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Normes : le Sénat consulte les élus locaux pour connaître leurs « attentes »

« L’inflation normative ». Derrière cette expression se cache une réalité que tous les maires ne connaissent que trop bien : au fil des lois et des règlements nouveaux, le nombre de normes à respecter devient si faramineux qu’il devient un véritable casse-tête pour les porteurs de projets – voire un élément de blocage. 

Le seul Code général des collectivités territoriales (CGCT) est un témoin de cette inflation : dans les dix dernières années, indique la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, il a triplé de volume, passant de 348 000 mots en 2012 à 937 000 début 2022. Avec l’adoption, l’an dernier, de la loi 3DS, le million de mots a probablement été dépassé. Quant au Code de l’urbanisme, son « volume » a augmenté de 44 % dans la même période. 

400 000 normes pour les communes

« Pour les seules communes, on estime que les maires sont confrontés à environ 400 000 normes », estime Françoise Gatel, présidente de la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat. « Environnement, sécurité, accessibilité… Les normes nouvelles pullulent, le plus souvent issues non de la loi mais des règlements », c’est-à-dire des décrets d’application des lois. « Avec parfois des injonctions contradictoires entre la loi et les textes d’application, comme cela a été le cas pour les décrets sur le ZAN en avril dernier. Les administrations prennent des normes par principe de précaution, pour éviter tout risque. Cela peut conduire à la paralysie, alors que la norme devrait, au contraire, être utile à l’action publique. Sans compter que les normes coûtent énormément d’argent : selon la DGCL [Direction générale des collectivités locales], les normes de ces dernières années représenteraient un coût de 2 milliards d’euros. Il y a là un chantier d’économies assez intéressant ! » 

Il faut donc, estiment les sénateurs impliqués dans cette réflexion, Françoise Gatel et Rémy Pointereau, premier vice-préisdent de la Délagation chargé de la simplification des normes, « travailler de manière plus efficace tout au long de la fabrique de la loi pour aller vers plus de sobriété normative ». Cette préoccupation est largement partagée : par le président du Sénat lui-même, Gérard Larcher, qui a lancé une mission sur l’efficacité de l’action publique ; par le Conseil national d’évaluation des normes et son président Alain Lambert ; par le président de l’AMF, David Lisnard, qui s’est maintes fois exprimé pour dénoncer la « bureaucratisation » de l’administration et son caractère paralysant pour l’action publique locale… et jusqu’au Conseil d’État, qui a organisé, l’année, dernière, un colloque sur le sujet. Dans une tribune publiée en avril dernier, par exemple, le président de l’AMF écrivait : « Tout geste d’un citoyen, d’une collectivité ou d’une entreprise doit être préalablement autorisé par imprimé constellé de cases aussi innombrables qu’absconses. Notre République est devenue celle des Cerfa. La norme et la procédure tiennent pour antiques et désuets le savoir-faire, l’expérience et la pratique. Les bureaux parisiens se méfient de l’initiative privée comme de l’action locale, et les encadrent au prix de les freiner et si possible les empêcher. Le temps des papiers envahit le temps des chantiers. »

Consultation en ligne

Cette question de la simplification, des normes et de la « débureaucratisation », pour reprendre un terme cher à David Lisnard, va faire l’objet, le 16 mars prochain, d’une journée de réflexion co-organisée par le Sénat et l’AMF, baptisée « États généraux de la simplification ». C’est pour alimenter les réflexions de ces états généraux que la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat a lancé une consultation auprès des élus, qui sont appelés à répondre en ligne à une enquête : « Chacun est conscient que les normes applicables aux collectivités sont trop nombreuses et trop complexes, peut-on lire en présentation de cette consultation. Le Sénat lance cette consultation auprès des élus pour recueillir vos avis sur les pistes à privilégier pour simplifier les normes et rendre ainsi plus efficace l’action publique locale. » Les élus sont invités aussi bien à partager leurs idées d’évolutions et leurs attentes qu’à donner des exemples précis des difficultés qu’ils rencontrent face aux normes. 

En quatre jours, révèle Françoise Gatel, la consultation a reçu plus de mille réponses. Preuve de l’intérêt que les élus portent à cette question. 

Pour répondre, il suffit de se rendre sur le site de la Délégation et de cliquer, en haut à droite, sur le bouton « Me connecter ». La consultation est en ligne jusqu’au mardi 31 janvier. Ses résultats seront dévoilés à l’occasion des États généraux du 16 mars. 

Engorgement du Cnen

Notons que sur la question des normes toujours, les responsables de Territoires unis (structure qui regroupe l’AMF, Régions de France et l’ADF), ont récemment écrit à la Première ministre pour faire état du « dysfonctionnent des saisines du Conseil national d’évaluation des normes ». Cette instance consultative, présidée par Alain Lambert, a pour mission d’examiner les projets de lois et de décrets et d’analyser leur impact sur les collectivités territoriales, comme Maire info en rend fréquemment compte dans ses éditions. Ce travail d’analyse et d’expertise demande naturellement du temps. Or il devient de plus en plus fréquent que le gouvernement saisisse le Cnen en urgence, voire en extrême urgence, ce qui « restreint fortement la capacité des membres élus du Cnen à expertiser les projets de norme de façon satisfaisante, a fortiori lorsque la  procédure d’extrême urgence est enclenchée puisque le délai est alors de 48 heures », écrivent David Lisnard, Carole Delga et François Sauvadet. En 2021, « près de 20 % des textes examinés l’ont été selon une procédure d’urgence ou d’extrême urgence ». 

Les trois présidents d’association demandent donc « très solennellement » à la Première ministre « d’encadrer et de limiter le recours à ces procédures », qui se trouvent être « peu respectueuses des élus » désignés pour siéger au Cnen. « La qualité de l’instruction préalable des textes pâtit » de ces pratiques « et par conséquent, in fine, leur qualité juridique ». 


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Référence : BW41531
Date : 16 Jan 2023
Auteur : Maire-Info


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