Vaste texte qui touche de nombreux secteurs, le projet de loi « Climat et résilience » (lien vers le texte) reprend une partie des propositions de la convention citoyenne pour le climat. Beaucoup de dispositions concernent les communes et les intercommunalités. Le vote solennel du texte, passé de 69 à 218 articles, par les députés doit avoir lieu ce 4 mai avant transmission et examen au Sénat à partir de la mi-juin. En procédure accélérée (une seule lecture par chambre), le projet de loi devrait être adopté définitivement cet été. Chez les parlementaires, certains lui reprochent son manque d’ambition et d’autres, au contraire, déplorent son caractère trop contraignant ou trop centralisateur. Pour l’AMF, l’objectif est évidemment partagé mais le texte manque de précisions sur l’impact ou les modalités de sa mise en œuvre et, surtout, il est trop descendant, ne laissant pas de place à une différenciation locale pourtant indispensable. Retour sur les principales dispositions qui doivent désormais être examinées par le Sénat.
Décentralisation du pouvoir de police de la publicité
L’article 6 du texte décentraliserait, à compter du 1er janvier 2024, le pouvoir de police de la publicité au maire ou au président de l’intercommunalité. Jusqu’alors libres d’exercer ou non cette compétence, les communes et EPCI devraient donc élaborer un règlement local de publicité (RLP) adaptant la réglementation nationale sur la publicité extérieure aux enjeux locaux. Le président de l’EPCI, qui en l’état du texte se verrait automatiquement transférer le pouvoir de police des communes nouvellement concernées en présence d’un RLPi préexistant, pourrait réunir une conférence des maires pour assurer la cohérence de l’exercice de ce pouvoir de police et éviter trop de disparités entre communes. Devant l’ampleur du transfert de charges, l’AMF a demandé la mise à disposition gratuite d’une ingénierie de l’Etat pour les EPCI de moins de 10 000 habitants. Par ailleurs, le maire ou le président de l’EPCI pourrait réglementer les dispositifs publicitaires en vitrine via le RLP (article 7).
Pour verdir les marchés publics, l’article 15 rendrait obligatoire l’ajout par les acheteurs publics de clauses environnementales dans tous les appels d’offres et marchés passés. Des critères sur « la performance environnementale » seraient imposés (spécifications techniques, conditions d’exécution).
Objectif de développement des énergies renouvelables
Une déclinaison régionale des objectifs (de développement des énergies renouvelables et de récupération) de la PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie) serait établie par décret puis intégrée dans les Sraddet (schémas régionaux d'aménagement) (article 22). L’AMF estime que cette territorialisation des objectifs de la PPE dans les Sraddet ne doit pas procéder d’une démarche descendante mais au contraire d’une construction, par les collectivités, de leurs propre mix et objectifs. En effet, cette disposition ne répond pas aux demandes répétées des communes et EPCI de pouvoir décider de leur bouquet d’énergies renouvelables.
Une autre mesure porterait sur les ENR: l’abaissement du seuil de 1000 m² à 500 m² pour l’obligation d’installer des systèmes de production d’énergie renouvelable ou des toitures végétalisées sur les surfaces commerciales, les entrepôts, les extensions de bâtiments… Objectif : augmenter la production d’électricité renouvelable et renforcer la place de la nature en ville. Pour l’AMF, ces deux solutions ne devraient pas être exclusives l’une de l’autre et dépendre du choix des communes.
Renforcer la lutte contre la pollution de l'air
Pour favoriser les transports collectifs et le covoiturage, l’article 26 viserait à développer les parkings relais aux entrées des villes. L’AMF craint que l’instauration de zones à faibles émissions (ZFE) concerne principalement les communes frontalières de ces zones, ce qui serait territorialement discriminant et interrogerait sur la volonté du législateur de lutter contre l’artificialisation des sols.
L’article 27 étendrait l’obligation de mise en place des ZFE aux agglomérations de plus 150 000 habitants d’ici fin 2024. Il devrait aussi faciliter, pour les territoires obligés comme volontaires, l’implantation d’une ZFE-mobilités (ZFE-m), en prévoyant le transfert des compétences du maire au président de l’EPCI et en créant un pouvoir de police ad hoc. L’AMF est opposée à un tel transfert automatique du pouvoir de police ZFE « imposé » aux communes sans passer par une majorité qualifiée, qui fragilise le pouvoir de police des communes.
Le projet de loi prévoirait aussi d’accélérer le verdissement des flottes des collectivités (article 26 ter). Celles de plus de 100 véhicules devraient être renouvelées d’ici 2030 avec 70% de véhicules électriques ou hybrides. Selon l’AMF, cet objectif devrait être conditionné à la réalité des territoires, la capacité des constructeurs et in fine à l’existence d’un marché concurrentiel abouti.
Réduire le nombre de passoires énergétiques
Les passoires énergétiques seraient progressivement classées comme des logements indécents de 2025 à 2034, selon leur diagnostic de performance énergétique (DPE). En outre, le gel des loyers pour les passoires serait étendu à toute la France d’ici 2023. Au total, quatre millions de logements seraient concernés. L’article 43 viserait à clarifier l’organisation du service public de la performance énergétique de l’habitat et à préciser l’offre de service aux ménages, en proposant sur tout le territoire un accompagnement uniformisé, qui intégrerait des guichets locaux existants. Les modalités de financement de ce service ne sont pas précisées.
Par ailleurs, les communes et EPCI de plus de 50 000 habitants, les départements et les régions devraient élaborer une stratégie pluriannuelle pour réduire la consommation énergétique de leur patrimoine immobilier à usage tertiaire.
