 1er janvier 2014 sont sans impact sur le solde budgétaire. Il est proposé pour ces seuls emprunts de neutraliser au compte de résultat l’impact des dotations et des reprises ».
Par ce mécanisme de neutralisation, les variations annuelles des provisions sont sans impact sur le solde budgétaire. Dans ces conditions, le provisionnement des produits structurés contractés avant l’année 2014 n’a vocation qu’à afficher le risque supporté par la collectivité, et non pas à le financier en prévention.
L’intérêt du provisionnement des emprunts toxiques est qu’il vise à contrer les mauvaises surprises dues à la forte volatilité des produits, en inscrivant comme dépense obligatoire les provisions relatives aux emprunts à risques. Le montant à provisionner s’appuie sur le différentiel entre le taux de référence du marché au moment de la souscription de l’emprunt, et le taux structuré variant chaque année. Le provisionnement obligatoire permet ainsi de mieux traduire comptablement les risques pris du fait de la souscription de certains emprunts structurés.
En rappelant que le provisionnement des emprunts toxiques contractés à compter du 1er janvier 2014 est obligatoire, alors même que leur souscription est interdite par la loi du 26 juillet 2013, et en dénuant d’effets budgétaires les provisions pour les emprunts antérieurs à 2014, c’est tout le dispositif qui se retrouve neutralisé.
Le Guide est accessible ci-dessus, ou téléchargeable sur collectivites-locales.gouv.fr (portail de la DGCL et de la DGFiP) à l’adresse suivante :
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[1] Avis n° 2011-05 du 8 juillet 2011 relatif à l’information comptable des dettes financières et des instruments dérivés des entités à comptabilité publique relevant du code général des collectivités territoriales, du code de l'action sociale et des familles, du code de la santé publique et du code de la construction et de l'habitation.
[2] Avis n° 2012–04 du 3 juillet 2012 sur la comptabilisation des dettes financières et des instruments dérivés des entités à comptabilité publique relevant du code général des collectivités territoriales, du code de l'action sociale et des familles, du code de la santé publique et du code de la construction et de l'habitation.
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