Le rapport concernant le « Coûts des normes et de l’enchevêtrement des compétences », remis par Boris RAVIGNON, maire de Charleville-Mézières et président d'Ardenne Métropole le 29 mai, et celui d’Éric WOERTH, député, le 30 mai au président de la République, « Décentralisation : le temps de la confiance », proposent de nombreuses évolutions dans le domaine des finances locales. On retrouve notamment des éléments concernant la péréquation (DGF, FPIC) dans les deux rapports, mais également sur les dotations d’investissement (DETR, DSIL). Les reversements de fiscalité – comme l’évolution des attributions de compensation au sein des intercommunalités à FPU – sont également évoqués.
Le rapport concernant le « Coûts des normes et de l’enchevêtrement des compétences », remis par Boris Ravignon le 29 mai contient des propositions sur les finances intercommunales :
- la participation des collectivités à l’effort d’assainissement budgétaire national est nécessaire mais doit être juste et adaptée à leur responsabilité, et doit s’appuyer notamment sur « des gisements considérables d’économies à partager entre l’État et les collectivités, tant sur le volet de clarification des responsabilités et des compétences que dans la simplification des normes applicables aux échelons locaux » ;
- l’inégalité des situations financières entre collectivités exige une relance forte de la péréquation, autour de la réforme de la DGF (qui doit être plus lisible et dont les performances en termes d’effort de péréquation doivent être mesurées) et l’augmentation du FPIC (figé depuis 2016 à 1 milliard d’euros) ;
- les subventions d’investissement de l’État au bloc communal (DTER et DSIL notamment) doivent désormais majorer les dotations de fonctionnement des communes et des EPCI afin de les mettre en situation de financer leurs investissements grâce à un meilleur autofinancement. Concernant ces dotations d’investissement, le rapport propose de limiter les subventions d’équipement entre collectivités aux compétences qui sont partagées ou coordonnées (dans le cadre alors défini par un chef de file) et d’autoriser dans certains cas d’exonérer les régions et départements du seuil minimal de 20 % incombant au maitre d’ouvrage lorsqu’ils subventionnent les projets du bloc communal. En revanche, le rapport propose d’exclure la possibilité pour une collectivité de financer des investissements sans lien avec ses propres compétences.
Le rapport remis le 30 mai par Éric Woerth, « Décentralisation : le temps de la confiance », propose également de nombreuses évolutions dans le domaine des finances locales :
- mettre en place, par la loi, une gouvernance durable et partagée des finances locales, associée à une loi d’orientation des finances locales et de simplification, des conférences annuelles et pluriannuelles de financement. Créer un nouvel observatoire des finances publiques locales (proposition 12) ;
- la participation des collectivités l’effort national est nécessaire, mais la contribution au redressement des finances publiques ne doit pas être portée par une contrainte sur la dépense locale. Seule l’adaptation négociée des recettes peut permettre une contribution des collectivités au redressement des finances publiques : la dynamique des impôts nationaux affectés aux collectivités territoriales (notamment la TVA) serait encadrée dans un « tunnel de recettes », à la hausse comme à la baisse. Par exemple, une forte progression des recettes d’un impôt national conduirait l’État à écrêter le surplus de rendement, tandis qu’un effondrement de son produit, par exemple en cas de crise économique, le conduirait à garantir un montant minimum, à l’image de ce qu’il a mis en place lors de la crise sanitaire (proposition 14) ;
- mettre en place un service national d’évaluation des politiques publiques et d’appui à la performance. Adosser ce futur service au centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), pour son fonctionnement courant. Ce service serait financé et administré par les collectivités elles-mêmes (proposition 15) ;
- concernant la fiscalité : concentrer la quasi-totalité de la fiscalité foncière sur le bloc communal, dont l’attribution d’une partie (50 %) des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) actuellement perçus par les départements aux intercommunalités tout en maintenant inchangée la part communale. La moitié du produit des DMTO, actuellement affectée au département, serait attribuée à l’EPCI du lieu de la transaction, lequel disposerait d’un pouvoir de taux encadré, tandis que l’autre moitié alimenterait un fonds de péréquation national, géré par la conférence nationale de financement du bloc communal. Le produit des IFER serait également transférés intégralement aux EPCI à fiscalité propre. L’impôt sur les plus-values immobilières pourrait être affecté aux communes afin de les intéresser à la dynamique immobilière de leur territoire. Les EPCI auraient la possibilité de demander l’actualisation des valeurs locatives cadastrales à la direction départementale des finances publiques, sans attendre une réforme nationale. La cotisation foncière des entreprises serait désormais partagée avec les régions qui en percevraient 50 % avec un pouvoir de taux (proposition 18). Le pouvoir de taux serait également revu à la hausse :
1/ les communes et EPCI auraient la possibilité de majorer le taux de la taxe d’aménagement et des DMTO en cas d’opération artificialisante ;
2/ les différentes taxes sur les logements non-occupés (THRS, THLV, TLV) pourraient être fusionnées, leur assiette élargie et le pouvoir de taux pourrait être réhaussé tout en maintenant une liaison des taux ;
3/ une taxe optionnelle sur les friches industrielles pourrait être créée pour permettre aux maires d’utiliser le levier fiscal afin d’encourager la réhabilitation des friches ;
4/ dans les métropoles, le plafond du versement mobilité pourrait être réhaussé à condition qu’existe un projet de développement de transports en commun, et que cette augmentation fasse l’objet d’une concertation approfondie avec les représentants des entreprises au niveau local (proposition 16).
