Une note de Jean-René CAZENEUVE, rapporteur général du Budget de l’Assemblée nationale vante les effets supposément positifs de la « suppression » des ressources locales sur le pouvoir d’achat, et sur la situation financière des collectivités locales.
L’AMF rappelle tout d’abord que parler de « suppression d’impôts » est un abus de langage. En effet, le poids des ressources locales dites supprimées, et partiellement compensées aux collectivités, est désormais supporté par le budget de l’Etat, et donc nationalisées. Local ou national, il n’y a qu’un seul contribuable, et cette charge repose toujours sur les citoyens. Pour preuve, le taux des prélèvements obligatoires en France est le plus élevé d’Europe.
L’AMF constate aussi que la suppression des impôts locaux nourrit le déficit de l’Etat. La politique de nationalisation d’impôts locaux, taxe d’habitation et CVAE, auxquelles s’ajoute la moitié de la CFE et de la TFPB pour les établissements industriels, ont coûté 53 Md€ au budget de l’Etat, financés par de la dette. La dette de la France atteint ainsi 110,6% du PIB en 2023, contre 98,5 % du PIB en 2017 : c’est essentiellement la dette de l’Etat qui augmente, passant de 76,9% du PIB en 2017 au niveau inédit de 89,7 % PIB en 2023. Cette politique sera donc supportée par les contribuables futurs chargés de rembourser cette dette et ses intérêts.
L’AMF signale que l’objectif de soutien au pouvoir d’achat est loin d’être atteint. Les prélèvements obligatoires à 43,5% du PIB restent parmi les plus élevés d’Europe. En outre, contrairement à ce qui est avancé par le député CAZENEUVE, la suppression de la TH n’a pas eu d’effet redistributif.
L’AMF rappelle en effet que plus de 40% des ménages, les plus modestes, ne payaient pas ou peu de taxe d’habitation. De même, la suppression de la CVAE devait améliorer la compétitivité des entreprises. Pourtant en 2024, les prévisions de croissance à 1% restent faibles en plus d’être jugées trop optimistes.
L’AMF réfute l’affirmation d’un maintien du pouvoir de taux et regrette que la note de Jean-René CAZENEUVE omette de préciser que la concentration des deux tiers de la fiscalité locale sur les propriétaires réduit d’autant les marges de manœuvre des élus du bloc communal. Concernant la TEOM citée dans cette note, l’AMF rappelle que cette ressource n’est pas libre d’emploi, et reste une taxe affectée au financement du service correspondant. En citant la taxe d’habitation sur les logements vacants, la note omet aussi de rappeler que toutes les collectivités ne peuvent y recourir.
La compensation des ressources supprimées n’est en outre que partielle. La compensation de la TH est en effet calculée sur la base de taux figés à leur valeur de 2017 et les nouveaux habitants ne sont pas pris en compte dans les calculs.
Il manque ainsi près d'1 milliard d'euros de compensation annuelle de TH, auquel s’ajoute une perte de 750 M€ sur la CVAE. Ces pertes de recettes locales s'ajoutent aux 71 Md€ de pertes de DGF depuis 2010.
Cette situation entrave la capacité d'investissement public, supporté à 70% par les collectivités locales. C’est d'autant plus préjudiciable que les investissements à financer, notamment pour la transition écologique, sont très importants et soutiennent l’économie de proximité.
Plus grave, cette politique de suppression par la nationalisation des impôts locaux affaiblit la démocratie locale. Remplacer des impôts locaux par des dotations conduit à priver les collectivités de leur liberté et de leur responsabilité fiscale, et éloigner encore davantage la décision du citoyen.
Il est grand temps de changer d'approche. C’est la raison pour laquelle David LISNARD, Président de l’AMF, a proposé un débat sur les finances publiques au Président de la République.
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