Dans la perspective de l’examen du projet de loi « 4D », la délégation aux collectivités du Sénat a organisé une vaste consultation auprès des élus locaux pour connaître leurs priorités. S’y est ajouté un sondage CSA réalisé sur la même cible. Ce focus assez complet montre plusieurs attentes fortes : aller plus loin dans la décentralisation ; adapter les politiques publiques aux spécificités des territoires ; exercer les compétences au plus près du terrain en appliquant le principe de subsidiarité ; simplifier les normes applicables aux collectivités ; donner plus de pouvoirs aux collectivités, notamment en matière d’environnement, de logement ou de santé ; renforcer l’État territorial au niveau du département.
« Exigence d’efficacité et de résultat »
« Il existe dans notre pays une envie de décentralisation, plus forte que jamais ». Faisant ce constat, Gérard Larcher, le président du Sénat, a estimé que le projet de loi « 4D », présenté au conseil des ministres du 12 mai, « est en deçà des attentes. Il doit permettre de construire un nouvel équilibre des pouvoirs entre l’État et les collectivités ». Dans la même ligne, Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, considère que « face au climat de défiance dans le pays, les élus locaux sont dans l’exigence d’efficacité et de résultat ». Plaidant pour leur donner « des outils simples d’usage et efficaces », Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, tous deux co-rapporteurs du projet de loi « 4D », ont présenté, le 11 mai, les résultats de la vaste consultation des élus locaux, réalisée sur la plateforme du Sénat (3300 répondants), et du sondage de l’Institut CSA (1). L’objectif est de se servir de leurs attentes pour modifier et enrichir le projet de loi « 4D », examiné par le Sénat à compter du 5 juillet, puis a priori en septembre par l’Assemblée nationale.
Aller plus loin dans la décentralisation
Première attente des élus locaux : aller plus loin dans la décentralisation (70% le demandent selon CSA) mais sans « big bang territorial ». 64% souhaitent voir évoluer l’organisation territoriale. La deuxième attente concerne l’adaptation des politiques publiques aux réalités territoriales par une meilleure articulation des compétences communes-EPCI et la différenciation territoriale. Pas moins de 94% des élus y sont favorables (consultation sénatoriale). « Aux communes, il faut donner plus de souplesse d’organisation et moins de contraintes au sein des intercommunalités, en autorisant des transferts de compétences différenciées sur le territoire intercommunal », affirme Gérard Larcher. Sur la même ligne, l’AMF défend l’intérêt communautaire pour tous les domaines de compétences des EPCI ainsi que le transfert de « compétences à la carte ».
Par ailleurs, 70% des élus se disent favorables à l’attribution de compétences différentes à des collectivités de même catégorie, sur la base du volontariat (consultation).
Simplifier les normes
Autre attente : l’exercice de compétences au plus près du terrain par la mise en œuvre du principe de subsidiarité. Là encore le résultat est massif : entre 72% (consultation) et 77% (CSA) des élus sont favorables à l’adaptation des lois aux spécificités des territoires. De même, pas moins de 75% des élus souhaitent le renforcement du pouvoir réglementaire des collectivités (consultation).
La simplification des normes (pas moins de 400 000 applicables aux collectivités !) est jugée prioritaire par 70% d’entre eux, en particulier les élus municipaux et départementaux (CSA). Selon la consultation, il s’agit même d’une « exigence absolue » pour 78% des élus. Elle indique aussi que plus de 90% souhaitent une instance de concertation auprès du préfet, afin de trancher et d’harmoniser. Par ailleurs, le sondage CSA indique que la seconde priorité des élus est la suppression des doublons entre l’Etat et les collectivités (58% des réponses).
Donner plus de pouvoirs aux collectivités
Par ailleurs, des transferts de compétences sont demandés dans de nombreux secteurs : environnement, logement, santé, action sociale et médico-sociale… Selon CSA, 42% des élus citent l’environnement et le logement comme secteurs à « transférer davantage » aux collectivités, devant l’action sociale (39%) et la sécurité (34%). L’environnement et le logement sont surtout cités par les élus municipaux. Selon l’AMF, le chef de filât régional en matière d’énergie (article 5) n’est ainsi « pas compatible avec le souhait des élus du bloc communal de décider, au plus près du terrain des modalités de l’atteinte des objectifs nationaux de la transition énergétique ». Elle demande ainsi qu’ils disposent de marges de manœuvres renforcées.
En matière de santé, la consultation indique que 86% souhaitent confier la présidence du conseil de surveillance des ARS à un élu local et rééquilibrer sa composition en faveur des élus locaux. De même, 74% sont partisans de confier aux seuls départements le pilotage des Ehpad et de la médecine scolaire. L’AMF plaide aussi pour renforcer la place des maires au sein de la gouvernance des hôpitaux et pour restaurer les conseils d’administration à la place des conseils de surveillance. De plus, elle demande que les communes et les EPCI puissent investir dans les établissements de soins et recruter des professionnels de santé.
Renforcer l’État territorial
Enfin, les élus locaux souhaitent un renforcement de l’État territorial, en particulier au niveau du département. 79% sont ainsi favorables à des transferts de compétences de l’État central vers l’État territorial (CSA). Pour les élus, la déconcentration doit passer avant tout par la préfecture de département (55 %), loin devant la sous-préfecture (31 %) et la préfecture de région (12 %). Selon Gérard Larcher, « le Sénat propose de restaurer l’autorité du préfet de département. C’est un choix fort, au moment où le gouvernement veut mettre fin au corps préfectoral ».
Philippe Pottiée-Sperry
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