Lutter contre l’artificialisation des sols
L’article 48 définit la notion d’artificialisation des sols et fixe l’objectif de réduire par deux la consommation d’espaces naturels sur les dix prochaines années. L’article 49 intègre cet objectif aux documents de planification régionale (règles générales du Sraddet) avant d’être décliné dans les différentes parties du territoire puis de s’imposer dans les SCoT et PLU(i) par lien de compatibilité. Le texte renverrait à un décret pour les modalités de déclinaison entre les différentes parties du territoire régional des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers, intégrés dans les règles générales du Sraddet
L’évolution du Sraddet devrait être engagée dans les deux ans suivant la promulgation de la loi pour une mise en application dans les deux ans qui suivent. Dans leurs documents d’urbanisme, les collectivités pourraient identifier les zones de renaturation et de désimperméabilisation (article 49). Le PLU(i) ne pourrait prévoir l’ouverture à l’urbanisation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers, quel que soit leur classement dans ce document, que s’il est justifié, au moyen d’une étude de densification des zones déjà urbanisées, que la capacité d’aménager et de construire est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés (article 49 alinéa 22). Des observatoires de l’habitat et du foncier seront créés au plus tard deux ans après que le programme local de l’habitat (PLH) a été rendu exécutoire.
Généraliser des dérogations à certaines règles d’urbanisme
L’article 51 bis, ayant fait l’objet d’une forte opposition de l’AMF, généraliserait des dérogations à certaines règles d’urbanisme prévues par les PLU aux fins de densification (surélévation, création d’aires de stationnement) dans les secteurs d’intervention des ORT, les PPA-GOU et dans un périmètre de 500 mètres autour des gares, d’une station de transport public guidé ou de transport collectif en site propre, sauf refus motivé du maire en vertu de critères fixés par l’article : la nature du projet, de la zone d’implantation ou des objectifs fixés par le PLU en matière de réduction du rythme de l’artificialisation des sols.
Par ailleurs, des « contrats de sobriété foncière » pourraient être signés entre les collectivités compétentes en matière d’urbanisme, et entre celles-ci et l’État. Objectif affiché : organiser l’ingénierie, préciser les besoins d’étude, identifier les programmes.
Pas de nouveaux centres commerciaux
Un rapport sur l’artificialisation des sols serait présenté chaque année dans les communes de plus de 3500 habitants et tous les deux ans dans les autres (article 50). Il serait interdit de construire de nouveaux centres commerciaux entraînant une artificialisation des sols (article 52). Aucune exception ne serait possible pour les surfaces de plus de 10 000 m², et les demandes de dérogation pour celles de plus de 3000 m² seraient examinées par une commission nationale. Pour limiter l’étalement urbain, l’article 55 habiliterait le gouvernement à légiférer par ordonnance.
Recul du trait de côte
Les collectivités impactées par le recul du trait de côte devraient cartographier, d’ici trois ans, les zones touchées à horizon 0-30 ans et à horizon 30-100 ans (article 58). Cette disposition entraînerait de fait l’abrogation des PPRL (plans de prévention des risques littoraux) existants sur leurs dispositions relatives au recul du trait de côte et le transfert de responsabilité sur les communes et intercommunalités tenues de réaliser cette cartographie.
Menu végétarien dans la restauration collective
Une obligation d’option végétarienne quotidienne, en cas de menus multiples, serait imposée dès 2023 dans les cantines de l’Etat et ses établissements publics. Cette option ne serait pas imposée aux collectivités mais ferait l’objet d’une expérimentation pour les volontaires (article 59). L’AMF n’y est pas favorable tant que l’évaluation de l’expérimentation d’un menu végétarien hebdomadaire (loi « Egalim ») n’est pas connue. Par ailleurs, les objectifs de la loi Egalim seraient renforcés pour la restauration collective qui devrait proposer en sus, à partir de 2024, 60% de viandes et produits de la pêche « de qualité »...
Enfin, l’article 77 créerait l’obligation pour les collectivités, de mettre en place un observatoire dans le cadre du Conseil national de la transition écologique, pour suivre leurs actions concourant à la mise en œuvre de la SNBC. Tous les trois ans, un rapport serait remis au Parlement après l’avis du Haut conseil pour le climat.
Le Sénat consulte les élus locaux sur le projet de loi
Le Sénat a lancé le 29 avril, et jusqu’au 18 mai, une consultation auprès des élus locaux sur plusieurs mesures du projet de loi qui les concernent directement, à l’adresse suivante : https://participation.senat.fr/projet-de-loi-climat-elus-locaux-le-senat-vous-consulte L’objectif est « d’identifier les attentes des élus locaux pour mieux y répondre », indique le Sénat. La vingtaine de questions traitent notamment de l’encadrement par le maire ou le président de l’EPCI des publicités lumineuses à l’intérieur des vitrines ; du transfert des compétences sur les ZFE-m du maire au président de l’EPCI ; de l’obligation de réduire l’artificialisation des sols de 50% au sein des Sraddet, Padduc, Sdrif, Sar, Scot, PLU(i) et cartes communales ; de l’obligation de menus végétariens hebdomadaires dans la restauration scolaire…
La reproduction partielle ou totale, par toute personne physique ou morale et sur tout support, des documents et informations mis en ligne sur ce site sans autorisation préalable de l'AMF et mention de leur origine, leur date et leur(s) auteur(s) est strictement interdite et sera susceptible de faire l'objet de poursuites.