Il s’agit d’un impératif peu connu de la loi Egalim : pour Isabelle Maincion, référente pour la restauration scolaire à l’Association des maires de France, il n’est « pas tout à fait sûr » que l’ensemble des communes soient prêtes, dans un mois, à servir un menu végétarien par semaine, comme leur impose l’article 24 de la loi.
« Le texte est ambigu. Comme il s’agit d’une expérimentation, beaucoup de maires pensaient qu’ils n’étaient pas obligés de le faire. En fait, il est obligatoire d’expérimenter », explique à Maire info la maire de La Ville-aux-Clercs, où la cantine de l’unique école va servir, à partir du 1er novembre, « un repas sans viande par semaine, mais dans un premier temps, ça ne sera pas tout à fait équilibré », se désole l’élue.
L’article 24 de la loi Egalim prévoit donc qu’un an après la promulgation de la loi, c’est-à-dire au 1er novembre 2019, les gestionnaires des services de restauration scolaire proposent un menu végétarien par semaine, « à titre expérimental » et pendant deux ans, au terme desquels une évaluation devra être menée par le Parlement. Il précise toutefois que « ce menu peut être composé de protéines animales ou végétales » : en d’autres termes, s’ils ne doivent contenir ni viande ni poisson, des œufs ou des produits laitiers pourront y être servis. Pour le reste, c’est le flou qui règne, l’article n’ayant pas été suivi d’un décret.
De plus, la réglementation en vigueur, et notamment les recommandations du groupe d’étude des marchés de restauration collective et nutrition (GEMRCN), doivent être mises à jour : actuellement, elle prévoit un maximum de trois repas sur vingt dont la proportion de viande, poisson ou œuf est inférieure à 70 % du grammage recommandé.
Risque juridique
« On a demandé des outils pour nous aider, mais pour l’instant rien n’est prêt », regrette Isabelle Maincion. L’AMF a obtenu qu’un travail soit enfin mené au sein du Conseil national de la restauration collective (CNRC), en commun avec le ministère de la Santé, « pour redéfinir ce qu’est un repas végétarien équilibré, et revoir toute la réglementation », complète la maire, qui co-préside le groupe de travail « Outils et formation » du CNRC. Mais ce travail ne commencera que… vendredi, lors d’une première réunion consacrée au sujet, à peine moins d’un mois avant la date-butoir, alors qu’en général, les commissions scolaires élaborent les menus vingt ou trente repas à l’avance, soit de un mois à six semaines, selon les rythmes scolaires.
Il est pourtant impératif pour les communes de prendre le problème à bras le corps, car si la loi ne prévoit ni contrôle, ni sanction, les communes qui ne serviront pas de repas végétariens au 1er novembre s’exposent à un risque juridique important : n’importe quel parent d’élèves ou association sera alors en mesure de les attaquer en justice.
Ce genre de changement n’est pourtant pas évident : il ne suffit pas d’adapter les recettes, il faut encore que les cuisiniers soient en mesure de les faire, ce qui pose la question de la formation, dont l’offre reste encore insuffisante. « Nous nous posons la question de comment former nos cuisiniers à la cuisine de l’épeautre, de l’orge », explique à Maire info Philippe Pont-Nourat, président du Syndicat national de la restauration collective, qui réunit les prestataires de la restauration en délégation de service. « Il y a aussi un travail pédagogique et d’information à faire en direction des parents d’élèves : certains pensent encore qu’un repas sans viande, ce n’est pas un repas », affirme-t-il.
Dans l’immédiat pourtant, nombre de communes « vont devoir improviser », déplore Isabelle Maincion, qui précise que le ministère, à la demande de l’AMF, est en train de préparer une boîte à outils pour aider les communes à répondre aux nouvelles obligations de la loi.
EGE
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