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La contribution de l’AMF à la concertation lancée par le gouvernement pour pérenniser les ZRR

Le gouvernement a lancé, le 26 octobre, une concertation pour pérenniser le dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR) qui concerne près de 18 000 communes. Des décisions doivent être prises début 2023, s’appuyant notamment sur un rapport parlementaire et un rapport de l’AMF, rendu public le 19 octobre. Les 15 recommandations de l’association plaident pour maintenir le seul dispositif entièrement fléché sur les territoires ruraux mais aussi le renforcer et l’élargir. Elle propose notamment de revenir à l’échelle communale, en laissant une option intercommunale possible pour les territoires très ruraux, ou de créer deux niveaux de ZRR. L’AMF et le Sénat travaillent de concert sur ce dossier.

Des propositions début 2023

Dans l’attente de décision depuis des mois, le dossier des ZRR connaît un coup d’accélérateur. La mission parlementaire, emmenée par les sénateurs Frédérique Espagnac et Bernard Delcros et les députés Anne Blanc et Jean-Noël Barrot, qui avait rendu discrètement son rapport au gouvernement en avril dernier, pour cause de campagne présidentielle, lui a remis officiellement le 26 octobre. Dans la foulée, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, a confié à Dominique Faure, secrétaire d’État chargée de la Ruralité, une concertation sur l'avenir des ZRR.

Alors que le temps presse avec le dispositif qui s’achève fin 2023, après une prolongation de deux ans, Dominique Faure affirme vouloir mener rapidement le dialogue avec les associations d’élus, les parlementaires et les acteurs associatifs et économiques. Un travail qui sera fait avec l’appui du préfet François Philizot.

« La concertation doit aboutir à des propositions crédibles pour l'avenir des ZRR et permettre de renforcer l'attractivité des territoires ruraux », affirme la secrétaire d’Etat. Elle fera des propositions pour pérenniser le dispositif, à la Première ministre, « au début de l’année 2023 » qui devraient se traduire par un texte de loi. Reconnaissant « l’importance du dispositif pour les élus ruraux », Dominique Faure devrait évoquer des premières pistes au congrès des maires, le 23 novembre, lors du débat sur la ruralité.

L’AMF et le Sénat veulent « avancer ensemble »

La veille de la remise du rapport aux ministres, le 25 octobre, Régine Poveda, maire de Meilhan-sur-Garonne (47), et Ludovic Rochette, maire de Brognon et président des maires de la Côte d’Or, auteurs du rapport de l’AMF sur le devenir des ZRR, rendu public le 19 octobre, ont détaillé leurs 15 recommandations aux sénateurs Frédérique Espagnac et Bernard Delcros. Avec l’objectif affiché « d’avancer ensemble sur ce dispositif défendu par les élus locaux ». De plus, le sénateur Rémy Pointereau poursuit son travail sur le financement du dispositif.

Les 15 propositions de l’AMF visent à défendre, améliorer et renforcer le dispositif créé en 1995 avec un ensemble de mesures fiscales et sociales pour soutenir le développement des territoires ruraux. Il rejoint de nombreuses propositions du rapport parlementaire dont le retour à l’échelle communale ou la création de deux niveaux de ZRR.

Attachement fort au dispositif

« Cette politique est plus importantes que l’Agenda rural car il s’agit d’un dispositif universel ayant fait la preuve de son efficacité », juge David Lisnard, le président de l’AMF. « Les différentes politiques de ruralité manquent d’un socle que pourraient constituer les ZRR », ajoute Ludovic Rochette. Aujourd’hui, elles concernent près de 18 000 communes (1), dont 72% ont moins de 500 habitants, dix millions de Français et 24 000 entreprises. Le coût pour l’Etat et les collectivités des exonérations fiscales et sociales s’élevait à 289 M€ en 2018 (315 M€ en 2017).

Suite à leurs auditions, confortées par les résultats d’une enquête réalisée par l’AMF (3089 réponses d’élus dont 928 complètes), la mission « Poveda-Rochette » constate un attachement fort des élus aux ZRR (85% confirment sa nécessité). Elle plaide pour les renforcer, en particulier s’agissant des aides aux entreprises, aux professions libérales (dont les professionnels de santé), aux agriculteurs ou aux structures d’aide à domicile. Objectif : améliorer l’efficacité du dispositif et mieux le faire connaitre. Cela pourrait passer par « une aide aux déplacements » (forfait kilométrique, aide à l’acquisition de véhicule…) pour les services d’aide à domicile dont les missions couvrent souvent un secteur très étendu.

Evaluation et suivi annuel

Le maintien des ZRR devrait s’accompagner d’une évaluation des critères et des outils du dispositif qui manque cruellement et constitue « un préalable indispensable à toute réforme efficace ». Notamment avec des simulations avant toute modification des critères de classement afin d’éviter des sorties du zonage. S’y ajouterait un suivi annuel, assuré au niveau national par l’ANCT en liaison avec les associations d’élus, et, au niveau local, avec le préfet, en collaboration avec les services fiscaux et l’URSAFF.

La mission propose de maintenir les critères existants (densité de population et revenu fiscal par unité de consommation) mais d’en ajouter d’autres comme l’isolement qui accentue les besoins de mobilité et de services. Près de 90% des élus y sont favorables.

