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Projet de loi « 3DS » : l’AMF en partie entendue

Discuté en séance publique par les députés depuis le 6 décembre pour deux semaines, le projet de loi « 3DS » revient en grande partie sur la version votée par le Sénat en juillet dernier. Près de 500 amendements ont été adoptés par la commission des lois pour un texte au final très proche de la version gouvernementale d’origine. Françoise Gatel, qui en était la rapporteure au Sénat, regrette ce retour en arrière et dénonce un texte « tronçonné ». En effet, les députés ont supprimé la plupart des dispositions visant à plus de souplesse dans le fonctionnement des EPCI ou sur le renforcement de l’Etat déconcentré en faveur de préfets de département. Un accord entre les deux chambres, via une commission mixte parlementaire devant se tenir tout début 2022, pourra-t-il être trouvé ? Après les démarches de David Lisnard, président de l’AMF, auprès de l’exécutif, plusieurs demandes ont été entendues sur l’évolution de certains dispositifs (loi SRU ou zéro artificialisation nette).

« Préserver la construction intercommunale »
Comportant 217 articles, le projet de loi « 3DS » (décentralisation, différenciation, déconcentration et simplification) est examiné par l’Assemblée nationale du 6 au 17 décembre, dans une version expurgée des nombreux apports du Sénat. Devant la commission des lois de l’Assemblée, Jacqueline Gourault a estimé que « le travail avec les sénateurs s’est bien passé » tout en reconnaissant qu’« il reste des sujets de désaccord sur l’intercommunalité ». Selon la ministre de la Cohésion des territoires, « il faut préserver la construction intercommunale qui, dans l’immense majorité des cas, se déroule très bien ». Pas sûr que ce plaidoyer suffira à convaincre tous les élus !

Sur la même longueur d’ondes, Jean-René Cazeneuve, président de la délégation aux collectivités de l’Assemblée, justifie les amendements de retrait afin de « contrer la remise en cause du Sénat des acquis de l’intercommunalité ».

Des assouplissements supprimés
La commission des lois est revenue sur la possibilité d’un transfert « à la carte » de compétences facultatives, qui avait été introduite par le Sénat. L’AMF déplore ce maintien du « transfert en bloc » de compétences. De même le rétablissement de l’intérêt communautaire a été supprimé, sauf pour la création et la gestion de cimetières et sites cinéraires. Comme elle l’a affirmé lors du dernier congrès des maires, l’AMF continue de plaider pour mieux articuler les compétences des EPCI avec celles des communes selon le principe de subsidiarité et la nécessaire souplesse.

Les députés ont également retiré, au motif de l’inconstitutionnalité, l’article 46 bis permettant au préfet d’accorder aux collectivités la faculté de déroger, dans leurs domaines de compétences, aux règles fixées par voie réglementaire. Par ailleurs, l’exclusion des dépenses de solidarité sociale des « contrats de Cahors », introduite par les sénateurs, est retirée au motif qu’« elle aurait sa place dans une loi de programmation des finances publiques ». A noter aussi la suppression du droit de véto confié au conseil municipal sur les projets éoliens.

Parmi les rares concessions obtenues : l’affectation réduite de la taxe GEMAPI. En clair, elle se voit limiter à sa vocation originelle de prévention des inondations et non pas à la lutte contre l’érosion des sols, en particulier sur le recul du trait de côte. Sur ce sujet, l’AMF, pointant le risque d’une forte hausse des coûts financiers, a été entendue.

Compétences eau et assainissement
Autre retour en arrière : les compétences eau et assainissement. Selon le gouvernement, les lois « Fesneau » et « Engagement et proximité » restent suffisantes avec une redélégation possible aux communes. La commission des lois est donc revenue sur la suppression, votée par le Sénat, du transfert obligatoire par les communes aux communautés de communes (CC) et d’agglomération (CA) des compétences eau et assainissement, au plus tard le 1er janvier 2026, ainsi que pour les CA de la compétence de gestion des eaux pluviales. Regrettant cette obligation, qui suscite toujours de fortes oppositions, le député Jean-Paul Dufrègne a déposé une proposition de loi visant de nouveau à la supprimer. Sans surprise, le texte a été rejeté par la commission des lois.

Mesures de déconcentration
La disposition généralisant l’information préalable des collectivités par le préfet en cas de suppression d’un service public a été supprimée par les députés. Selon Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, « cet article part d’une bonne intention mais n’est pas du tout réaliste et opérationnel ». Actuellement, l’obligation d’information n’existe que dans les territoires concernés par une ORT (opération de revitalisation du territoire). « Généraliser ce dispositif risquerait de le rendre inapplicable, ce qui se retournerait contre les territoires qui en ont le plus besoin », estime-t-elle.

