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Ruralité : les mesures prévues par Françoise Gatel

Auditionnée récemment par la délégation sénatoriale aux collectivités du Sénat sur la politique gouvernementale en matière de ruralité, Françoise Gatel, la ministre déléguée chargée de la Ruralité, a plaidé pour « rendre la ruralité plus attractive ». Elle a affiché sa volonté de renforcer certaines mesures du plan France ruralités, arrivant à mi-parcours, en matière d’ingénierie, de carte scolaire, de logement ou de mobilité. L’ancienne sénatrice d’Ille-et-Vilaine est aussi revenue sur plusieurs propositions de loi en cours de discussion au Parlement, en particulier celle sur le statut de l’élu, dont elle a été l’auteure en 2024, en défendant son adoption « avant l’été ».

Devant la délégation aux collectivités territoriales du Sénat qu’elle connaît bien pour l’avoir présidé il y a encore six mois, Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la Ruralité, était auditionnée le 8 avril dernier sur la feuille de route gouvernementale en matière de ruralité. « Notre société ne pourra pas répondre aux enjeux du siècle, en termes de préservation de la biodiversité, de lutte contre le réchauffement climatique, de transition énergétique, de souveraineté alimentaire ou de cohésion sociale, sans la ruralité à ses côtés et donc sans la mobilisation de ses acteurs », a tenu à rappeler en préambule Bernard Delcros, le président de la délégation sénatoriale. Il plaide ainsi pour « permettre aux territoires ruraux de jouer pleinement ce rôle au service de tous et de leur en donner les moyens ».

 

« Un lieu d'innovation exemplaire »

Reconnaissant les difficultés rencontrées par les territoires ruraux (accès aux soins, démographie scolaire, mobilités, logement, ingénierie…), elle défend « la ruralité qui est l’avenir de notre pays » et constitue « un lieu d'innovation exemplaire ». « La loi doit faciliter cela au lieu d'essayer d'inventer depuis Paris la solution miraculeuse », lance-t-elle, en citant notamment l’adoption « enfin » de la loi assouplissant la gestion des compétences eau et assainissement (loi du 11 avril publiée au Journal officiel du 12 avril).

En réponse aux inquiétudes des sénateurs, relatives à la préparation du projet de loi de finances pour 2026, la ministre ne cache pas qu’elle sera difficile compte tenu de la situation financière qui amènera à « revoir certaines priorités budgétaires » et à « évaluer chacune de nos politiques ». En matière de politique européenne de cohésion, elle se veut rassurante en affirmant que malgré les investissements massifs en matière de réarmement, « tous les gouvernements européens sont d’accord pour ne pas amputer l’enveloppe de cohésion dans la préparation du budget 2028-2034 ».

Evaluer le programme Villages d'Avenir

Sur le plan France ruralités et ses 32 mesures, lancé en 2023 et aujourd’hui à mi-parcours, Françoise Gatel évoque ses nombreux déplacements sur le terrain pour observer sa mise en oeuvre. Tout en évoquant « des élus très satisfaits », elle estime que « le plan doit être conforté », en particulier sur le volet ingénierie des programmes Villages d'Avenir et Petites villes de demain.

Plusieurs missions d’inspection et d'évaluation ont été mises en place dont une sur Villages d'Avenir (2500 communes bénéficiaires). Selon la ministre, ce dispositif constitue une « bonne réponse » aux besoins d'ingénierie des communes qui ne bénéficient pas des services d’une agence d’ingénierie mise en place par un département ou une intercommunalité. « Sans cela, les élus sont dans l'incapacité de définir et de monter leurs projets », affirme-t-elle. Françoise Gatel a demandé aux préfets de département de travailler avec les élus sur l’accueil de nouvelles communes dans Villages d'Avenir, mais dans la même enveloppe de crédits. 400 nouvelles communes vont ainsi rejoindre cette année le programme sachant que le même nombre de communes ont terminé la conception de leurs projets et vont passer à la phase de réalisation. Aujourd’hui, l'Etat finance 120 chefs de projets, rattachés à l’ANCT ou au Cerema, qui sont souvent accompagnés par des sous-préfets à la ruralité.

Concernant le programme des conseillers numériques, rattachés le plus souvent aux maisons France Services, Bernard Delcros a plaidé pour sa poursuite, « essentielle » à ses yeux compte tenu des enjeux importants d’inclusion numérique en milieu rural et des résultats obtenus par ce dispositif.

