« Je n’ai pas été choqué par ce que vous avez dit l’un et l’autre, David, André. » Dès l’entame de son discours, le Premier ministre a voulu donner un ton apaisé, voire amical à son intervention, après les interventions offensives d’André Laignel et David Lisnard. Comme il est de coutume dans cet exercice, le Premier ministre a rendu hommage aux maires. « Nous sommes responsables ensembles, État et communes, du plus petit village jusqu’aux plus grandes villes, je n’oublie jamais que les maires sont les représentants de l’État sur le terrain. Sans eux, la République est privée de ses bases. » Les responsables de l’AMF ayant été « francs » avec lui, il s’est engagé à être « franc avec eux ».
Très attendu sur le terrain des finances, Michel Barnier n’avait, à vrai dire, pas grand-chose à offrir aux maires, dans un contexte de « colère » exprimée tout au long du congrès contre les quelque 10 milliards d’euros de ponction prélevés sur les budgets communaux. S’il s’est gardé de reprendre les accusations du précédent gouvernement contre les collectivités (« Vous ne m’entendrez pas dire que la France est en déficit à cause des collectivités »), il a toutefois confirmé que ces dernières devraient « prendre leur part » au redressement des finances publiques. Même en reconnaissant que le projet de budget, élaboré dans des conditions inédites, peut comporter « des injustices », le Premier ministre n’a pas gommé celles-ci. Les concessions accordées en matière budgétaire tiennent en peu de mots : la baisse du taux de remboursement du FCTVA ne sera pas rétroactive – ce qui avait déjà été dit au congrès des départements la semaine précédente. Et la hausse de 12 % de la cotisation employeur à la CNRACL, qui devait se faire en trois ans, sera étalée sur quatre. Autrement dit, on devrait passer de trois augmentations successives de 4 % à quatre augmentations successives de 3 %.
Deux autres mesures ont été annoncées sans faire l’objet de beaucoup de détails : une « évolution » du dispositif de prélèvement sur les recettes des plus grandes collectivités – mais le principe restera en vigueur – et une « fusion des dotations d’investissement ». La DETR et la Dsil, notamment, devraient donc fusionner en un seul « Fonds territoire », ce qui devrait simplifier l’instruction des dossiers.
Même si ces annonces sont toujours bonnes à prendre, on est donc très loin de la demande exprimée la veille par les associations du bloc communal (lire Maire info du 21 novembre) de voir supprimées la plupart des mesures de ponction financière.
Le Premier ministre s’est montré en revanche plus disert sur des mesures de « simplification » qui ont l’avantage de ne rien coûter à l’État. Il a notamment voulu répondre en partie à la demande formulée dans la résolution finale de donner une forme de pouvoir réglementaire aux collectivités : « Là où la situation est différente, la règle peut être appliquée différemment », a reconnu Michel Barnier, pour qui il est possible de laisser aux collectivités « des marges pour interpréter les règles ». Il souhaite également « faire évoluer le rôle du Conseil national d’évaluation des normes [Cnen] pour en faire l’organe de la vérification, bien en amont de leur présentation au Parlement, du respect de l’exigence de clarté et d’intelligibilité des lois. » Reconnaissant – ce qui figure presque chaque mois dans le compte rendu des réunions du Cnen – que la saisine de cet organe est souvent « trop tardive » et « trop formelle », le chef du gouvernement souhaite en faire « un organe de conception partagée des lois ». Cette annonce, si elle toutefois suivie d’effet, ne pourra que satisfaire les associations d’élus.
Tout comme celle, qui a suivi, d’intégrer aux études d’impact des projets de loi un volet plus « spécifique » permettant « l’analyse des effets de la loi sur les collectivités territoriales ».
Sur le très controversé dispositif du ZAN, le Premier ministre veut « renverser la pyramide ». Dans un premier temps, des décrets seront pris pour modifier le dispositif à la marge, mais sur des sujets particulièrement irritants pour les maires. Par exemple, « les jardins pavillonnaires ne seront plus considérés comme des espaces artificialisés, ce qui dégagera des marges de manœuvre localement », a annoncé le Premier ministre, déclenchant les applaudissements immédiats des maires.
Dans un second temps, la loi devrait évoluer sur le fond. « Le ZAN ne doit pas se développer en cascade, de façon mécanique, de la région jusqu’à la plus petite commune. Une fois l’objectif fixé, (…) il faut laisser le territoire discuter de la façon dont il veut prendre sa part à l’effort, en partant du terrain ». « Nous allons donc réfléchir en termes de trajectoire plutôt qu’avec des dates couperet ». Cette « nouvelle liberté, cet oxygène », sera mis en place « dès le premier semestre 2025 », a promis le Premier ministre.
« Nous allons remettre en chantier le statut de l’élu », a déclaré Michel Barnier, dès le début de l’année 2025. Le véhicule législatif utilisé sera la proposition de loi de Françoise Gatel, déjà adoptée par le Sénat, qui sera mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale « en février », « complétée » par des éléments pris dans le texte de Violette Spillebout, Sébastien Jumel et Stéphane Delautrette. « Nous allons avancer, pas dans trois ans mais dans quelques semaines ». Point important – demandé tant par l’AMF que par Violette Spillebout, comme elle l’expliquait à Maire info pendant le congrès – ce statut de l’élu « figurera en tête du Code général des collectivités territoriales.»
Autre point extrêmement important : le Premier ministre a exprimé le souhait que cette loi puisse intégrer la réforme du mode de scrutin dans les communes de moins de 1 000 habitants : il souhaite « discuter ensemble » de l’extension à ces communes du scrutin de liste paritaire, et se dit « prêt à des évolutions », tout comme sur le sujet « de la taille des conseils municipaux ». Au passage, Michel Barnier s’est également dit « ouvert » à une « évaluation » de la loi sur le non-cumul des mandats. « Parmi les centaines de parlementaires, aujourd’hui, il n’y a plus de maires. Je suis ouvert sur cette question, sans tabou et sans idéologie. »
En conclusion, le Premier ministre a dit sa volonté de conclure un « contrat de confiance » avec les collectivités, afin que les maires « n’aient plus l’impression d’être des sous-traitants de l’État, (…) mais des partenaires ». « J’ai envie qu’ensemble on relève la ligne d’horizon », a conclu Michel Barnier, qui a demandé aux maires de l’aider à construire une trajectoire de « progrès », qui n’est « pas un mot archaïque ».
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