La commission des lois a aussi retoqué l’article prévoyant que toute décision de l’État prise au niveau territorial, y compris sur le plan régional, relève du préfet de département. Motif invoqué : une disposition « peu praticable » et qui « excède les prérogatives du législateur » car relevant du pouvoir réglementaire. Exit également de l'attribution de la DSIL au niveau départemental, principalement par le préfet de département, comme de la conférence de dialogue Etat/collectivités à la même échelle (maintien de la commission de conciliation jugée par les députés comme « une instance de dialogue utile et satisfaisante »).

Urbanisme et logement
Sur la révision de la loi SRU, la commission des lois a retiré la plupart des modifications apportées au dispositif par le Sénat, comme par exemple la suppression des sanctions financières automatiques en cas de carence répétée ou la possibilité pour la commune de consigner les majorations de prélèvements. Il est aussi supprimé la possibilité de recours devant le préfet d’une commune qui n’a pas obtenu de son EPCI une proposition d’exemption aux obligations de la loi SRU. Selon la commission des affaires économiques, les EPCI, en tant que chefs de file de la politique de l’habitat, doivent « rester à l’initiative des propositions d’exemption pour garantir leur cohérence ».

De plus, l’exonération de prélèvement pour les communes bénéficiaires de la DSR est retirée au motif qu’elle est déjà possible dans certains cas. De plus, les députés ont rétabli l'avis préalable obligatoire de la commission nationale SRU lorsque le contrat de mixité sociale permet de déroger aux objectifs de droit commun. Le dispositif adaptant le contrat de mixité sociale aux besoins de la mutualisation intercommunale, créé par le Sénat, est repris mais en augmentant le taux d’effort minimal des communes concernées.

Concernant le PLU-I, les députés ont supprimé l’article 30 bis B en estimant que les dispositions votées par le Sénat visaient « à complexifier le transfert de la compétence du PLU ». La qualité d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH) aux EPCI les plus intégrés est maintenue en précisant leurs possibilités d’action. Par ailleurs, les départements pourront mettre à la disposition des CC une assistance technique pour élaborer leur PLH. Une possibilité étendue entre les EPCI qui appartiennent à un PETR.

L’AMF entendue sur la loi SRU et le ZAN
Malgré ces nombreux retraits, les discussions se poursuivent sur certains points avec le gouvernement. Ainsi, sur la loi SRU, l'AMF se félicite d'avoir été entendue sur la nécessité de rendre glissant le calendrier d'objectif et de mettre fin à l'échéance couperet de 2025. Il importe pour l’AMF de revenir aux dispositions apportant de la souplesse aux communes notamment concernant le droit à l’adaptation des objectifs SRU qui dépendent encore trop aujourd’hui de caractérisations rigides ne prenant en compte que partiellement les difficultés de certaines communes à rendre disponible du foncier pour construire des logements, par exemple en zone littorale. Notamment l’assouplissement du critère de seuil de 50 % d’inconstructibilité du territoire urbanisé et la prise en compte des autres zones de recul du trait de côte prévues dans la loi Climat pourraient constituer, avec l’accord du Gouvernement, un point d’aboutissement de la discussion parlementaire.

Concernant l’application du principe de « zéro artificialisation nette » (ZAN), l’AMF et Régions de France avaient demandé conjointement, début novembre, un report des échéances. Aujourd’hui, l’AMF se félicite qu’Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement, semble d’accord pour desserrer un calendrier jugé intenable par les élus locaux et régionaux pour réunir la conférence des SCOT et modifier les SRADDET. Et de souligner que « cela permettra d’organiser le débat indispensable entre les élus pour asseoir une stratégie partagée et équilibrée de développement du territoire ».

Gouvernance de la santé
Les députés sont revenus sur le rééquilibrage de la place des élus dans la gouvernance des ARS et la coprésidence du conseil d'administration par le président de région et le préfet de région. Petite consolation : le président de l'ARS est assisté de quatre vice-présidents, dont trois désignés parmi les représentants des collectivités au conseil de surveillance.

Par ailleurs, les élus seront mieux associés via les projets régionaux de santé qui devront tenir compte des contrats locaux de santé. Les communes et EPCI pourront financer des investissements (mobiliers et immobiliers) des établissements de santé. Comme le Sénat, la commission des lois n'a pas introduit la présidence par les maires des conseils d'administration des hôpitaux, contrairement à la demande de l'AMF.

Prévention des conflits d’intérêts
Les députés ont maintenu les simplifications déclaratives auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), introduites au Sénat. Ils ont précisé les risques de conflits d’intérêts pour les élus siégeant au sein d’une entreprise de droit privé ou public. La notion d’aide est aussi précisée dans un souci de sécurité juridique et de prévisibilité.

Métropole d’Aix-Marseille-Provence
Le projet de loi fera l’objet d’un amendement gouvernemental déposé en séance sur le fonctionnement de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Avec plusieurs objectifs : restituer les compétences de proximité aux communes, simplifier son fonctionnement (suppression des conseils de territoire et déconcentration renforcée des services de la métropole), rééquilibrer les relations financières entre la métropole et les communes.

Référence : BW41018
Date : 6 Déc 2021
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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