La situation financière des bailleurs sociaux, qui gèrent un parc de quelque 5,5 millions de logement, apparaît favorable en 2020. Dressant ce constat, une étude de la Banque des Territoires, basée sur une analyse de la période 2015-2020 mais aussi sur une projection à 40 ans du secteur, estime que cette situation devrait se dégrader à l’avenir. Explication : la double obligation de rénovations thermiques massives du parc social et de constructions nouvelles. Avec pour conséquence une forte dégradation de la dette des bailleurs sociaux.
Le secteur du logement social s’est montré solide pendant la crise sanitaire et économique de 2020. Il doit aujourd’hui fournir des efforts importants pour répondre aux grands enjeux environnementaux. Outre la construction de logements neufs, dans un contexte de rareté du foncier et dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), le secteur devrait être en mesure de lancer d’importants programmes d’investissements en termes de rénovation et d’objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le bâtiment. Un objectif indispensable mais qui va fragiliser sa situation financière.
Tel est le principal constat dressé par la dernière édition de l’étude « Perspectives », publiée par la Banque des Territoires, qui présente le patrimoine des bailleurs sociaux en 2020, analyse leurs comptes consolidés de 2015 à 2020, et propose aussi une projection à 40 ans de la situation financière du secteur.
18,4 milliards d’euros d’investissements
Fin 2020, le parc social compte 5,5 millions de logements, gérés essentiellement par des offices publics de l'habitat (OPH) et des entreprises sociales pour l'habitat (ESH). Le mouvement de consolidation des bailleurs sociaux s’est encore accéléré en 2020 avec 34% d’ESH de moins par rapport à 2013, et 22% de moins d’OPH, en grande partie dû à la loi « Elan » de novembre 2018.
La construction de logements sociaux représente un peu moins d’un quart du total des mises en chantier de logements. Avec un montant total d’investissements de 18,4 milliards d’euros en 2019 (année avant la crise sanitaire), le secteur du logement social représente 7,5% des investissements totaux du secteur de la construction. Ces investissements concernent surtout l’acquisition de logements (32% du total) et la construction en tant que maître d’œuvre direct (27%).
Autofinancement élevé
Les mesures de la loi de finances pour 2018 (réduction de loyer de solidarité, gel de loyers et augmentation de TVA) ont entraîné une baisse des revenus des bailleurs sociaux. Depuis 2019, leur autofinancement global est néanmoins de nouveau en hausse, atteignant 18,4%, soit le niveau le plus élevé de ces six dernières années. Cela s’explique par la baisse des annuités financières sous l’impact du soutien apporté notamment par la Banque des Territoires via ses mesures d’urgence et de relance, et du fait d’un volume de cessions toujours important. « La situation financière des bailleurs reste donc favorable en 2020 », jugent donc les auteurs de l’étude « Perspectives ».
125 000 rénovations thermiques en 2026 et 2027
Suivant le scénario retenu, basé sur les informations disponibles en mi-mars 2022, les bailleurs sociaux seraient en mesure de faire face à court et moyen terme aux obligations de rénovations thermiques massives, imposées par la loi « Climat » d’août 2021. Le rythme augmenterait progressivement jusqu’à atteindre le niveau important de 125 000 réhabilitations en 2026 et 2027. Un effort facilité par les subventions du Plan de relance.
La politique d’investissement des bailleurs sociaux permettrait ainsi d’éradiquer à courte échéance les passoires thermiques et de positionner le parc HLM sur la trajectoire de la SNBC d’ici 2050.
Constructions insuffisantes
En revanche, à court terme, la construction de logements sociaux ne devrait pas atteindre les volumes définis dans le protocole d’engagement signé entre l’État et les acteurs du secteur (250 000 logements sur deux ans) et resterait même sous le seuil des 100 000 logements annuels. Explication : « les freins multifactoriels » identifiés dans le rapport Rebsamen sur la relance durable de la construction de logement.
Mais à partir de 2028, selon un scénario de retour à l’équilibre, les bailleurs auraient la capacité suffisante pour atteindre ce cap de 100 000 logements sociaux produits par an. Ces investissements, financés en grande partie par emprunt, augmenteraient les annuités de la dette et mobiliseraient d’importants fonds propres, avec pour conséquence une dégradation du potentiel financier. À la fin de la période de prévision, la Banque des Territoires prévoit donc que le secteur conserverait « une situation financière positive mais beaucoup moins favorable » qu’actuellement.
Une situation financière fragilisée dans l’avenir
A l’horizon 2060, l’autofinancement global du secteur et le potentiel financier par logement baisseraient de moitié. « Le secteur devrait néanmoins être en mesure de lancer d’importants programmes d’investissements en termes de rénovation et de contribuer aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à long terme, même si leur situation financière s’en trouvera affectée », estime l’étude « Perspectives ». Mais en reconnaissant les difficultés de projection compte tenu des fortes incertitudes de la période actuelle du fait de l’évolution incertaine de la situation sanitaire (Covid-19), des tensions géopolitiques et de ses répercussions économiques, notamment avec la forte hausse de l’inflation.
« Bien que les bailleurs sociaux soient des investisseurs de long terme, les tensions inflationnistes en cours pourraient à court terme influer sur leur politique d’investissement », conclut ainsi la Banque des Territoires.
Philippe Pottiée-Sperry
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