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Le Sénat introduit une dose de parité dans les exécutifs communautaires

À l’issue d’un débat passionné, hier, le Sénat a voté, dans le cadre de l’examen du projet de loi Engagement et proximité, une disposition visant à améliorer la parité au sein des bureaux des EPCI. Une disposition complexe, mais qui, selon ses auteurs, permet d’aller « aussi loin que possible ». Il s’agit de tenter de répondre à l’épineuse question de la place des femmes dans les exécutifs intercommunaux – dont chaque rapport annuel montre que ce sont les parents pauvres de la parité. Il y a un an encore, le rapport du HCEfh (Haut conseil à l’égalité femmes hommes) rappelait le « déficit paritaire » des EPCI : 92 % des présidents en sont des hommes ; il n’y a que 34 % de conseillères communautaires, et 20 % de femmes dans les exécutifs. 
Il s’agit évidemment de la conséquence de l’absence de contrainte paritaire pour les élections municipales dans les communes de moins de 1000 habitants. C’est pourquoi la présidente du HCEfh, Danielle Bousquet, appelait l’an dernier à « en finir avec les zones blanches de la parité », rappelant que « sans contrainte, pas de parité ». 
Depuis, plusieurs évolutions législatives ont été proposées. Notamment une proposition de loi, déposée en mars dernier par la députée Marie-Pierre Rixain (LaREM, Essonne), reprend l’essentiel des propositions élaborées par l’AMF sur ce sujet : premièrement, il était proposé d’étendre le scrutin de liste à toutes les communes sans distinction de taille – ce qui aurait pour effet d’imposer mécaniquement la parité dans les conseils municipaux des communes de moins de 1000 habitants. Et deuxièmement, d’imposer un duo paritaire à la tête des exécutifs locaux (maire/premier adjoint dans les communes et président/premier vice-président dans les EPCI). 
Cette proposition de loi n’a pour l’instant eu aucune suite parlementaire. 

Représentation proportionnelle des femmes parmi les vice-présidents
Beaucoup espéraient que le projet de loi de Sébastien Lecornu et Jacqueline Gourault, Engagement et proximité, contiendrait des mesures pour améliorer la parité. Cela n’a pas été le cas, ce que plusieurs sénateurs ont relevé dès la discussion générale du texte, en début de semaine (lire Maire info du 9 octobre). 
Pour y remédier, un certain nombre d’amendements ont été débattus, mercredi et hier. Deux amendements similaires, l’un émanant du groupe socialiste et l’autre signé des deux co-rapporteurs du texte, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, ont été adoptés. Le gouvernement – représenté par Sébastien Lecornu – ne s’y est pas opposé, en appelant à la sagesse du Sénat. 
Pour comprendre cet amendement, il faut savoir que le Sénat a préalablement adopté une modification du mode d’élection des vice-présidents du bureau des EPCI. Celle-ci se fait actuellement au scrutin uninominal, ce qui est très lourd à mettre en œuvre et suppose parfois plusieurs heures (voire dizaines d’heures, ont signalé certains sénateurs). La commission des lois a adopté un nouvel article introduisant l’élection des vice-présidents au scrutin de liste bloqué, à la majorité absolue. Maire info reviendra ultérieurement sur ce dispositif, qui a fait l’objet d’un très long débat au Sénat. 
À partir de là, les amendements adoptés sur la parité imposeraient une règle nouvelle, dont la formulation laisse présager la très grande complexité : « Sur chacune des listes, le nombre de candidats de chaque sexe ne peut être inférieur au produit, arrondi à l'entier inférieur, du nombre de vice-présidents multiplié par le quotient du nombre de membres en exercice de l’organe délibérant de ce sexe divisé par le nombre total de membres en exercice de l'organe délibérant. » Pour le dire un peu sommairement, l’idée est de placer obligatoirement sur la liste des vice-présidents un nombre de femmes proportionnel au nombre de femmes élus dans le conseil communautaire : si un conseil communautaire comporte 30 % de femmes, il devrait y avoir 30 % de femmes parmi les vice-présidents de l’exécutif.
Un amendement complémentaire du groupe socialiste, demandant que « le premier vice-président (soit) élu parmi les délégués d’un sexe différent de celui du président », n’a en revanche pas été adopté. 
Françoise Gatel, notamment, a expliqué que l’amendement voté était un amendement de compromis, dans la mesure où la véritable parité ne pourra exister que lorsque toutes les élections municipales se feront au scrutin de liste. D’autres sénateurs ont abondé dans ce sens : « Il n'y a pas de véritable solution dès lors que l'échelon de base n'a pas la parité », a déclaré Charles Guené (LR, Haute-Marne) ; « la seule façon d'aller vers la parité, c'est d'imposer le scrutin à la proportionnelle dès 200 habitants », pour Alain Marc (Les Indépendants, Aveyron). Éric Kerrouche, pour le PS, a défendu la même orientation. 

« Dégâts collatéraux »
Chacun semble donc conscient du caractère encore insuffisant du dispositif proposé. Et certains ont également pointé le risque de « dommages collatéraux » : une mesure ayant le louable objectif de favoriser la parité pourrait avoir pour conséquence involontaire de bouleverser les équilibres territoriaux au sein des EPCI. Car on sait que ce sont les villes centres des intercommunalités qui envoient le plus de femmes dans les conseils communautaires. Avec le nouveau dispositif, elles seraient forcément élues vice-présidentes. C’est ce qu’a expliqué Agnès Canayer (LR, Seine-Maritime) : « La parité obligatoire dans les exécutifs se fera au détriment des petites communes, puisque ce seront les adjointes des grandes villes qui seront forcément vice-présidentes, et non les maires des petites communes. »

Le débat est loin d’être clos, et il reprendra à l’Assemblée nationale.

Franck Lemarc


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Référence : BW39649
Date : 11 Oct 2019
Auteur : Franck Lemarc


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