« Un système mixte et assoupli »

Autre proposition : revenir à l’échelle communale. « Nous sommes sur la même position que les sénateurs afin d’être au plus proche des besoins », précise le maire de Brognon. « Cela renvoie à la subsidiarité et à la volonté des communes, avec plus d’efficacité quand c’est choisi », ajoute David Lisnard. Ludovic Rochette précise que l’échelle intercommunale (devenue la règle avec la réforme de 2015) pourrait être maintenue quand elle démontre sa pertinence pour les communes très rurales. Il prône donc « un système mixte et assoupli ».

Selon la mission, le retour à la commune permettrait d’éviter l’exclusion de communes pauvres situées dans un EPCI riche ou, à l’inverse, de communes riches dans un EPCI pauvre. Par ailleurs, elle souhaite intégrer dans le zonage des communes fragiles isolées dans un EPCI non classé ou d’en sortir, après simulations, des communes urbaines.

Impliquer davantage les EPCI

Une autre recommandation vise à impliquer davantage les EPCI dans le dispositif, en dehors de toute considération de zonage, du fait de leur compétence de développement économique. Cela pourrait notamment se traduire dans une coordination des interventions de tous les acteurs locaux dans un projet de territoire permettant de renforcer l’efficacité de la ZRR. « Mais cela doit se faire en dehors de toute contractualisation avec l’Etat et ne pas être ainsi intégré au CRTE qui n’a pas du tout la même finalité », insiste Ludovic Rochette.

Deux niveaux avec des ZRR et des ZRR+

Pour mieux répondre à la diversité des territoires ruraux, il est défendu la création de deux niveaux de zonage : les ZRR (territoires peu denses) conservant les aides du dispositif actuel et les ZRR+ (territoires très peu denses) avec un accompagnement renforcé et ciblé (prise en compte des critères de l’isolement et de l’absence d’accès aux services). « Une démarche pragmatique », selon le maire de Brognon.

Pour renforcer le dispositif, la mission « Poveda-Rochette » suggère de créer une communication spécifique aux ZRR et différenciée selon ses cibles. Elle évoque aussi l’idée d’un changement de dénomination des ZRR pour lui donner un caractère plus positif. De plus, elle plaide pour disposer de plus d’ingénierie et d’un guichet unique simplifié. Pour muscler les ressources humaines, la venue de fonctionnaires serait facilitée par une majoration du traitement indiciaire. Et les aides de l’Etat aux dispositifs des volontaires territoriaux en administration (VTA) et des conseillers numériques France services seraient pérennisées.

Intégrer des mesures spécifiques sur le logement

Sur la question du logement, pas prise en compte aujourd’hui par les ZRR, la mission plaide pour renforcer les aides fiscales et la rénovation des logements. Elle propose une politique de lutte contre la vacance ciblant spécifiquement les ZRR. Autre demande : disposer d’une fiscalité du logement similaire à celle qui existe en QPV ou pour les « zones tendues ».

Dans le détail, les ZRR pourraient bénéficier de dispositifs, notamment fiscaux, favorisant la construction neuve et la réhabilitation de l’ancien. Cela permettrait d’accompagner l’offre en accession et en location ou de lutter contre l’inflation des loyers dans certains territoires.

Pour l’installation et le maintien des professionnels de santé dans les communes classées en ZRR, la mission défend l’amplification des mesures « mais en évitant les effets d’aubaine et la concurrence entre les territoires », souligne Ludovic Rochette. Il insiste aussi sur la nécessité des aides pour faciliter le maintien à domicile, « car là aussi il faut limiter le coût de l’isolement ».

Une aide au maintien du dernier commerce

Cécile Gallien, maire de Vorey-sur-Arzon (43) et co-présidente de la commission Territoires ruraux de l’AMF, défend l’utilité du classement de sa commune en ZRR, permettant 90 000 € d’exonérations de charge pour l’Ehpad ou 30 000 € pour la crèche associative. Et de souligner que ce classement permet, en outre, des aides des Agences de l’eau pour la rénovation des équipements d’eau potable.

« Il faut aussi mettre le paquet sur le dernier commerce », insiste le maire de Brognon. Il propose ainsi la création d’un fonds dédié pour accompagner l’intervention publique des communes classées en ZRR au titre de la sauvegarde du dernier commerce (sédentaire ou ambulant). De plus, la mission demande le maintien de tous les dispositifs et outils bénéficiant aux communes et EPCI.

Philippe Pottiée-Sperry

 

(1) 13 669 communes classées et 4018 communes maintenues dans le cadre du régime transitoire depuis 2017.

 

Pour aller plus loin

Rapport de la mission « Poveda-Rochette » :

https://www.amf.asso.fr/m/document/fichier.php?FTP=471b6aaa7a45a5df12aefd6f188d45ab.pdf&id=41395

Enquête de l’AMF sur les ZRR :

https://www.amf.asso.fr/m/document/fichier.php?FTP=bfc974129fa91eb6060392afac961eb4.pdf&id=41395

Rapport parlementaire « Espagnac, Delcros, Blanc, Barrot » :

https://www.bdelcros-senateur.fr/wp-content/uploads/2022/04/64-Rapport-sur-les-ZRR-Avril-2022.pdf

Référence : BW41415
Date : 31 Oct 2022
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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