C’était l’une des mesures de la réforme des retraites de 2023 : depuis cette réforme, le dispositif de retraite progressive faisait sa réapparition dans la fonction publique. Réapparition, parce que le système n’est pas nouveau : il a longtemps existé sous le nom de CPA (cessation progressive d’activité) dans la fonction publique, avant de disparaître en 2011.
La réforme de 2023 a donc fait renaître le droit, pour les fonctionnaires, de diminuer leur activité à l’approche de la retraite, et de commencer à toucher une partie de leur pension de retraite. Les modalités ont été fixées par décret : jusqu’à présent, cette possibilité était ouverte à partir de deux ans avant l’âge légal de départ, donc à partir de 62 ans ; et l’agent doit avoir cotisé au moins 150 trimestres.
Le décret paru mercredi 23 juillet change la donne : à compter du 1er septembre prochain, le dispositif ne sera plus ouvert aux agents étant à deux ans de l’âge légal de départ, mais à partir de 60 ans.
Cette évolution est une conséquence d’un accord passé entre les employeurs du secteur privé et les syndicats en novembre dernier : il s’agit de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 14 novembre 2024, et plus particulièrement son avenant en faveur de l’emploi des salariés expérimentés. Cet accord prévoit notamment de « faciliter l’accès et renforcer l’attractivité de la retraite progressive », en ouvrant ce dispositif « à compter de 60 ans ».
Mais cet accord a été signé, répétons-le, par les organisations d’employeurs du secteur privé (Medef, CPME et U2P), sans qu’à aucun moment l’avis des employeurs territoriaux soit sollicité.
Et pourtant, le gouvernement a décidé d’appliquer la mesure, de façon parallèle, dans les trois versants de la fonction publique, sans concertation avec les associations d’élus, pourtant concernées au premier chef. En d’autres termes, une concertation menée entre employeurs privés et syndicats de salariés s’applique au secteur public sans que celui-ci ait été associé aux discussions, ce qui pose un problème de méthode. L’AMF a rappelé, lors du passage de ce décret devant le Conseil national d’évaluation des normes, qu’elle a eu connaissance de l’abaissement de la retraite progressive à 60 ans… par la presse.
Si en effet la mesure représente un progrès social pour les agents concernés, il aurait été à tout le moins utile de connaître les impacts financiers et organisationnels de la réforme. Ce qui n’avait déjà pas été le cas lors de la réintroduction de la retraite progressive en 2023, et ne l’est pas plus aujourd’hui.
En 2023, les employeurs territoriaux avaient déjà posé un certain nombre de questions, restées sans réponse, sur ces impacts, notamment sur les comptes de la CNRACL (Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales), déjà en grande difficulté.
Au-delà de l’impact financier, inconnu, pour la CNRACL, se pose la question de l’applicabilité de la réforme dans les collectivités, et notamment dans les petites communes : si un agent demande à passer en retraite progressive, il faut bien le remplacer pendant les heures qu’il ne fait plus, avec très souvent des agents qui exercent leurs fonctions à temps non complet parfois avec une très faible quotité d’heures – ce qui n’a rien d’évident dans un contexte où l’attractivité de la fonction publique territoriale n'est pas au plus haut. Cette réforme peut conduire à une désorganisation du service – sans que, là encore, cette question ait été abordée ni discutée dans les instances de dialogue social de la fonction publique territoriale.
Il est d’ailleurs à noter que le projet de décret a été présenté une première fois devant le Conseil national d’évaluation des normes du 7 mai, ce qui a permis à l’AMF de poser ces questions au ministère concerné. Le projet de décret a été représenté le 5 juin, sans que l’AMF ait obtenu la moindre réponse ni même ait été contactée par le ministère.
Une bien curieuse vision du dialogue et de la concertation entre État et collectivités, dont l’actuel gouvernement se dit pourtant un chaud partisan.
Franck Lemarc pour Maire-info, article paru le 25 juillet 2025.
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