Baisse de la démographie scolaire

Dans les améliorations à apporter à France ruralités, la ministre cite également les observatoires des dynamiques rurales sur la démographie scolaire, prévus pour concerter dans les départements entre les maires, le préfet et le directeur académique des services de l’Education nationale (DASEN) pour anticiper les ouvertures et les fermetures de classes. S’étant multipliées ces derniers temps, les fermetures suscitent souvent la colère des élus ruraux. « Il y a des départements où ça ne marche pas », reconnaît Françoise Gatel en évoquant des DASEN qui « ne parlent pas la langue des élus » car « leur mission est d'assurer une répartition équilibrée entre les postes et les écoles, avec des logiques d'effectifs et de ratios ». Pour améliorer la situation, le travail fait actuellement avec l’AMF et l’AMRF doit se traduire « très prochainement par la signature d’une convention entre le gouvernement et ces deux associations pour essayer de mieux travailler ensemble ».

Sur le même sujet, l’ancienne sénatrice insiste sur « la nécessité d'un Etat déconcentré fort à l'échelle des départements », avec donc certains services comme les académies, les ARS ou les agences, rattachés aux administrations centrales, qui « devraient être coordonnés par les préfets ». Et d’ajouter : « il faut un seul interlocuteur pour tout le monde qui doit être le préfet de département avec un rôle d'arbitre et de chef d'orchestre ».

Face au problème de la baisse démographique, elle prône la mutualisation en donnant l’exemple de plusieurs communes de la Somme qui se sont mises ensemble pour créer un pôle éducatif. « Une solution efficace face à des écoles dispersées et des problèmes pour les parents », estime-t-elle. Résultat : des classes flambant neuves, un accueil de la garderie du centre scolaire et une équipe enseignante musclée. 

Logement : soutien des maires bâtisseurs

En matière de logement, Françoise Gatel rappelle que 34% des passoires thermiques se trouvent dans la ruralité avec donc un chauffage plus cher. « MaPrimeRénov’ a bien aidé, mais la mobilisation des OPAH [NDLR : opérations programmées d'amélioration de l'habitat] reste difficile », souligne-t-elle. Et d’indiquer qu’elle « travaille étroitement avec Valérie Létard [NDLR : ministre chargée du Logement] pour soutenir les maires bâtisseurs. Certaines mesures d'accompagnement vont être élargies aux communes rurales, y compris pour les rénovations destinées à faire du logement social ».

Au sujet des transports, tout en reconnaissant qu’il n’est pas possible de cadencer des bus et des trains comme on le fait en ville, elle défend « la mobilité du premier kilomètre ». A l’appui, elle cite une « initiative remarquable », observée récemment lors d’un de ses déplacements dans la Vienne : une commune rurale a acquis deux voitures sans permis pour les jeunes en échange de quelques heures de travail d’intérêt citoyen au profit de la commune. « Soutenue par l’Etat, cette initiative permet de lutter contre l’assignation à résidence des jeunes, n’ayant pas accès à l’emploi et à la formation », s’enthousiasme la ministre. Elle prône aussi le développement des applis pour le covoiturage du quotidien, en rappelant la ligne de 30 millions d’euros du Fonds vert pour soutenir les initiatives communales.

Toujours pour lutter contre « l'assignation à résidence des jeunes », elle promet des annonces prochaines avec le ministre de l’Enseignement supérieur sur la création d'antennes universitaires de premiers cycles dans des villes moyennes et de campus connectés permettant aux jeunes ruraux de « suivre une formation universitaire sans avoir un logement à financer en ville ».

Statut de l’élu : adoption de la réforme avant l’été

Enfin, sur le sujet du statut de l’élu et l’inquiétude relayée par le sénateur Thierry Cozic de ne pas voir aboutir la proposition de loi avant les municipales, Françoise Gatel juge une nouvelle fois qu’« il est temps de conclure ». Affirmant que François Bayrou et François Rebsamen sont « convaincus », elle reconnaît l’embouteillage de textes au Parlement mais plaide pour marteler le message tous les jours afin d’adopter la réforme « avant l'été ».

Par ailleurs, elle souhaite compléter la proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat en première lecture, en mars 2024, « sur le volet sécurisation des élus, dont la prise illégale d’intérêt, avec des mesures issues des propositions du rapport Vigouroux [NDLR : rapport sur la sécurisation de l’action des autorités publiques, remis le 13 mars 2025] ».

 

Pierre Plessis

Crédit photo © Sénat

 

Référence : BW42588
Date : 22 Avr 2025
Auteur : Pierre Plessis pour l'AMF


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