- Concernant la DGF et le FPIC : la péréquation en direction des communes serait exclusivement verticale, grâce à une réforme de la DGF. A contrario, la péréquation des EPCI reposerait principalement sur des mécanismes horizontaux, via le partage de fractions de TVA et du fonds national de péréquation des DMTO. Cela signifierait la fin du système de péréquation horizontale qu’est le FPIC.
Les dotations globales de fonctionnement (dotation de compensation) des EPCI seraient ainsi fusionnées au sein de l’actuelle dotation d’intercommunalité, de manière à encourager l’intégration intercommunale (à l’aide du CIF). Cela signifie la suppression de la dotation de compensation des EPCI à fiscalité propre, qui représente plus de 4 milliards d’€, au bénéficie de l’enveloppe actuelle de la dotation d’intercommunalité (propositions 16 et 20). La péréquation horizontale serait assurée par un fonds de péréquation des DMTO de 8 Md€, et par la TVA (8 Md€).
La DGF des communes serait simplifiée afin d’être « compréhensible, prévisible et stable » (proposition 19). Une réforme progressive est nécessaire et aurait vocation « à réintégrer les dotations de fonctionnement gelées ainsi que certaines fractions d’impôts nationaux (TVA, accises sur l’énergie) ». La DGF de commune comporterait ainsi une dotation complémentaire de fonctionnement (DCF), visant à fournir un niveau de ressources par habitant minimum à chaque commune (au bénéfice des communes ayant un faible potentiel fiscal par habitant, dont le calcul prendrait en compte les charges de centralité, et ne pénaliserait pas les communes qui se développent) ; une dotation de préservation de l’environnement et du patrimoine (DPEP), visant à rémunérer les richesses latentes et souvent constitutives de charges (au bénéfice des communes dotées d’importants espaces naturels non-artificialisés, quel que soit leur niveau de richesse, ainsi qu’à celles ayant un important patrimoine culturel) ; une dotation de mutualisation, qui est actuellement versée aux communes nouvelles.
- Le rapport rappelle que : « Les attributions de compensation sont figées au moment du transfert de la compétence et difficiles à réviser par la suite. En conséquence, certaines EPCI versent trop ou trop peu d’attributions de compensation selon les cas, créant des difficultés de gestion », et propose ainsi « d’assouplir les modalités de révision des attributions de compensation, qui seraient adoptées par un vote à la majorité des deux tiers du conseil communautaire, sans obligation de recueillir l’accord de chaque commune. Cela ne doit pas conduire à une baisse de ressources soudaine et de forte ampleur ». Pour rappel, la révision libre des AC est actuellement adoptée à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés du conseil communautaire, et à la majorité simple de chaque commune intéressée par la révision. Le rapport propose que les CLECT des EPCI les plus peuplés soient présidées par un magistrat de la chambre régionale des comptes, sans droit de vote, afin « d’offrir une garantie d’impartialité à l’ensemble des communes ». Enfin, le montant des attributions de compensation ne pourrait plus dépasser l’évaluation des charges transférées faite par la CLECT (proposition 35).
Ces éléments ne sont bien sûr pas exhaustifs, car ces rapports comportent de très nombreuses autres propositions. Nous vous invitons à les consulter :
- https://www.vie-publique.fr/rapport/294470-decentralisation-le-temps-de-la-confiance
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